Les journées de grève contre la réforme des retraites, très médiatisées, ont donné lieu à de nombreux débats en France, où l’on craint que les manifestations ne nuisent au tourisme et ne ternissent l’image du pays.
Pourtant, rien ne prouve que les grèves nuisent à l’économie française dans son ensemble. La France ne va pas perdre son titre de pays le plus visité au monde : elle est la 7e économie mondiale et le tourisme représente 10 % du PIB. De plus, les premiers éléments indiquent que les voyages long-courriers sont en plein essor pour les mois de mai et de juin.
Néanmoins, les grèves en France ont un impact sur les plans de voyage individuels : les données pour 2023 montrent que les manifestations ont perturbé les plans de dix millions de passagers.
Le nombre de visiteurs en France est en hausse de 33 % pour 2023
Les chiffres montrant que la demande refoulée de la fin de la pandémie n’a pas entamé la demande d’escapades parisiennes, malgré les images d’ordures en décomposition dans les rues ou la menace de grèves des contrôleurs aériens.
La plateforme de marketing numérique Sojern indique que les voyageurs américains reviennent en nombre en Europe, le nombre de touristes américains à Paris ayant augmenté de 33 % par rapport aux chiffres de 2022.
Trainline Europe a récemment constaté une augmentation des réservations pour Paris. La capitale française est actuellement la destination la plus populaire pour les groupes de trois voyageurs ou plus et, avec Londres, c’est la destination numéro un pour les voyageurs en solo. De même, TripIt indique que Londres, Paris et Rome sont les destinations long-courriers les plus prisées des Américains qui voyagent en juin.
En conséquence, l’application de voyage Hopper signale que le prix des billets d’avion pour l’Europe n’a jamais été aussi élevé depuis cinq ans. En effet, les voyages vers l’Europe coûtent actuellement en moyenne 1 167 dollars par billet pour les départs en été, soit 36 % de plus que l’année dernière, ou environ 317 dollars de plus par billet.
Cette hausse des prix est due à la fois à la faible capacité, à l’augmentation du prix du kérosène et à l’explosion de la demande. Sur Hopper, les voyageurs se rendent à Londres, Paris et Tokyo au départ des États-Unis.
L’essentiel du tourisme français n’est pas un tourisme international long-courrier
La France est également protégée par un important marché touristique national. Seuls 30 % du tourisme en Franceproviennent de visiteurs internationaux long-courriers. Traditionnellement, les Français aiment passer leurs vacances dans leur propre pays, en profitant de ses montagnes, de ses villes, de ses lacs et de ses plages, et ils sont nombreux à se rendre dans ces lieux pendant la majeure partie du mois d’août, lorsque le pays ferme ses portes à l’occasion des vacances d’été. De nombreux syndicats considèrent cette période comme sacro-sainte : ils ne cherchent pas à irriter les hôteliers et les restaurateurs ou à s’aliéner les vacanciers en colère qui ne peuvent pas se rendre à leur destination.
Certaines données suggèrent que les troubles et les actions politiques entraînent une réduction du nombre de nuits d’occupation des lits, l’indicateur par lequel les données touristiques sont jugées. Lors des manifestations des gilets jaunes contre les inégalités sociales en 2019, qui ont précédé la pandémie, le nombre de lits occupés a chuté, mais il est impossible de savoir si ces visiteurs ont réellement annulé leur séjour ou s’ils l’ont simplement reporté à une date ultérieure.
L’INSEE a analysé les précédentes manifestations sociales et a constaté qu’elles n’avaient eu que très peu d’impact sur la croissance économique. De plus, comme une grande partie des grèves est liée au secteur des transports, l’INSEE prévoit que l’impact de ce mouvement de 2023 sera d’autant plus limité que la pandémie a entraîné tout le monde à travailler en ligne, ce qui signifie que les gens peuvent facilement s’adapter à des perturbations temporaires de leurs comportements en matière de transport.
De plus, si la France est connue pour être un pays qui aime protester, le nombre de jours de grève est plus faible aujourd’hui que dans les années 1970 et, à l’image des derniers étés, il est plus probable que les pénuries d’eau, les risques d’incendie et les canicules incitent davantage les touristes à se rendre ailleurs.
30 % des vols européens quotidiens touchés par les grèves de 2023
Les véritables perdants de ces grèves sont les voyageurs individuels, dont beaucoup ont subi des retards importants depuis le début des grèves en janvier.
L’organisme européen de contrôle du trafic aérien Eurocontrol a publié des données pour la période comprise entre le 1er mars et le 9 avril, au cours de laquelle dix millions de voyageurs ont subi des retards ou des annulations, soit 64 000 passagers par jour rien qu’en France. Habituellement, la ponctualité des avions atteint près de 80 %, mais pendant les jours de grève, elle est tombée à environ 70 %.
Le problème ne concerne pas seulement les vols qui décollent et atterrissent en France, car de nombreux vols traversent l’espace aérien français. Ainsi, chaque jour, jusqu’à 3 300 vols décollent et atterrissent dans les aéroports français, tandis que 3 700 autres traversent l’espace aérien français. En tout, 16 % de ces vols ont été affectés par les grèves des contrôleurs aériens (bien que ce chiffre augmente si l’on tient compte des vols annulés plus de trois jours avant un mouvement de grève planifié).
Ryanair, Air France et Easyjet sont les trois compagnies aériennes qui ont enregistré le plus de retards et d’annulations au cours de cette période. Ryanair, en particulier, demande à l’Union européenne de protéger les vols en transit, estimant que les clients voyageant du Royaume-Uni vers l’Italie ne devraient pas subir le poids des grèves françaises alors qu’ils n’ont pas mis les pieds dans le pays.
Si la France a été la plus touchée par les actions aériennes, l’Espagne a également subi 15 % de départs retardés et une augmentation de 63 % des annulations au cours de la même période. Le Royaume-Uni, l’Italie et l’Allemagne ont subi entre 6 et 8 % de retards ou d’annulations de vols, principalement des survols.
En Europe, un total de 34 jours d’actions syndicales dans les pays de l’UE a affecté 237 000 vols. À titre de comparaison, l’éruption du volcan Eyjafjallajökull en avril 2010 avait affecté 100 000 vols.
Article traduit de Forbes US – Auteure : Alex Ledsom
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