Longtemps incontournable pour tout automobiliste qui se respecte, le calculateur d’itinéraire français est resté quelques temps dans l’ombre au profit de nouveaux acteurs émergents comme GoogleMaps ou, plus récemment, Waze. Mais avec le lancement de son comparateur de déplacement multimodal en octobre 2016, Mappy semble bien décidé à retrouver son leadership, fort des vertus novatrices qui ont jadis fait son succès.
Qui n’a jamais connu les départs en week-end ou en vacances, entassé dans une voiture, avec en guise de « plan de route » une feuille volante A4 imprimée ? Une image d’Epinal indissociable de la « culture Mappy » mais qui a inexorablement vécu. Le « Mappy Vintage » est mort, vive le Mappy « New School » ! Pour piloter ce virage stratégique et réveiller cette « belle endormie », le groupe SoLocal (ex-Pages Jaunes), propriétaire de la pépite Mappy, a misé sur Bruno Dachary, qui a notamment œuvré au lancement de la 3G chez Orange, pour dépoussiérer une marque ayant tendance à se reposer sur son glorieux passé. « Mappy est l’un des pionniers du digital car si nous revenons à des temps immémoriaux, la plateforme a vu le jour en 1987 et va donc avoir 30 ans cette année. D’ailleurs sa première appellation – sur Minitel – était 3615ITI. A savoir, le fruit d’une collaboration entre un laboratoire de France Telecom et la sécurité routière pour mettre au point un service minitel de calcul d’itinéraire. L’un des premiers au monde, si je ne m’abuse », se rappelle celui qui préside aux destinées de Mappy depuis 2012.
Mais depuis quelques années, l’innovation et la prise de risques ne semblaient plus avoir cours chez le pionnier qui semble être resté sur le bas-côté de la route, regardant la concurrence lui griller la politesse. Mais ce temps est désormais révolu et , sous la houlette de Bruno Dachary, Mappy semble bien décidé à délaisser les habits de spectateur pour revêtir son costume de « dynamiteur » du secteur. Mais cette « stagnation » n’est pas uniquement imputable au manque de volonté – et d’idées – de Mappy de se renouveler. L’arrivée de nouveaux acteurs a changé la donne et rebattu les cartes. « Google Maps a considérablement bouleversé le marché, il ne faut pas se le cacher », souligne Bruno Dachary. Et de poursuivre. « Google est arrivé sur le marché et a bousculé le business model de pléthore d’acteurs du secteur (…) Ils ont, en quelque sorte, reformaté de manière radicale le marché à leur sauce », souligne, empreint de lucidité, le directeur général.
« Nouveau monde »
Seuls ceux disposant de l’appui d’un grand groupe, à l’instar de Mappy avec SoLocal, ou ViaMichelin ont réussi à tirer leur épingle du jeu. Mais c’est loin d’être suffisant pour un protagoniste de l’envergure de Mappy, où l’innovation et la prise de risques font office de vertus cardinales. Alors, comme elle l’avait fait au « siècle dernier », la plateforme s’est remise en question, refusant d’être scotchée sur la bande d’arrêt d’urgence, afin de retrouver la pole-position en matière d’idées novatrices. Sans pour autant tout sacrifier sur l’autel de la nouveauté. « Nous sommes une marque patrimoniale que tout le monde connaît. Par exemple, en termes de notoriété, selon plusieurs études, nous sommes devant Google Maps. Mais en termes de perception de l’innovation, Google nous surpasse allègrement car Mappy n’a pas cette qualité aux yeux de l’opinion », développe Bruno Dachary.
Mais le fleuron de SoLocal a tout de même de sérieux atouts à faire valoir, au premier rang desquels une audience conséquente qui oscille – en fonction des saisons – entre 10 et 13 millions de visiteurs uniques mensuels. Soit dans le top 30, lorsque l’audience frise les 13 millions, des acteurs digitaux dans l’Hexagone. Pleinement conscient que les « vieilles recettes » sont dépassées, Mappy a décidé de se mettre au goût du jour et de se focaliser pleinement sur l’utilisateur qui est désormais au cœur du système, tout en s’adaptant aux enjeux de l’époque avec l’arrivée sur le marché des Uber et autres Blablacar. Le « Mappy New Look » est sur une rampe de lancement. En l’occurrence, « casser » cette image de calculateur d’itinéraire longue distance pour devenir une plateforme multimodale incontournable. Piétons, vélos, VTC, bus, trains, transport en commun à Paris et en province… L’objectif est limpide : devenir référent national et premier comparateur de déplacements en France. Le plus connu, le plus répandu et le plus réputé. Tout un programme mené d’une main de maître par Bruno Dachary et ses équipes, notamment techniques.
La métamorphose
En effet, depuis cinq ans Mappy a été complètement remodelé, d’un point de vue « technico-technique ». Une « remise à plat » en bonne et due forme dont n’a pas toujours conscience le grand public. Un véritable travail de l’ombre particulièrement fastidieux. « C’est bien simple, il n’y aura plus, d’ici deux mois, aucune ligne de code sur Mappy de plus de cinq ans. Notre plateforme géospatiale est littéralement flambant neuve. Ce qui nous a ouvert de nouveaux horizons, notamment beaucoup plus de capacité et de flexibilité en matière de rapidité de calcul », raconte Bruno Dachary. Une « modernité » qui va de pair avec la voie empruntée par la plateforme qui a notamment noué des partenariats avec « des nouveaux venus » aux dents longues comme Blablacar ou Uber. Comment cela se matérialise-t-il concrètement ? « Uber est référencé au sein de l’appli Mappy. Lorsqu’un tiers fait un calcul d’itinéraire, nous proposons toutes les solutions de déplacements pertinents dont Uber. Ainsi, en choisissant cette plateforme VTC, l’utilisateur est « renvoyé » chez Uber, lequel nous rémunère à l’acquisition de chaque nouveau client qui aura été aiguillé par Mappy », développe le dirigeant.
Et l’opération est peu ou prou similaire sur tous les modes de transports, que ce soit pour Ouibus en ce qui concerne les transports « groupés » ou Blablacar pour le covoiturage, SNCF et les trains, en passant par les taxis avec G7. Une volonté de « quadriller le territoire » et tisser sa toile en apportant un vent de fraîcheur – et de modernité – sur le déplacement. Un pari ambitieux qui commence déjà à porter ses fruits dans la mesure où tous les partenaires de Mappy sont logés à la même enseigne, à savoir aucune exclusivité puisque la plateforme peut tout aussi bien, comme évoqué, travailler de concert avec les VTC et les Taxis. Voire même avec d’autres « VTCistes », Uber n’étant pas présent sur la totalité du territoire français. Puisqu’en effet, travailler uniquement avec Uber mettrait un sérieux coup de canif à la nouvelle logique de Mappy : être partout, tout le temps.
L’ambition chevillé au corps
En dépit d’un socle d’audience résolument important, Mappy voit plus loin et souhaite l’accroître et la fidéliser afin de pouvoir disposer de données utilisateurs lui permettant d’améliorer constamment son offre de service. « Nous pourrons ainsi observer, avec leur consentement bien entendu, les habitudes de nos utilisateurs, à savoir ce qu’ils font, ou ils vont, ou encore ce qu’ils aiment », souligne Bruno Dachary. « Une matière brute » qui pourrait ainsi permettre de ciseler des « profils-types » d’utilisateurs. Dans cet ordre d’idée, Mappy a d’ailleurs signé des partenariats avec plusieurs enseignes qui souhaiteraient être mises davantage en avant sur la plateforme. C’est notamment le cas d’Auchan, Casino, Lidl, Norauto ou BestDrive dans le secteur automobile, ou encore McDonald’s et Del Arte, pour la restauration. Ce qui leur permettra d’être « privilégiés » au sein des recherches utilisateurs. Un dispositif gagnant-gagnant.
Mais déjà, Bruno Dachary semble focalisé sur la phase d’après qui, si elle n’a pas encore de réalité concrète dans la stratégie de Mappy, chemine dans l’esprit de son premier dirigeant : tendre vers une logique de paiement en achetant de la capacité – sur le même modèle que les opérateurs de téléphonie – et ainsi poser les bases de forfaits de déplacements multimodaux. Soit l’équivalent d’un « Pass Navigo multimodal », par exemple. « C’est en effet, quelque chose vers quoi nous aimerions aller en dépit des difficultés que cela peut soulever. Il y a là un véritable potentiel et un challenge excitant à relever. Nous sommes 100 fois moins nombreux que Google Maps – Mappy abrite aujourd’hui en son sein 70 salariés – mais cela ne signifie pas pour autant que nous sommes 100 fois moins bon », sourit le dirigeant. Qu’on se le dise, « le pionnier » est de retour et avec lui, la certitude que le virage stratégique n’est plus « l’appellation diplomatique » pour sortie de route. Les lueurs du passé sont prêtes à éclairer l’avenir. Et celui-ci s’annonce particulièrement brillant.
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