L’acceptation de la démission du gouvernement le 17 juillet sonne la fin du règne du ministre de l’Economie. Dans une période marquée par les crises Covid et inflationnistes, celui qui a passé plus de sept ans dans les couloirs de Bercy n’a juré que par la politique de l’offre. Forbes revient sur le parcours ministériel de celui qui a battu un record de longévité au ministère de l’Economie et des Finances – avec l’intéressé, des compagnons, et des adversaires.
Il aura remis au goût du jour le septennat. Depuis 2017, Bruno Le Maire régnait en maître au 6e étage du Bâtiment Colbert. Un record pour un ministre de l’Economie et des Finances. Après que le chef de l’Etat a accepté la démission du gouvernement le 17 juillet, une page se tourne définitivement du côté de Bercy. Si « BLM » restera à son poste jusqu’à la nomination d’un nouveau Premier ministre, sa marge de manœuvre sera drastiquement réduite. Sorte de fin du temps réglementaire et de début du temps additionnel pour l’intéressé, dont l’annonce de la dissolution, le 9 juin dernier, a annoncé la fin du match.
Celui que l’on pensait indéboulonnable avait semblé accuser le coup. Il était apparu résigné dans les premiers jours de campagne des législatives anticipées. Puis le ministre avait redressé la barre, profitant de chaque sortie pour dézinguer les programmes économiques de ses adversaires. « Dans une telle période, la responsabilité d’un membre du gouvernement c’est de faire bloc et de partir au combat, c’est ce que j’ai fait », relève Bruno Le Maire, quelques heures avant la démission du gouvernement, auprès de Forbes. Une fois la défaite de son camp actée, il avait appelé à faire barrage au Rassemblement national sauf face à des candidats LFI, suscitant la colère des élus de gauche et d’une partie de la société civile. « Je combats le Rassemblement national depuis mes débuts en politique. Je n’ai de leçon à recevoir de personne, soutient le locataire de Bercy. Je ne mets pas de signe égal entre la France Insoumise et le Rassemblement national. Pour moi ce n’est pas la même histoire, ce ne sont pas les mêmes références, ni la même idéologie. Donc je combats le Rassemblement national mais je ne vote pas pour la France insoumise. »
Depuis les résultats du 7 juillet, qui ont vu la gauche emporter une très légère majorité à l’Assemblée nationale, Bruno Le Maire redouble de virulence vis-à-vis du programme économique du Nouveau Front Populaire. « C’est un projet spoliateur qui va détruire des emplois, démanteler nos outils de production », énumère-t-il. Ainsi 300 économistes, dont certains de renommée mondiale comme Thomas Piketty ou Gabriel Zucman, se fourvoieraient dans leur soutien affiché au NVP ? « Défendre un projet aussi absurde, aussi dangereux pour notre pays que celui mis au point par la France insoumise, c’est au risque de perdre leur renommée », ose le ministre.
Des chiffres et des lettres
Pour autant, rien ne prédestinait Bruno Le Maire à distiller les mauvais points en économie, lui l’amoureux de littérature. Si l’économie l’intéresse depuis qu’il a 15 ou 16 ans, il se dirige – avant d’intégrer l’ENA – vers des études de lettres. Reçu premier de l’agrégation de lettres modernes en 1992, BLM n’a jamais perdu de vue sa passion tout au long de sa carrière politique. Après un premier livre paru en 2004, il a accéléré la cadence depuis son arrivée au ministère de l’Economie.
Avec presque une moyenne d’un ouvrage par an, naviguant entre écrit de fiction et essais, Bruno Le Maire fut un auteur prolixe. Presque trop au goût de certains qui lui ont reproché de mordre sur l’emploi du temps requis par sa fonction. « A aucun moment, cela n’est venu empiéter sur ses responsabilités de ministre car il écrit très tôt le matin. Cela ne l’empêche pas d’attaquer ses matinales juste après et de finir parfois tard de soir, assure le député sortant Renaissance Louis Marguerite, ancien directeur de cabinet adjoint de de Bruno Le Maire. Il a besoin d’écrire. C’est son mode d’expression, son mode de raisonnement. D’autres expriment ce besoin par le sport ou autres. » Pour se rassurer, le ministre peut se targuer d’afficher un bilan plus que solide sur les étagères françaises. Son dernier roman publié en 2023 – raillé pour ses passages érotiques – , se serait écoulé à plus de 10 000 exemplaires, la moyenne du genre se situant entre 3 000 et 5 000. L’ange et la Bête – Mémoires provisoires, (Gallimard, 2021) retraçant ses trois premières années à Bercy a connu un succès considérable avec 23 000 livres vendus selon l’éditeur.
Derrière l’écrivain se cache un « homme de convictions », capable de « donner une direction et de s’en tenir jusqu’au bout » , souligne Antoine Armand, député Renaissance de Haute-Savoie. Il fait preuve de clarté et de netteté, une qualité essentielle de plus en plus rare en politique ». Un trait de caractère louable même parmi ses plus farouches opposants sur le plan politique. « Il assume ses positions, auxquelles je suis totalement opposé, avec une certaine cohérence, note auprès de Forbes, Eric Coquerel, député LFI-NVP et président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale jusqu’à la dissolution. C’est plus agréable que d’affronter quelqu’un qui camoufle ses véritables positions à l’instar de ce que la majorité a trop eu tendance à faire. Par exemple, le gouvernement explique, d’un côté, qu’il veut protéger les travailleurs mais de l’autre, il pousse pour la libéralisation du marché du travail. Le Maire a le mérite d’être clair, c’est un débat position contre position où chacun défend sa vision. » D’autant que si le ministre a gardé un cap clair, il peut « accepter de revoir son raisonnement si on a un peu de temps devant soi » explique Louis Marguerite. « Il peut accepter de donner un satisfecit sur tel ou tel sujet, c’est vrai, souligne Eric Coquerel. Après, nos positions sont tellement éloignées… ». Le député pointe néanmoins l’inflexibilité du locataire de Bercy sur la taxation des ultra-riches et des super-profits dans l’Hexagone, BLM estimant que le sujet doit se traiter à l’échelle internationale.
« Les coups ça ne m’atteint pas, ça me galvanise » – Bruno Le Maire
Autre aspect qui caractérise Bruno Le Maire selon ses équipes : sa capacité à encaisser les coups. Entré en politique comme député UMP de l’Eure en 2007 après avoir été conseiller puis directeur de cabinet de Dominique de Villepin au début du deuxième millénaire, l’actuel locataire de Bercy n’est pas à son coup d’essai. Du soupçon d’emploi fictif de sa femme à l’Assemblée nationale à son transfuge chez LREM en 2017, en passant par son échec cuisant à la primaire de la droite française un an auparavant, le ministre de l’Economie a appris à gérer les crises. « Il fait partie des personnalités politiques qui ont l’expérience des combats et qui, avec le temps, ont constitué un cuir très épais, remarque Antoine Armand. Un jour, il nous a dit : »Les coups ça ne m’atteint pas, ça me galvanise. »» « La politique c’est un sport de combat. Vous apprenez au fur et à mesure donner des coups mais surtout à les recevoir et les encaisser », livre Bruno Le Maire. Une qualité non négligeable lorsqu’on occupe un poste aussi exposé, ce qui lui a permis de ne pas se brider dans son champ d’action. « Il pousse à l’action sans nier la réalité de la contrainte, remarque Louis Marguerite. Ce qui n’est pas évident quand on a cette responsabilité car c’est toujours plus facile d’être dans l’opposition et de proposer des solutions tranchantes, maximalistes, parfois simplistes. »
Mentorat
Cette forme de résilience présente également des avantages pour ses proches qui ont pu trouver en Bruno Le Maire, une épaule sur laquelle s’appuyer. « On peut l’appeler lorsqu’on a un coup de mou , confie Antoine Armand. Un rôle de « mentor », voire de « modèle », véritable source d’inspiration pour ses équipes. Ainsi trois de ses anciens collaborateurs à Bercy se sont lancés : Charles Sitzenstuhl dans le Bas-Rhin et Charles Rodwell dans les Yvelines et Louis Marguerite en Saône-et-Loire. Les deux premiers ont été réélus lors des élections législatives anticipées. « En 2022, Il m’a fait confiance et soutenu, pourtant cela n’allait pas de soi car je n’étais pas le favori de l’élection mais il a tenu, se rappelle le député sortant Louis Marguerite. La veille il m’a dit : »Je t’ai obtenu l’investiture donc tu gagnes » .»
Sa relation avec le président est apparue beaucoup moins idyllique. Si le périmètre d’intervention du ministre a été élargi à chaque remaniement (les comptes publics en 2020, la souveraineté industrielle et numérique en 2022, l’énergie en 2024), obtenant au passage le titre du numéro 2 du gouvernement en 2022, Bruno Le Maire ne faisait pas partie de ceux qu’Emmanuel Macron appelle à deux heures du matin. Ni de ceux conviés à l’Elysée pour commenter les résultats les soirs d’élection, à l’instar de Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur. Le locataire de Bercy a plusieurs fois fait comprendre qu’il rejoindrait Matignon si le chef de l’Etat lui proposait, mais la demande indirecte est restée lettre morte. L’hiver dernier, le président aurait redoublé d’effort pour le convaincre de conduire la liste de la majorité présidentielle pour les élections européennes du 9 juin. « C’était une manière de s’en débarrasser, interprète Jean-François Copé, maire de Meaux, et ami de longue date du ministre. Le président a beaucoup de mal à supporter que d’autres brillent. C’est le cas de Bruno donc cela crée des tensions, exigeant de sa part beaucoup de résilience. » « Il ne me l’a jamais proposé directement », confie l’intéressé.
Leurs échanges sont restés néanmoins cordiaux et professionnels, laissant parfois place à quelques coups d’éclat. Dernier en date : après l’annonce d’un dérapage du déficit à 5,5% du PIB contre 4,9% initialement prévu, le locataire de Bercy a multiplié les propositions dans la presse pour redresser les finances publiques, ce qui n’a pas plu au chef de l’Etat. « Il devrait en parler à celui qui est ministre de l’Économie et des Finances depuis sept ans », a-t-il cinglé en privé, promptement ébruité par Le Canard Enchaîné. Emmanuel Macron balaya par la même occasion sa proposition de projet de loi de finances rectificative pour 2024. « Bruno a mal vécu ce moment », confie Jean François Copé. « Il avait au moins la volonté de passer par la voie démocratique, relate Eric Coquerel.
Malgré leurs différents, Emmanuel Macron a également pu trouver en Bruno Le Maire un soutien de poids sur certains dossiers. Alors que de nombreuses voix se sont élevées pour remettre en cause le dogme fiscal, notamment en faveur d’une hausse d’impôts sur les plus riches et les grosses entreprises, le ministre de l’Economie n’a jamais tergiversé sur la question, n’hésitant pas à remettre en place quiconque au sein de la majorité, esquissait un pas de côté. Même quand l’initiative provenait de Bruxelles, avec un accord pour taxer sur les superprofits des énergéticiens à l’automne 2022, Bercy a fait en sorte de réduire sa portée lors de sa transposition dans le droit français. Dans une récente tribune poussée dans les Échos intitulée « Pourquoi nous n’augmentons pas les impôts ? », Bruno Le Maire défendait hardiment cette ligne. « Nous avons eu le courage dès 2017, avec le président de la République, d’abaisser la fiscalité sur le capital, sans laquelle aucune réindustrialisation n’est possible ; baisser la fiscalité sur le capital, ce n’est pas faire un cadeau aux riches, c’est ouvrir des usines et soutenir l’emploi ouvrier. Nous n’avons jamais dévié de cette ligne de stabilité fiscale : elle est vitale pour l’efficacité de notre politique économique », expliquait-il.
La politique de l’offre chevillée au corps
Depuis 2017, Bruno Le Maire n’a juré que par la politique de l’offre, caractérisée par de nombreuses baisses d’impôts, notamment pour les entreprises et le capital. Une dynamique mise en place sous François Hollande qui a pour objectif le ruissellement économique et l’attractivité. Dans une période où se sont succédé crise Covid, crise énergétique, remontée de l’inflation, resserrement monétaire, croissance atone, son bilan est jugé positivement par les cadres de la majorité. « On a quand même réussi à inverser un certain nombre de courbes durablement », loue Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la Commission des finances publiques de l’Assemblée nationale jusqu’à la dissolution. « Durant les 40 dernières années, l’erreur majeure de politique économique, c’est d’avoir systématiquement soutenu la consommation au détriment de la production. Nous avons fait l’inverse et les résultats sont là, met en avant Bruno Le Maire auprès de Forbes. Deux millions d’emplois ont été créés dont 150 000 emplois ouvriers, 650 usines ont été ouvertes, nous avons une des croissances les plus fortes de la zone euro. Nous étions sur la bonne voie. »
Les réformes sur la fiscalité du capital, qui n’ont pas entraîné d’effets vertueux sur l’économie – à défaut d’avoir creusé le déficit – selon l’évaluation faite par France Stratégie. Pire, certains mécanismes ont eu des répercussions indésirables.
Premier motif de satisfaction : le taux de chômage, descendu à 7,1% fin 2023 alors qu’il était au-dessus de 9% en 2016. Chez les détracteurs du ministre, on soulève que ce chiffre est gonflé par le dispositif de l’alternance et son coût de 20 milliards pour les dépenses publiques. L’attractivité « retrouvée » du pays est également mise en avant. « Sur ce plan, on se situe désormais parmi les pays où les investissements étrangers sont les plus importants, se réjouit Jean-René Cazeneuve . C’était loin d’être gagné, au regard de notre histoire et de la tradition de notre pays. » Depuis cinq ans, le baromètre de l’attractivité de la société de conseil EY fait de la France le pays le plus choyé par les investisseurs étrangers. Conséquence de « la politique de l’offre » et « d’un mouvement de rattrapage des investissements » selon les analystes du cabinet qui estiment que le modèle du pays est « plus compétitif et attractif qu’avant 2017 ». Les résultats du sommet Choose France, événement pro-business lancé en 2018, semblent aller dans ce sens avec un montant record de 15 milliards d’euros d’investissements étrangers annoncés cette année. Avec en point d’orgue des projets dirigés vers la réindustrialisation, véritable « obsession » chez Bruno Le Maire.
Pour autant, tout n’est pas si rose au pays de la politique de l’offre. La baisse de fiscalité sur les entreprises industrielles, n’a pas permis de rétablir « une véritable dynamique de réindustrialisation », comme le rappelait dans nos colonnes l’économiste Thomas Grjebine au début de l’année. En clair, on est encore bien loin de l’objectif de remonter le poids du secteur à 15% du PIB (il tourne actuellement aux alentours de 10%). Même son de cloche du côté des réformes sur la fiscalité du capital, qui n’ont pas entraîné d’effets vertueux sur l’économie – à défaut d’avoir creusé le déficit – selon l’évaluation faite par France Stratégie. Pire, certains mécanismes ont eu des répercussions indésirables. Entre 2018 et 2023, la manne des exonérations de cotisations sur les bas salaires est passée de 53,4 milliards à 73,6 milliards selon l’Urssaf. Cet allègement, mis en place afin de lutter contre le chômage et de soutenir la compétitivité des entreprises, a contribué à la smicardisation du pays. En 2023, 17,3% des salariés du privé étaient rémunérés au salaire minimum contre 10,6% début 2017. « Il est impératif de redéfinir de A à Z, les allégements de charge, de façon à recréer de la dynamique salariale », concède Bruno Le Maire.
Pas plus de réussite concernant la productivité du travail qui a baissé de 8,5% par rapport à sa tendance près-Covid. « Nous sommes loin des attendus de ces politiques (de l’offre, NDLR), selon lesquels, le surcroît d’investissements qui en résulterait boosterait l’efficacité productive, observe Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi dans une vidéo publiée sur la chaîne Youtube Xerfi Canal. Au contraire, tout se passe comme si la plus forte aisance financière dont bénéficient les entreprises, avait relâché la garde en matière de rationalisation des organisations. » L’économiste pointe ainsi le risque que la France ne récolte, in fine, « que la paupérisation de son système social », les dépenses sociales et l’allègement du droit du travail ayant servi de variable d’ajustement. Une analyse que réfute le ministre de l’Economie : « La raison principale de cette baisse de productivité en France, c’est la question de l’éducation et de la formation. Elle doit être traitée de manière radicale et profonde ».
Réforme du modèle social français
« Ce bilan est un échec total qui ne correspond à aucune des grandes urgences du moment », regrette Eric Coquerel. La députée de l’Orne, Les Républicains, Véronique Louwagie affiche une position plus nuancée : « J’adhère au bilan économique de Bruno Le Maire par ses nombreuses mesures favorables aux entreprises, à la valeur travail et à la capacité économique de la France. A l’inverse, c’est catastrophique sur le plan budgétaire. Au cours de ces sept dernières années, la dette publique s’est accrue de plus de 800 milliards d’euros pour dépasser les 3 000 milliards d’euros. A sa décharge, le ministre n’a pas été aidé par les éléments conjoncturels. Pour faire face à l’arrêt de l’économie française durant la crise Covid, l’exécutif a mis en place le dispositif du « quoi qu’il en coûte », en soutien aux entreprises françaises. Quand Bruno Le Maire a tenté d’ y mettre fin, la flambée des prix de l’énergie a contraint Bercy à dégainer le bouclier tarifaire, un mécanisme cette fois étendu aux ménages et critiqué pour son absence de ciblage. « Nous avons subi une des périodes de crises économiques – Covid et inflationniste – les plus graves que la France ait connu depuis des décennies, expose le locataire de Bercy. La dette a augmenté de 13 points de PIB. A titre de comparaison, elle avait augmenté de 26% après la crise financière de 2008. Sauf qu’en sortie de crise du Covid, La France pas connu de vague de faillites, la suppression de milliers d’emplois et la récession. Notre action a été efficace. »
Reste que pour la droite, Bruno Le Maire a failli dans son objectif de réduction du niveau de dépenses publiques. « Si avec le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé d’Europe nous arrivons à avoir un déficit aussi élevé, cela démontre que c’est la source du problème », estime Véronique Louwagie. En ligne de mire : des dépenses sociales et de fonctionnement jugées trop conséquentes. Et ce, malgré les nombreuses réformes mises en place pour les contenir (travail, chômage, retraite). Pour Jean-François Copé, le ministre de l’Economie a été muselé dans sa volonté de réduire les frais de l’Etat : « On ne lui a pas laissé faire la politique de finances publiques qu’il voulait mettre en place. Il a été systématiquement contré par le président de la République qui passe son temps à promettre des chèques dans tous les sens pour être bien vu au 20 heures. » « Depuis 2022, il alerte dans une grande solitude sur le fait que nous sommes à l’euro près. Nombreuses de ses propositions d’économies n’ont pas été retenues », souffle son entourage.
Alors que Bruxelles vient d’entamer une procédure pour déficit excessif contre la France, Bruno Le Maire aura mis ces dernières forces à la recherche d’économies. Le 11 juillet, il annonçait 5 milliards d’euros de coupes supplémentaires, qui s’ajoutent aux 20 milliards déjà actés par Bercy afin de respecter l’objectif de réduction du déficit public à 5,1% en 2024 et le retour sous les 3% d’ici 2027. « Ce n’était pas la situation la plus simple mais c’était ma responsabilité en tant que ministre de l’Economie », plaide l’intéressé. Pour autant, rien ne garantit leur mise en œuvre, laissée au choix de son successeur. En cas de gouvernement du NVP, peu de chance de voir cette option validée. D’autant que l’analyse à gauche est radicalement différente. Beaucoup voient dans le dérapage des comptes publics, le coût de la politique de l’offre et de ses réductions d’impôts à destination du capital et des entreprises. Les chercheurs du Centre lillois d’étude et de recherche économique (à la demande de l’Institut de recherche économique et social et de la CGT) chiffrent, par exemple, à plus de 200 milliards d’euros par an les aides publiques à destination des entreprises. Ce qui en ferait le premier poste de dépense du pays.
Une question subsiste désormais : qu’adviendra-t-il de Bruno Le Maire, une fois son passage à Bercy officiellement terminé ? Un départ en Suisse pour aller enseigner du côté de la prestigieuse école Polytechnique de Lausanne comme rapporte le Canard enchaîné ? L’information a été démentie par le cabinet du ministre qui assure qu’il ne quittera pas la France sans pour autant fermer à la porte à des fonctions à l’étranger. Faut-il alors s’attendre à mise en retrait temporaire avant de se lancer comme candidat pour 2027 ? D’aucuns avait interprété son dernier livre La Voix Française (Ed. Flammarion) comme une ébauche de programme. Dans cet ouvrage, il plaide pour une réforme du modèle français, appelant à remplacer « l’Etat providence » par « l’Etat protecteur ». Gestion de l’assurance-chômage par l’Etat plutôt que les partenaires sociaux, création d’une part de capitalisation pour financer les retraites, concentration du système de santé sur les plus vulnérables et les personnes âgées, mise en place d’une TVA sociale… sont autant de propositions faites par le ministre. La défaite du camp présidentiel aux législatives ne semble pas avoir eu d’incidence sur son ambition présidentielle. « Il s’y voit à fond », s’en amuse l’un de ses vieux amis auprès du Monde. Une perspective qui fait bondir Eric Coquerel : « Ce qu’il propose c’est l’austérité, le démantèlement du système de protection sociale français. » « Avec un Etat qui fait plus de 55% de dépense publique, ce n’est pas demain qu’on arrivera à démanteler voire à tuer l’Etat social, rétorque Louis Marguerite. Ce que propose Bruno Le Maire, c’est plus de sérieux, de rigueur. »
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