Les ouvrages sur le télétravail, et ses impacts managériaux et organisationnels, continuent de proliférer avec une qualité forcément inégale. Précisément, deux ouvrages récents, de facture différente, ont suscité notre intérêt.
Les impacts durables de la crise sur le management, dirigé par Michel Kalika et Paul Beaulieu, Management et Société, 2021.
Michel Kalika et Paul Beaulieu poursuivent avec cet ouvrage, celui déjà robuste, publié il y a une année, intitulé L’impact de la crise sur le management, en mobilisant à nouveau une belle palette de chercheurs avertis (et de manière bienvenue, quelques docteurs du DBA du Business Science Institute). L’intérêt de ce second ouvrage, bénéficiant d’une prise de recul opportune, réside dans sa volonté d’approfondir les enseignements du précédent. Et disons le de suite, le résultat de cette production collective est probant.
Trois parties structurent cet ouvrage. La première rassemble dix contributions convaincantes centrées sur les impacts de la crise sur les organisations, en s’appuyant sur des données d’enquête robustes. Parmi ces contributions, nous avons particulièrement apprécié celle de Françoise Laval et d’Aurélie Dudezert consacrée à la transformation digitale des mode de travail, du « crash test » au « new normal« . les auteures soulignent notamment à travers ces expressions, les effets de la séquence trajectoire de crise vers la sortie de crise, montrant en quoi ils constituent une opportunité pour poursuivre la transformation digitale et organisationnelle des firmes. Ces mêmes auteures, accompagnées de Fatou Diop-Sall, ont notamment mis en lumière dans une autre contribution, un phénomène révélateur. A savoir les effets bénéfiques des pratiques informelles distancielles (« Apéro Zoom », « Café Skype », etc.), en termes d’innovation (nouvelles idées, nouvelles pratiques, etc.) Michel Kalika pour sa part, souligne enfin de manière probante, les effets bénéfiques de la Covid-19 au regard des réunions, en s’appuyant toujours sur des sources robustes.
L’intérêt de la seconde partie est de procéder à une analyse sectorielle des impacts de la crise dans des secteurs aussi diversifiés que le tourisme, l’automobile, l’industrie pétrolière, ou l’hôpital. L’apport de Hedi Guelmani, dans ce dernier cas est particulièrement convaincant.
Enfin, la dernière partie est consacrée aux effets de la crise sur les dispositifs et pratiques managériales. On retiendra notamment parmi les dix contributions de qualité, celle de Pascal Glémain sur l’émergence d’une nouvelle forme organisationnelle, les Nouveaux Espaces Collaboratifs (NEC), dépassant même la notion de « tiers lieux ». Ils doivent cependant se déployer et collaborer encore plus fortement avec les administrations locales et les entreprises qui s’initient et/ou pratiquent le télétravail. Enfin, on relèvera deux contributions éclairantes de Nathalie Dubost et Yvon Pesqueux sur les limites du New Public Management, accompagnées de préoccupations intéressantes.
Cet ouvrage s’adresse principalement à un public averti incluant non seulement des chercheurs, mais également à notre sens des dirigeants et managers éclairés qui sont plus nombreux que l’on imagine à s’intéresser aux travaux académiques, ainsi que nous avons pu l’observer, notamment à travers nos activités professionnelles.
Télétravail : la fin du bureau ? par Sarah Proust, Fondation Jean-Jaurès/L’aube, 2021.
Voici un petit opus de 88 pages particulièrement bienvenu. L’auteure, Sarah Proust qui est une experte associée à la Fondation Jean-Jaurès et consultante, se propose de dessiner des « trajectoires souhaitables » pour imaginer le bureau du futur, induit par la pandémie, qui soit à la fois juste pour les salariés et efficace pour l’organisation. Elle s’appuie pour cela sur une étude conjointe de l’IFOP et de la Fondation, ainsi que d’une trentaine d’entretiens diversifiés (fonctions, régions, pays), lui permettant d’étayer ses propos. Trois trajectoires cumulatives sont proposées.
La première relève de la cohérence à travers l’alignement stratégie/pratiques de travail/espaces et outils, alors que rappelle-t-elle, toute l’histoire du bureau à consisté à faire l’inverse. En d’autres termes, le bureau ne peut s’assimiler à de simples surfaces organisées de manière aléatoire en fonction des entrées et des sorties des salariés. Il doit être pensé et conçu au regard de l’objet de l’organisation, des activités et métiers qui y sont mobilisés et des formes managériales qui y sont pratiquées ou que l’on souhaite devoir développer.
La seconde s’emploie à bien distinguer les taches entre le bureau et le télétravail. Dans la mesure d u possible, privilégier le bureau pour les réunions, le travail collectif, la socialisation et l’informel, et en télétravail, ce qui relève de la réflexion et de la production. Si cela n’est pas toujours concrètement possible, profiter des mètres carrés rendus disponibles dans le cadre d’un flex office pour créer des espaces de travail collectif, ou faire profiter les salariés ne pouvant travailler aisément chez eux, du bénéfice de l’usage d’un « tiers lieux », si possible à proximité de leur domicile. On peut en effet penser plus globalement qu’il faille déployer encore plus largement ce type d’espace tant dans les territoires que dans les zones de densification des domiciles des télétravailleurs.
Enfin, dernière trajectoire cumulative et non des moindres, la nécessité de repenser les pratiques managériales fondées sur la confiance et l’autonomie. C’est bien entendu l’équilibre subtil et complexe entre la confiance et le contrôle qui est en jeu.
Même si certaines de ces trajectoires peuvent, comme le reconnait l’auteurs elle-même, être relativement aisées à proposer, leur mérite est bien de pointer ces quelques points saillants qui constituent des leviers incontournables sur lesquelles il importe d’agir. C’est bien là l’intérêt de ce petit opus.
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