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Lumière Sur Le Groupe Semlex Et L’Affaire Des Passeports Congolais

La société belge Semlex et son directeur général – Albert Karaziwan – font depuis le mois d’avril 2017 l’objet d’une campagne médiatique virulente de dénigrement et de calomnies.

Que valent les accusations portées à l’encontre de l’entreprise belge et de son directeur ? Voici quelques éléments de compréhension pour démêler le vrai du faux.

 

Semlex, un leader mondial dans le développement de systèmes d’identification

Créée en 1992 par Albert Karaziwan, Semlex est un groupe belge indépendant. L’entreprise a acquis une expertise reconnue dans le développement, l’intégration, le management opérationnel et la fourniture de systèmes d’identification pour divers documents d’identité (cartes d’identité, passeports, permis de conduire, etc.).  Semlex est en particulier connu pour ses technologies de biométrie, qui permettent de créer des documents ultra-sécurisés et pratiquement infalsifiables.

L’utilisation de documents sécurisés et l’identification de la population constituent deux enjeux essentiels au bon développement d’un pays. C’est la raison pour laquelle Semlex collabore avec de nombreux Etats au travers de contrats de partenariat public-privé. L’entreprise est présente partout dans le monde – en particulier en Afrique, continent où les taux de falsification des documents d’identité figurent parmi les plus élevés de la planète.

 

Semlex victime d’une campagne de bashing médiatique depuis le mois d’avril 2017

Semlex est depuis plusieurs mois victime d’une campagne de dénigrement et de calomnies relayée par médias interposés. Tout a commencé en avril 2017 avec la diffusion par l’agence de presse britannique Reuters d’une enquête à charge intitulée « Les coûteux passeports biométriques de la RDC ».

Cet article porte sur le contrat de partenariat public-privé conclu entre le groupe Semlex et la République Démocratique du Congo. Le groupe est accusé de vendre à l’Etat congolais un passeport « parmi les plus chers du monde ». L’article met également en cause les conditions d’obtention du contrat. Ces accusations, qui à ce jour n’ont toujours pas été prouvées, ont été reprises par de nombreux organes de presse, belges et internationaux, déclenchant une vaste campagne de bashing médiatique à l’encontre de Semlex et de son directeur général Albert Karaziwan. L’ampleur de l’ « affaire Semlex » a de quoi surprendre, sachant que le groupe belge n’a pour le moment fait l’objet d’aucunes condamnations de la part de la justice.

Le groupe Semlex a fermement réfuté ces allégations qualifiées de calomnieuses dans un communiqué de presse en date du 27 avril 2017. Ces démentis n’ont pas suffi à faire taire les accusateurs. En décembre 2017, rebelote, l’agence Reuters récidive en commettant un nouvel article accusateur ciblant cette fois les activités de Semlex aux Comores. L’article met en doute les conditions d’octroi des passeports comoriens. Le contenu de ce deuxième article, rédigé par le même journaliste, un certain David Lewis, a lui aussi été abondamment relayé par les médias.

 

Retour sur les conditions d’octroi du contrat Semlex – RDC

Rappelons quelques éléments de contexte. En 2014, pour lutter contre les fraudes et les autres formes de falsification des passeports, la République Démocratique du Congo recherchait un prestataire pour la mise en place d’un système d’identification à l’échelle nationale et la création d’un nouveau passeport sécurisé pour les Congolais.

Plusieurs sociétés ont répondu présentes et ont été mises en concurrence pour décrocher le contrat, parmi lesquelles on peut citer Gemalto, Zetes, Oberthur et Semlex. Après de longues négociations, Semlex finit par remporter le contrat. L’entreprise belge est choisie par la RDC pour mettre en place une base de données nationale et organiser la production des passeports. Le 10 novembre 2015, le nouveau passeport congolais est présenté au Ministère des Affaires étrangères de Kinshasa.

En janvier 2016, le groupe Semlex publie un communiqué officiel dans lequel sont mis en avant les particularités de ce nouveau passeport électronique et biométrique infalsifiable : « La société offre (…) à la RDC une solution complète, allant de la formation du personnel local à la maintenance du projet, en passant par la création d’une base de données nationale. Pour faciliter l’accès des citoyens aux centres d’enregistrement, 26 centres provinciaux seront créés, et plus de 60 ambassades seront équipées de stations d’enregistrement ».

En dépit de ce que laissent penser certaines des accusations diffusées dans les médias, les clauses du contrat signé entre l’entreprise belge et la RDC ont été décidées de manière légale et transparente, puis avalisées par l’autorité nationale de régulation des marchés publics (ANRMP). Aujourd’hui, comme l’a rappelé Albert Karaziwan dans un entretien accordé au Congo Panorama, Semlex est parvenu « à installer le système biométrique dans les délais et les Congolais ont désormais accès à un nouveau passeport sécurisé et fiable ».

Les particularités du contrat RDC – Semlex

Le contrat conclu entre Semlex et la RDC est ce que l’on appelle un contrat BOT (« Build, Operate and Transfer »). Le groupe Semlex est l’une des rares entreprises du secteur à proposer ce type original de contrat. Il n’est pas inutile de rappeler en quoi consiste un contrat BOT, car cela permet d’apporter un éclairage important sur les accusations portant sur le prix du nouveau passeport congolais.

Dans un contrat BOT, les coûts et infrastructures locales qui sont nécessaires au déploiement du système d’identification sont entièrement avancés par la société partenaire – en l’occurrence Semlex. En contrepartie, une redevance est déterminée sous forme de pourcentage fixe sur le prix public des passeports pour une période déterminée. Au terme de cette période, les infrastructures locales sont données à titre gracieux au pays client. Dans son communiqué de presse du 27 décembre 2017, Semlex souligne les avantages de cette manière de travailler, qui « offre au pays partenaire un modèle financier autosuffisant étant donné que ce dernier recueille toujours une part significative du prix de délivrance des documents d’identité, tandis qu’il n’a rien à payer ni à investir en amont, et reçoit en plus gratuitement toutes les installations locales en fin de contrat ». Le contrat BOT est la forme contractuelle qui permet le mieux de répondre à la vision du groupe Semlex : accompagner ses partenaires à toutes les étapes du projet, selon leurs besoins financiers, du design à la mise en œuvre. Il ne s’agit donc pas d’un contrat de vente simple sans suivi.

Dans le cas du partenariat public-privé conclu avec la République du Congo, Semlex a ainsi pris en charge la formation du personnel local, la création de la base de données nationale, la construction des 26 centres destinés à collecter les empreintes digitales de la population ou encore l’aménagement des locaux au ministère des Affaires Etrangères de la RDC.

 

La question centrale du prix des passeports congolais

La principale accusation formulée par l’agence de presse Reuters à l’endroit de Semlex porte sur le prix des passeports. Ce prix serait exorbitant et injustifié selon l’auteur David Lewis. Ce prix, qui a créé la polémique, s’élève à 185 dollars (l’équivalent de 164€). 65 dollars reviennent directement dans les caisses de l’Etat congolais. Le reste, 120 dollars, correspond notamment au montant de la redevance acquittée par l’Etat congolais, telle qu’elle a été fixée dans le contrat BOT sur une base volontaire et en toute légalité.

Le prix du passeport, qui peut sembler élevé au premier abord, s’explique de fait par la nature très particulière du contrat qui a été signé entre les deux parties. La RDC, en quelque sorte, rembourse les montants importants investis par Semlex pour la mise en place des infrastructures et tout au long de l’accompagnement opérationnel.

Par ailleurs, dans son communiqué daté du 27 décembre 2018, Semlex a tenu à rappeler que « le prix pratiqué par la RDC est inférieur au coût d’un passeport, sans le même niveau de sécurité, dans de nombreux pays, notamment africains ». Effectivement, comme l’explique le journal Jeune Afrique, le passeport congolais n’est pas le plus cher du monde, ni même le plus cher d’Afrique. Selon l’hebdomadaire, le passeport africain le plus cher est celui du Tchad (228 euros).

Il faut également rappeler que tous les passeports n’ont pas le même niveau de sécurité. Un passeport biométrique coûte nécessairement plus cher à produire qu’un passeport électronique – ce qui se répercute sur le prix du document. Il est important de comparer ce qui est comparable.

Il y a légitimement de quoi s’interroger sur ce qui pousse à ce point les médias à se focaliser sur le passeport congolais alors que, pour ne prendre que cet exemple en Afrique, le passeport tchadien, qui n’est pas biométrique, coûte plus de 40% plus cher. Parlons également du passeport belge, le plus cher d’Europe selon LeVif. En effet en Belgique un passeport simple peut coûter jusqu’à 114 euros pièce (le prix peut varier fortement d’une commune à l’autre), et un passeport d’urgence peut atteindre la somme de 270 euros. En Belgique, la production annuelle de passeport est pourtant de 450.000 par an, contre 120.000 en République Démocratique du Congo. De plus, le passeport belge actuel n’inclut ni la sécurité biométrique, ni les infrastructures d’enrôlement du citoyen.

Concernant l’appel d’offre pour le passeport congolais, Zetes (homologue belge de Semlex) aurait proposé, selon Reuters, des passeports à 28,50 € pièce. Cette offre alléchante aurait été proposée en 2014 à l’Etat congolais. Problème : aucun document ne permet de confirmer la réalité de cette offre. De fait, la célèbre agence britannique s’est montrée incapable de fournir le moindre début de preuve – ce qui est étonnant de la part d’une agence qui a normalement accès aux offres publiques. En définitive, beaucoup de zones d’ombre entourent cette affaire. Cela devrait inviter à plus de prudence dans le traitement médiatique dont font l’objet et Semlex et son directeur Albert Karaziwan.

 

Pourquoi une telle campagne de bashing ?

Pour comprendre les raisons du bashing dont a été l’objet Semlex, il faut sans doute remonter avant avril 2017. Dans l’entretien qu’il a accordé à Congo Panorama, Albert Karaziwan explique avoir collaboré un moment avec un intermédiaire dans le cadre du pilotage du projet. C’était en 2016. Cet intermédiaire, d’après Albert Karaziwan, était « une personne qui avait apporté son assistance dans le pilotage du projet et qui s’était faite passer pour un consultant d’Etat alors que l’Etat (congolais, Ndlr) pensait qu’il était notre agent… ».

Cet homme aux intentions peu claires aurait réclamé des honoraires exorbitants alors qu’aucun contrat ne le liait avec le groupe Semlex. Face au refus de l’entreprise de céder à ce qu’elle considérait être une tentative d’extorsion de fonds, l’individu a décidé début 2017 de déposer une plainte pénale en Belgique. La plainte est tombée à l’eau en l’absence d’éléments sérieux (dans son communiqué du 27 décembre 2017, Semlex affirme avoir porté plainte à son tour contre l’homme). Suite à cet échec, l’homme aurait menacé Albert Karaziwan de salir la réputation de Semlex dans les médias. Cela n’a pas loupé, puisque quelques mois plus tard était publiée l’enquête de l’agence Reuters.

Y aurait-il un lien entre les menaces proférées par ce personnage énigmatique et la campagne très violente qui a éclaté au mois d’avril 2017 ? Qui se cache derrière les rumeurs véhiculées par l’agence Reuters ? Quelle crédibilité accorder au journaliste en charge de l’enquête ? Beaucoup de questions restent sans réponses. Pour certains, Zetes, l’un des principaux concurrents de Semlex en Afrique, n’est pas étranger à cette affaire. Le « Journal de la Biométrie » rappelle les relations privilégiées qui unissent David Lewis et Zetes. D’autres sources, quant à elles, pointent du doigt les relations qu’entretiendrait la firme Zetes avec des hommes politiques belges.

Selon Semlex, « cette campagne de bashing consiste à soutenir que les succès de SEMLEX EUROPE, devenue un acteur majeur du marché, ne sauraient soi-disant être normaux d’autant que de grands opérateurs échouent là où elle réussit, de sorte que SEMLEX EUROPE devrait d’être suspectée d’agir de manière malhonnête ! ».

Qui a raison ? Qui faut-il croire ? Difficile pour le moment de démêler le vrai du faux dans cette affaire complexe et entourée de zones d’ombres. C’est pourquoi les journalistes seraient bien avisés de laisser la justice faire son travail, plutôt que de relayer à longueur d’articles les jugements hâtifs et incertains formulés par David Lewis.

 

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