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L’union européenne est-elle préparée à une économie de guerre ?

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Ukraine and European Union flags on poles fluttering by wind on blue sky. Ukrainian flag

ÉCONOMIE  | Pourquoi évoquer une économie de guerre alors que ni la France, ni ses partenaires de l’Union européenne ne sont ouvertement parties au conflit ukrainien ? Parce que cet affrontement qui s’inscrit dans la durée bouleverse les aspects fondamentaux de l’économie européenne.

 

Certes, la poussée inflationniste qui frappe la zone euro comme le reste du monde s’était amorcée dès la fin de 2021. Mais le déclenchement de la guerre en Ukraine a accentué les tensions inflationnistes, à la fois par le freinage des exportations agricoles ukrainiennes et par la raréfaction des ressources en hydrocarbures. Ces tendances conduisent à une baisse de la croissance en zone euro. Celle-ci a bien tenu en 2022, affichant une hausse de 3,5 %, soit plus que la Chine (3 %), les États-Unis (2,1 %) et bien sûr la Russie (- 2,3 %). Mais en 2023, la hausse du PIB ne devrait pas dépasser 0,9 % en zone euro.

 

Si la France a atteint une croissance de 2,6 % en 2022 et a pu connaître une inflation limitée (5,9 % contre 9,2 % pour la zone euro et 10,3 % pour l’UE dans son ensemble), notre pays a enregistré un déficit du commerce extérieur record de 164 milliards d’euros, doublant ainsi le chiffre de 85 milliards en 2021. L’envol des prix de l’énergie et la baisse de l’euro sont des facteurs évidents mais ils frappent aussi nos partenaires. C’est la faiblesse de l’industrie française qui explique ce résultat bien pire que ceux de nos voisins.

 

Face à cette situation, l’action de l’Union européenne doit être appréciée au regard de quatre observations.

La première concerne les sanctions. Depuis l’invasion de l’Ukraine, dix paquets ont été adoptés par l’UE (et par l’ensemble des pays occidentaux) : décisions individuelles comme le gel des avoirs ou l’interdiction de voyager, mais surtout embargo désormais quasi total sur les échanges avec la Russie et interdiction d’usage du système SWIFT dans ce pays.

 

On sait qu’il faut du temps pour mesurer l’effet de telles décisions. Mais force est de constater que la Russie a bien résisté. Si elle a subi en 2022 une baisse de 2,3 % de son PNB, les prévisions pour 2023 lui promettent une croissance de 0,5 % (soit à peu près la même que dans les pays occidentaux). Pourquoi ? D’abord, parce que ces sanctions, ne résultant pas d’une résolution du Conseil de sécurité, ne sont pas universelles. Moscou a su trouver de nouveaux débouchés pour ses exportations d’hydrocarbures, en Chine et surtout en Inde. Ensuite, parce que la Russie s’est longuement préparée à l’économie de guerre, notamment en développant considérablement sa production agricole.

 

La deuxième observation porte sur l’énergie. Au sommet de Versailles de mars 2022, les Vingt-Sept ont décidé à terme d’une dépendance énergétique zéro à l’égard de la Russie. La réalisation de cet objectif a bien progressé. Toutefois, les décisions d’accompagnement nécessaires tardent à être prises. Deux mesures s’imposeraient : la reconnaissance beaucoup plus affirmée de la place du nucléaire dans le mix énergétique, alors que la taxonomie européenne reconnaît à cette source d’énergie un rôle tout au plus transitoire ; et la déconnexion beaucoup plus nette du prix de l’électricité de celui du gaz, sur laquelle l’Allemagne demeure réticente.

 

Troisième observation : l’Union doit soutenir son appareil productif face au regain du protectionnisme. On pense naturellement à l’IRA (Inflation reduction act), plan de 314 milliards de dollars d’aides à la transition énergétique adopté par les États-Unis et réservé aux entreprises américaines. À ce stade, la réaction de l’UE lors du Conseil européen des 9-10 février, qui évoque notamment un assouplissement des aides d’État, paraît bien timide.

Enfin, n’oublions pas que le volet industriel de l’Europe de la Défense reste largement en construction. Il existe 17 modèles de char en Europe contre un seul aux États-Unis. La standardisation voulue par l’OTAN favorise les matériels américains. C’est pourquoi, dans mon livre L’Union européenne et la guerre, je m’efforce de démontrer qu’une véritable défense européenne est à la fois nécessaire et possible.

 

Cet article a été écrit par :  PIERRE MÉNAT, DIPLOMATE, AUTEUR DE L’UNION EUROPÉENNE ET LA GUERRE (L’HARMATTAN, 2023)

 

<<< À lire également : L’économie européenne face à la guerre en Ukraine >>>

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