Après une année 2018 ponctuée par une bonne résistance aux soubresauts chinois, le secteur du luxe français aborde 2019 avec sérénité même si un ralentissement semble inéluctable. Qui de LVMH, Kering ou Hermès tirera le mieux son épingle du jeu au cours des douze prochains mois ?
« Performances stellaires » (Gucci), « toujours porté par le succès de ses lignes iconiques » (Louis Vuitton), « enfant chéri des investisseurs » (Hermès), les superlatifs et autres laudatifs sont légion au moment d’évoquer l’année 2018 du trident du luxe à la française. L’autre valeur sûre du secteur, Chanel qui pourrait compléter ce panorama, n’est pas coté en bourse et n’est donc pas tenu de lever le voile sur ses résultats chaque trimestre (exception faite par ses soins pour les comptes 2017). Nous allons davantage nous intéresser aux perspectives et bilans du trio. Premier enseignement, la bonne tenue des ventes de cette « trinité » auprès de la clientèle chinoise, même si cette année, outre des performances de haute voltige, ne fut pas de tout repos pour LVMH, notamment sur le front boursier, les inquiétudes autour de la Chine ayant tout même chahuté le cours de bourse du numéro 1 mondial. Au lendemain de la publication des résultats de son troisième trimestre (le 10 octobre), unanimement qualifiés « d’excellente facture » grâce notamment à ses deux joyaux Dior et Louis Vuitton, le cours de la première capitalisation du CAC 40 s’est néanmoins écroulé de 7,1%. Une chute imputable aux craintes persistantes sur la demande chinoise.
Ce qui a eu pour effet mécanique de faire plonger les autres valeurs du secteur au premier rang desquelles les françaises Kering et Hermès mais également le britannique Burberry ou encore le suisse Richemont. “Le trimestre devrait marquer le début du ralentissement cyclique de la croissance des ventes pour LVMH et le secteur”, avaient alors confirmé les analystes de Société Générale cités par Reuters. La « glissade » de LVMH succédait déjà à une période délicate pour le titre en Bourse qui avait cédé 6% entre le 28 septembre et la publication de ses résultats. Toujours à cause des « fameuses craintes » sur la Chine. Depuis le 1er janvier, le titre LVMH ne s’est ainsi apprécié que de 3,30%. Attentif aux soubresauts en provenance de l’empire du Milieu comme le tassement de la croissance local, la guerre commercial avec les Etats-Unis ou encore le recul de la bourse de Shanghai, LVMH, qui a récemment investi l’hôtellerie d’exception, et consorts vont devoir de nouveau composer avec cette donnée en 2019. En effet, selon HSBC, la croissance du secteur mondial du luxe ne devrait s’élever qu’à 7% en 2019 (contre 10% en 2018).
Kering prêt à se renforcer ?
Dans le détail, comme rappelé par Reuters, une nouvelle réglementation du commerce en ligne en Chine, qui prendra effet le 1er janvier et se traduira par un encadrement des activités des « daigus » (revendeurs sur des plates-formes chinoises de produits achetés à l’étranger), devrait peser à court terme. En effet, la baisse des achats de ces revendeurs n’est pas immédiatement compensée par des achats en Chine même. Une thématique à laquelle le grand rival de LVMH, Kering, sera également particulièrement attentif même si pour l’ex-PPR c’est également la « normalisation » de Gucci qui sera au centre des préoccupations et des conjonctures des analystes. Après avoir (encore) signé des performances hors norme sur les neuf premiers mois de l’année 2018 – avec notamment une croissance organique de 35,1% au troisième trimestre (après une hausse de 44% au premier semestre) -, la marque ressuscitée par son directeur artistique Alessandro Michele a « pulvérisé » les attentes du marché qui escomptait « seulement » 25% sur la période. Gucci sera plus que jamais attendu au tournant en 2019. La griffe florentine qui espère, à plus ou moins long terme, détrôner Louis Vuitton en termes de ventes (6,2 milliards d’euros en 2017 pour Gucci contre plus de 9 milliards pour « LV » sur la période) devra néanmoins forcément marquer le pas à un moment ou un autre.
Sur le front des acquisitions, l’année 2019 pourrait également être charnière pour Kering. Si LVMH a frappé un grand coup en faisant tomber sans sa besace le groupe Belmond pour 3,2 milliards de dollars (ce qui n’entamera pas ses marges de manœuvre au regard du « cash » à disposition du groupe de l’avenue Montaigne), le groupe de François Pinault pourrait être tenté, de son côté, de renforcer son pôle joaillerie mais également lorgner du côté de l’Italie où le groupe Salvatore Ferragamo pourrait s’offrir une nouvelle jeunesse sous l’ombrelle de Kering, à l’instar d’un Gucci revigoré depuis 2015. Peu en verve ces dernières années (recul de 3,1% des ventes en 2017 et déjà -6,2% au premier semestre 2018), la maison florentine – comme Gucci – créée en 1928 a été au cœur de l’actualité boursière fin octobre après le décès de la veuve du fondateur de la marque, ce qui a relancé les spéculations autour de la cession du groupe. Kering, après avoir, selon certains spécialistes, regardé de loin le dossier Versace (finalement tombé dans l’escarcelle de l’américain Michael Kors pour 2,2 milliards de dollars) avant de freiner des quatre fers devant le prix demandé, pourrait tenter une offensive sur Ferragamo.
Hermès, la force tranquille
Enfin, le troisième larron Hermès, chouchou des investisseurs après avoir intégré le CAC 40 au moins de juin dernier – et a qui vu son cours progresser de près de 6% depuis le 1er janvier, soit la 7e hausse de l’indice –, continue de tenir son rang. Si le sellier n’éblouit pas forcément les opérateurs avec des performances stratosphériques comme Gucci, sa régularité lui vaut néanmoins d’être particulièrement apprécié des opérateurs. Une force tranquille en somme, tapie dans l’ombre des deux mastodontes Gucci et Louis Vuitton. Si les deux joyaux de Kering et LVMH se livrent une guerre sourde pour devenir – ou rester – la première marque de luxe du monde, Hermès, de son côté, se tient à l’écart de ces joutes, alignant, trimestre après trimestre, les excellents résultats. Ainsi, le fabricant du sac Birkin et des carrés de soie peut se targuer, au troisième trimestre, d’une progression de ses ventes de 9,4% en données publiées à 1,4 milliards d’euros grâce à la (très) bonne tenue de sa division phare, la maroquinerie. Hermès surpasse ainsi les attentes du marché qui s’élevaient à 9%. « Les ventes ont bien résisté et ont moins ralenti que prévu malgré des comparatifs difficiles, grâce à la maroquinerie », abondent les analystes de Raymond James, cités par Reuters.
Sur la question chinoise, Hermès a également fait étalage de sa sérénité. Le gérant du sellier, Axel Dumas, début novembre, a tenu à rassurer, arguant qu’il ne voyait aucune évolution de tendance à ce stade. « Nous lisons beaucoup de choses sur les inquiétudes concernant les clients chinois et nous en discutons avec nos équipes. Mais elles ne comprennent pas vraiment pourquoi, parce que de leur côté, elles ne voient aucun changement ». Axel Dumas a néanmoins estimé, comme relayé par Reuters, que les achats des clients chinois hors de leurs frontières étaient davantage affectés par les variations des devises que par les récents renforcements des contrôles aux frontières visant à favoriser la consommation intérieure et à limiter les achats des revendeurs, les fameux daigus. Fidèle à sa constance, Hermès avait précisé, au premier semestre, que sa croissance sur place dépassait les 10% depuis plusieurs années dans le pays où il ouvre en moyenne un magasin par an dans une nouvelle ville. De quoi continuer d’avancer. Toujours avec sérénité.
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