Interrogé sur la toute récente acquisition d’Opel par PSA, Louis Gallois, Président du Conseil de Surveillance de PSA, a expliqué les dessous d’un tel rapprochement.
Il aura fallu quatre mois de discussions, rondement menées par Carlos Tavares, président du Directoire de PSA pour finaliser le mariage. C’est à la fois vite fait et bien fait. En toute discrétion, selon Louis Gallois, mais aussi avec « un remarquable travail d’explication », l’explication de la stratégie d’un homme, Carlos Tavares, qui veut hisser son groupe parmi les leaders mondiaux de l’automobile.
Depuis qu’il est aux commandes du constructeur français, Carlos Tavares a opéré un redressement spectaculaire de PSA. En 2014, le groupe était au bord de la faillite. La famille Peugeot appelle l’Etat ainsi qu’une société chinoise, Dongfeng, à son capital. Le trio d’actionnaires, mené par Louis Gallois, s’entend bien et permet les aménagements nécessaires au groupe pour se redresser. En 2016, le Groupe dépasse les 2 millions d’euros de bénéfice pour 54 milliards de chiffres d’affaires. Près d’un tiers des ventes est destiné au marché asiatique.
Ce redressement, c’est précisément ce qui a séduit les Allemands, et notamment la première d’entre eux, Angela Merkel, car PSA espère bien imposer sa recette à Opel. L’Allemand est dans le rouge depuis 1999 et General Motors n’a jamais réussi relever la situation financière de sa filiale européenne ; il l’a donc cédée à un prix intéressant (coût total : 1,8 milliards d’euros).
L’avantage d’une fusion, ce sont les synergies, les économies substantielles en termes de dépenses de recherche et d’innovation, mais aussi de production avec des collaborations sur les moteurs, systèmes de freinage, etc…
« Nous allons mettre à la disposition d’Opel tout notre benchmark et les boîtes à outils ; à eux de mettre en œuvre les plans. » Selon Louis Gallois, PSA aidera donc Opel à se redresser, sans toucher aux 40 000 salariés d’Opel-Vauxhall. Mais c’est surtout un mariage gagnant-gagnant puisque la marque allemande va considérablement faire progresser le constructeur français.
Opel, un rachat indispensable pour la stratégie de PSA : Louis Gallois voit trois points forts dans l’opération.
En un, cela permet de grossir en taille, et donc en nombre de véhicules vendus. La vision de Carlos Tavares est simple. Pour exister aujourd’hui au niveau mondial, il faut avoir une capacité de ventes de plusieurs millions de véhicules par an. Les plus gros (Volkswagen, Toyota et Renault Nissan) sont à 10 millions, loin devant. Mais il y a beaucoup de constructeurs autours de 4/5 millions et c’est sur ce terrain que PSA espère s’imposer.
En 2016, PSA, c’était 3 millions de voitures. Opel représente 1,2 millions de véhicules en plus. Le bénéfice en terme de taille est donc immédiat, PSA devient numéro deux en Europe derrière Volkswagen mais devant Renault-Nissan, et l’objectif 2022 affiché est de 5 millions de véhicules vendus à l’année. La part de marché, quant à elle, va grimper de 10 à 16,6% pour l’Europe grâce à ce mariage.
En deux, Opel ouvre l’accès à de nouveaux marchés. La marque allemande est très présente sur les marchés allemands et britanniques, habituellement peu accessibles aux marques françaises. Une belle complémentarité avec Peugeot et Citroën qui dominaient les marchés du sud. Le groupe PSA renforce son ancrage européen en détenant une marque locale de plus.
En trois, la nationalité d’Opel. Louis Gallois le dit de manière cynique, mais c’est vrai « L’Allemagne, c’est quand même le pays de l’auto. Il y a un préjugé favorable sur la marque allemande. » Le gage de qualité, le deutsche qualität de la publicité, est un atout réel pour s’imposer dans un certain nombre de pays. Or, ce que dévoile Louis Gallois, c’est justement que la volonté de PSA est justement « de projeter Opel hors d’Europe, ce que GM ne voulait pas. » Car pour être fort, il ne faut surtout pas dépendre d’un seul marché.
PSA possède aujourd’hui un portefeuille de marques qui lui permet d’envisager un futur de champion européen d’une part, pour mieux s’imposer hors d’Europe ensuite.
Le plan Push to pass, mis en œuvre par Carlos Tavares, et qui vise une position dans le classement mondial des constructeurs, court jusqu’en 2021. Push to pass, dans le jargon du sport automobile, c’est un bouton qui déclenche un effort supplémentaire afin d’effectuer un dépassement. Le rachat d’Opel, c’est le « push to pass » de PSA. « Opel était une opportunité trop belle pour ne pas la saisir » selon Louis Gallois, un rachat qui nous met « dans une situation où nous choisissons de savoir si on s’allie ou pas. Nous étions chassés, nous sommes devenus chasseurs. » Le lion PSA a encore faim, semble-t-il.
Le Comex de l’Info, présentée par Franck Riboud et Jean-Marc Sylvestre sur BFM Business. Diffusion vendredi 10 mars à 14 heures, 18 heures, samedi à 9 heures et 19heures et dimanche à 20 heures.
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