Décidée par l’Union Européenne afin de sanctionner la Russie suite à l’invasion de l’Ukraine, l’exclusion des banques russes du système bancaire Swift s’ajoute à la liste des sanctions pour faire pression sur le pays. De quoi s’agit-il ? Quelles conséquences sont à prévoir en Russie, mais aussi en Europe ? Réponses avec Marc Touati, Économiste et Président du cabinet ACDEFI.
Qu’est-ce que Swift ?
Marc Touati : Les services de Swift (Society for worldwide interbank financial telecommunication) sécurisent les paiements internationaux entre les banques étrangères. C’est en quelque sorte l’équivalent de l’espace unique de paiement en euros SEPA, mais à un niveau mondial. Pour réaliser un paiement à l’international, une banque doit être munie d’un code Swift. Plus de 11 000 institutions financières ont adhéré à ce réseau, qui est devenu incontournable.
En bannissant les banques russes de ce système, quels effets veulent obtenir les Européens ?
Marc Touati : L’objectif est clair, celui de frapper l’économie du pays en faisant peser le maximum de contraintes sur les échanges financiers, et donc commerciaux des entreprises russes. Sauf que par effet de ricochet, toutes les entreprises européennes et françaises qui commercent avec la Russie vont être elles aussi impactées par ces mesures. Aujourd’hui, près de 70% des banques ont été exclues, mais pas la totalité car il faut assurer les transactions relatives aux matières premières comme le pétrole et le gaz russe, dont, pour ce dernier, l’Europe est dépendante à 40%, et jusqu’à 60% pour le cas particulier de l’Allemagne.
Marc Touati : Si la situation s’enlise, ce que personne ne souhaite, il est à craindre que la dynamique inflationniste se fasse de plus en plus prégnante en raison de l’envolée des courts matières premières
Existe-t-il une alternative à Swift ?
Marc Touati : La Russie a développé un système de garantie de paiement, le SPFS, qui permet aux banques russes de passer des ordres de mouvement entre elles, mais également avec des banques d’autres pays comme la Chine. Le niveau de maturité du système n’est pas comparable, mais il permet au pays de continuer à fonctionner en dehors de ses relations avec l’Occident, qui sont considérablement restreintes.
Quelles autres sanctions financières peuvent être mises en place ?
Marc Touati : Le gel des avoirs financiers étrangers des banques russes, mais aussi des oligarques a fait partie des premières mesures mises en place par l’UE, qui relèvent plus de l’ordre du symbole que d’un véritable levier de pression. Le blocus serait une mesure efficace, mais l’Europe est trop dépendante énergétiquement de la Russie pour se lancer dans cette voie.
A quoi faut-il s’attendre dans les semaines à venir d’un point de vue économique ?
Marc Touati : Si la situation s’enlise, ce que personne ne souhaite, il est à craindre que la dynamique inflationniste se fasse de plus en plus prégnante en raison de l’envolée des courts matières premières à laquelle nous assistons depuis le début du conflit. Des conséquences qui vont percuter de plein fouet le pouvoir d’achat européen et français, déjà fragilisé par deux ans de pandémie. Dans ce conflit, il faut veiller à ne pas sous-estimer la capacité de résistance des russes, et à ne pas surestimer l’impact que ces sanctions économiques et financières auront sur eux ! A contrario, est-ce que les européens sont prêts à faire face à une envolée durable des prix de ces postes dits de « premières nécessité » ? N’oublions pas qu’au cours des deux dernières années, la dette publique de la Zone Euro a augmenté de près de 2 000 milliards d’euros et que la « planche à billets » de la BCE a dépassé les 4 000 milliards d’euros. Compte tenu de ces dérapages, nos marges de manœuvre sont donc limitées pour absorber les conséquences économiques directes du conflit entre la Russie et l’Ukraine.
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