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Long-format | Comment Todd Boehly a révolutionné l’industrie du divertissement et du sport aux États-Unis

Boehly
Denis Zakaria, Todd Boehly, président de Chelsea et Pierre-Emerick Aubameyang posent pour une photo après le match de Premier League entre Chelsea FC et West Ham United FC à Stamford Bridge, le 03 septembre 2022 à Londres, en Angleterre. Getty Images

Inspiré par les préceptes de Warren Buffett, Todd Boehly a employé les fonds issus de son activité dans les rentes pour ériger un empire dans le monde du sport et du divertissement, atteignant ainsi des résultats remarquables.

Un article de Maneet Ahuja et Hank Tucker pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie

 

Todd Boehly, cofondateur et PDG d’Eldridge Industries, se rend à l’un des plus grands évènements d’Hollywood : la 81ème cérémonie annuelle des Golden Globe Awards. Vêtu d’un henley noir et d’un jean bleu, l’investisseur âgé de 50 ans contourne le tapis rouge et passe devant la sécurité pour se rendre dans la salle de bal internationale du Beverly Hilton, où l’équipe de Dick Clark Productions l’attend.

À l’intérieur, 20 caméras vidéo et un ensemble de projecteurs de scène sont disposés stratégiquement afin de pouvoir zoomer rapidement sur les visages des participants les plus en vue de la soirée. Leurs noms sont affichés sur de grands panneaux en carton blanc placés autour des tables de banquet. Taylor Swift est au centre droit. Oprah Winfrey, Steven Spielberg et Bradley Cooper sont à gauche de la scène principale, tandis que Pedro Pascal et Timothée Chalamet sont assis à leur droite. M. Boehly ne semble pas s’inquiéter de l’agitation qui règne alors qu’un membre de son équipe passe en revue les détails de l’ordre du jour de la prochaine soirée. La sonnerie stridente de son téléphone l’interrompt : un acteur/producteur de premier plan s’énerve à la table qui lui a été attribuée. Todd Boehly marque une pause et lève les yeux. « J’ai des équipes qui gèrent ce genre de situations », affirme-t-il. « À l’heure actuelle, Hollywood se demande ce que l’avenir lui réserve, mais cela démontre plutôt que nous sommes sur la bonne voie. »

 

Le retour en force des Golden Globes

Si l’investisseur obligataire milliardaire devenu magnat d’Hollywood ressent une quelconque pression en ce moment, c’est compréhensible. En 2021, les Golden Globes ont fait l’objet d’une enquête pour corruption et manque de représentation du peuple noir parmi les membres votants de leur propriétaire, l’association à but non lucratif Hollywood Foreign Press Association (HFPA). Tinseltown a boycotté la cérémonie de remise des prix, Tom Cruise a rendu ses trophées et l’émission a passé l’année 2022 hors antenne. En janvier 2023, elle est revenue sur NBC pour une période probatoire d’un an qui a rassemblé 6,3 millions de téléspectateurs, contre 18,4 millions en 2020, selon Nielsen.

Pendant l’imbroglio, M. Boehly a manœuvré de main de maître. Alors que la popularité des Golden Globes était au plus bas et que les acteurs et scénaristes hollywoodiens étaient en grève, il a activé le mode « investisseur en détresse ».

En 2021, il s’est fait nommer PDG par intérim de la HFPA, puis a mené une restructuration qui a transféré la propriété intellectuelle des Globes à une entité à but lucratif. Sa holding, Eldridge Industries, possédait déjà une partie de Dick Clark Productions, le producteur de l’émission, rejoint plus tard par Penske Media. En juin 2023, six mois avant la prochaine cérémonie de remise des prix, M. Boehly et M. Penske ont racheté les Globes. Sous la direction de Jay Penske, ils ont vendu les droits médiatiques à CBS et Paramount+ pour six ans.

Malgré les critiques concernant les blagues de l’animateur Jo Koy, Nielsen a indiqué que les Golden Globes 2024, diffusés le 7 janvier, ont attiré 9,5 millions de téléspectateurs, soit une augmentation de 51 % par rapport à l’année dernière. La croissance progressive était suffisante pour Todd Boehly, dont les holdings Eldridge comprennent également la société de distribution et de production de films oscarisés A24, qui a remporté trois Globes ce soir-là pour Beef, une minisérie Netflix mettant en vedette Ali Wong.

 

De Topeka à Hollywood : la success story de Todd Boehly

Depuis la création d’Eldridge en 2015, M. Boehly a consolidé un portefeuille comprenant plus de 100 entreprises, avec une valeur totale dépassant les 10 milliards de dollars (9,28 milliards d’euros), principalement dans les secteurs du divertissement et du sport. Parmi elles : le site de paris DraftKings, Dick Clark’s Rockin’ Eve, le catalogue de chansons de Bruce Springsteen, le Beverly Hilton, la licorne fintech Stash et les Dodgers de Los Angeles. Par l’intermédiaire d’une entité distincte, BlueCo, M. Boehly fait partie d’un groupe qui a acheté Chelsea F.C., le club de football britannique, à l’oligarque russe Roman Abramovich pour 3 milliards de dollars (2,78 milliards d’euros) en 2022. Forbes estime la valeur nette de Todd Boehly à 6,1 milliards de dollars (5,6 milliards d’euros), soit une augmentation de 1,6 milliard de dollars (1,48 milliard d’euros) depuis 2022.

Alors que son empire continue de s’étendre et de prospérer avec l’ajout de stars et d’athlètes de renom, M. Boehly reste attaché à ses racines à Topeka, au Kansas. C’est là que se trouve le siège de Security Benefit Life, spécialisé dans les rentes, avec un chiffre d’affaires de 52 milliards de dollars (48,2 milliards d’euros), fournissant ainsi les liquidités nécessaires à la croissance d’Eldridge. Comme Warren Buffett, M. Boehly utilise les liquidités stables générées par l’activité d’assurance pour investir dans des actifs.

Mais contrairement à Buffett, qui préfère les entreprises ordinaires comme les relais routiers et la production de ketchup, Boehly a appliqué la formule à des secteurs plus brillants. Bien sûr, l’argent ne garantit pas toujours le succès, comme il l’a découvert après deux années difficiles en tant que propriétaire du Chelsea F.C., mais il peut attirer l’attention sur les écrans, ce qui est souvent primordial une fois que les droits de diffusion ont été vendus. L’objectif ultime est de générer le type de revenu qui permet à ceux qui détiennent des rentes de retraite de dormir paisiblement la nuit. « J’ai toujours pensé que le monde ne comprenait pas la gestion structurée », explique M. Boehly. « L’un des avantages du métier de prêteur est qu’il permet d’être aux premières loges d’un grand nombre d’industries différentes. »

Depuis son passage dans l’équipe de lutte du lycée Landon School de Bethesda, dans le Maryland, Todd Boehly est hanté par un cauchemar récurrent. Alors qu’il était en junior, il s’est retrouvé à moins d’un kilo de sa catégorie de poids de 63 kilos avant un match, ce qui a entraîné les cris furieux de son entraîneur. Des années plus tard, ce traumatisme continue de le hanter plusieurs soirs par an. « Se retirer de son équipe est une décision très difficile », confie M. Boehly. « La lutte est un sport solitaire. Il n’y a que vous. Il n’y a nulle part où se cacher. »

En tant qu’outsider cherchant à se faire une place dans le monde très fermé du capital privé, les leçons acquises à l’école Landon ont été précieuses pour M. Boehly. Diplômé en 1996 de l’université William & Mary, avec une spécialisation en finance, mais n’ayant aucun lien avec Wall Street (son père était ingénieur, sa mère institutrice), il a suivi les conseils de son professeur de géométrie au lycée et a choisi de terminer ses études à l’étranger à la London School of Economics. Grâce à un visa spécial lui permettant de travailler pendant ses études, il a décroché un stage dans le département des dérivés de crédit de la Citibank, alors peu reconnu. Cette expérience a été un atout sur son CV, lui permettant de décrocher, dès la fin de ses études, un emploi au CS First Boston à New York, en tant qu’analyste chargé de la structuration des obligations de prêts collatéralisés (CLO).

 

Au coeur de la finance : de jeune banquier à magnat de l’investissement 

« J’ai tiré énormément d’enseignements au milieu des vendeurs et des négociateurs, au bureau des financements à effet de levier », explique M. Boehly. « J’ai été extrêmement stimulé par tout cela. » Après le départ de la plupart de ses supérieurs pour Bear Stearns en 1997, il s’est soudain retrouvé à modéliser et à structurer lui-même des CLO à haut rendement à l’âge de 23 ans. Après avoir quitté First Boston, Todd Boehly a rejoint en 1999 la société de capital-investissement J.H. Whitney, où il a noué des liens avec Mark Walter, cofondateur de Guggenheim Partners, qui est devenu milliardaire par la suite. Chez Whitney, il a aidé M. Walter à restructurer 600 millions de dollars (553 millions d’euros) d’obligations collatéralisées de Guggenheim, qui contenaient des obligations presque sans valeur de sociétés de télécommunications naissantes pendant l’éclatement de la bulle Internet.

Mark Walter, qui admirait beaucoup M. Boehly, a financé en 2001 le rachat par le jeune banquier des activités de crédit de Whitney, d’une valeur de 1,5 milliard de dollars (1,38 milliard d’euros), pour les intégrer à Guggenheim, et lui a confié la responsabilité du portefeuille d’obligations d’entreprises. M. Boehly a rapidement remarqué que l’un des principaux clients de Guggenheim dans le domaine de l’assurance détenait des obligations Enron. Au cours de l’automne 2001, il s’est donc plongé dans les documents financiers d’Enron. « J’ai construit un modèle pour comprendre ce qui motivait leur activité », explique-t-il. « Ils vendaient tous leurs actifs immobilisés, échangeaient des fibres et se lançaient dans des activités qui n’avaient absolument pas fait leurs preuves. »

Conscient que, dépourvue d’actifs, Enron dépendait entièrement de la bienveillance des marchés financiers, Todd Boehly a immédiatement recommandé de vendre les obligations d’Enron. Cependant, le client de Guggenheim, un assureur basé au Texas comme Enron, a refusé de vendre. Au début, le client semblait avoir raison. Juste avant Thanksgiving, Enron a reçu une offre de rachat de 8 milliards de dollars (7,37 milliards d’euros) de la part de Dynegy, ce qui a fait bondir ses obligations de 90 à 97 cents par dollar. Le PDG de l’assureur a rapidement appelé M. Boehly pour lui dire qu’il avait tort, mais ce dernier a fait confiance à son analyse et lui a conseillé de vendre à nouveau. Un mois plus tard, Enron était en faillite et les obligations se négociaient dans les 20 cents.

Au cours des 15 années suivantes, M. Boehly a porté le portefeuille de crédit de Guggenheim à 60 milliards de dollars (55,3 milliards d’euros) et a pris la responsabilité de l’activité de gestion d’actifs, qui a acquis Security Benefit Life, Dick Clark Productions et une participation dans les Dodgers. En 2011, il a été nommé président.

« Todd incarne à bien des égards la créativité dont Steve Ross a fait preuve en construisant Time Warner ou John Malone en construisant TCI et Liberty », déclare Michael Milken, le milliardaire, roi des obligations à haut risque des années 1980, et client de longue date de Guggenheim Partners.

 

Eldridge : un empire financier prend forme 

En 2015, le milliardaire a décidé de prendre son indépendance. Guggenheim était déjà un actionnaire important de Security Benefit Life. Il a compris la force et la puissance des bilans des compagnies d’assurance-vie, a conclu un accord avec M. Walter pour acheter le reste de l’assureur et d’autres actifs, y compris Dick Clark Productions.

Il a investi environ 200 millions de dollars (184,2 millions d’euros) de ses économies personnelles et a contacté le milliardaire suisse Hansjörg Wyss, un ancien client du Crédit Suisse qui venait de vendre sa société d’implants médicaux à Johnson & Johnson pour 20 milliards de dollars (18,4 milliards d’euros). Wyss est entré dans le capital pour 550 millions de dollars (506 millions d’euros). M. Boehly a regroupé ses participations dans une nouvelle société de portefeuille appelée Eldridge et s’est imposé comme actionnaire de contrôle.

À l’instar de Berkshire Hathaway de Warren Buffett, qui tire d’importants capitaux de Geico, l’assurance est le carburant de l’empire de Todd Boehly. Security Benefit Life possède actuellement 52 milliards de dollars (47,9 milliards d’euros) d’actifs et, en 2023, son revenu d’exploitation de 1,1 milliard de dollars (1 milliard d’euros) était en hausse de 50 %.

La plupart des compagnies d’assurance investissent les primes versées par les assurés dans des obligations cotées en bourse, en essayant de faire correspondre leurs engagements à long terme avec les titres qu’elles détiennent. Un pourcentage important des actifs de Security Benefit Life, en revanche, se présente sous la forme de prêts, de baux et d’autres dettes structurées détenues par la centaine d’entreprises du portefeuille de M. Boehly. Selon les informations communiquées par la SEC, au moins 21 milliards de dollars (19,3 milliards d’euros) des actifs de Security Benefit Life sont détenus par des sociétés de portefeuille.

21 milliards de dollars sur les 48 milliards de dollars d’actifs de Security Benefit Life à la fin de 2022 (les données disponibles les plus récentes) ont été investis dans des « parties liées ». Cela comprend 334 millions de dollars (307 millions d’euros) dans American Media Productions, qui gère SportsNet LA, le réseau sportif régional qui diffuse les matchs des Dodgers. American Media Productions a été créée par le nouveau groupe de propriétaires de l’équipe, dirigé par M. Walter et M. Boehly, peu de temps après avoir acheté les Dodgers en 2012.

Security Benefit Life a également investi 1,3 milliard de dollars (1,19 milliard d’euros) dans Cain International, une société immobilière basée à Londres et codétenue par Eldridge. Cain possède 16 milliards de dollars (14,7 milliards d’euros) d’actifs, dont le Beverly Hilton et le Raffles Boston. Des milliards supplémentaires ont été investis dans des entités associées à des entreprises de gestion d’actifs appartenant à Eldridge, telles que Maranon Capital, Panagram Structured Asset Management et Stonebriar Commercial Finance. Au total, les documents relatifs aux rentes de Security Benefit Life énumèrent plus de 1 500 entités de « contrôle commun » sur 30 pages, allant de A24 Films et FlexJet, qui vend des avions privés en propriété fractionnée, à la croisière Soul Train, organisée à Fort Lauderdale, en Floride, et à Thirteenth Floor Entertainment, propriétaire d’attractions telles que Fear Farm, une « fête foraine hantée » à Phoenix.

 

Contrôle et flexibilité : les principes de gestion d’Eldridge

Il en résulte naturellement que des centaines de millions sont versés chaque année au titre des commissions interentreprises. Pourquoi donc payer un banquier d’affaires ou un consultant en gestion alors que l’entreprise Eldridge a toutes les compétences nécessaires ? De 2018 à 2022, Security Benefit Life a versé plus de 550 millions de dollars (506 millions d’euros) en honoraires à Eldridge Business Services de M. Boehly pour des services tels que la stratégie d’investissement, l’origination d’actifs et le développement de nouveaux produits.

« J’ai beaucoup plus de contrôle. Les obligations que vous pouvez acheter en attendant qu’une banque d’investissement vous appelle sont beaucoup moins intéressantes que celles que vous pouvez créer », explique M. Boehly. Eldridge a touché un dividende de 350 millions de dollars (322 millions d’euros) de Security Benefit Life en 2023.

Le milliardaire se targue d’être moins endetté que ses pairs, avec un ratio actifs/fonds propres d’environ six. « Si vous avez beaucoup moins d’effet de levier et donc beaucoup plus de capital, vous avez beaucoup plus de flexibilité dans la gestion des actifs », explique-t-il, citant comme exemple l’achat de créances sur la défunte bourse de crypto-monnaies FTX en 2023, qui se négociaient à 35 cents par dollar. Grâce à la flambée des prix des crypto-monnaies, elles se négocient aujourd’hui à 90 cents.

Eldridge a également été l’un des premiers investisseurs de DraftKings, l’entreprise de paris sportifs, en commençant par son tour de table de série C en décembre 2014, et il a mené un tour de table de 100 millions de dollars (92 millions d’euros) en mars 2017. Eldridge a réalisé des gains de 498 millions de dollars (458 millions d’euros) sur son investissement de 49 millions de dollars (45 millions d’euros), et il détient toujours une petite participation dans l’action, qui a triplé depuis le début de 2023.

« Mes obligations à long terme persistent dans le temps et sont particulièrement contraignantes », explique M. Boehly à propos des rentes qui financent ses achats d’actifs.

Les mathématiques qui sous-tendent la stratégie d’assurance de M. Boehly n’ont jamais été aussi innovantes que dans ses investissements dans le sport professionnel. La milliardaire fan de baseball depuis toujours a grandi en s’inspirant de Cal Ripken Jr. des Orioles de Baltimore. Il s’est intéressé aux Dodgers après que l’équipe a déposé son bilan en juin 2011. L’équipe demandait 150 millions de dollars (138 millions d’euros) pour aider à couvrir les salaires des joueurs et des employés dans le cadre d’une querelle entre le propriétaire de l’époque, Frank McCourt, et le bureau de la ligue. En novembre, M. McCourt a accepté de vendre la franchise et ses droits médiatiques dans le cadre d’une procédure supervisée par un tribunal.

 

Comment le milliardaire a redéfini le paysage financier du baseball professionnel

Après des années de prêts à des sociétés de production et alors que les droits médiatiques des Dodgers devaient être renégociés, M. Boehly savait qu’une partie de la transaction était sous-évaluée. Alors qu’il travaillait chez Guggenheim, il s’est joint à Walter pour l’acquisition record de l’équipe en 2012, pour un montant de 2 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros), M. Boehly détenant une participation personnelle de 20 % et une autre de 7 % par l’intermédiaire d’Eldridge. Ils ont tout de suite dépensé sans compter, achetant des stars très chères comme Adrián González et Hanley Ramírez au cours de leur premier été en tant que propriétaires, afin d’attirer plus de fans dans les sièges – et, plus important encore, de les regarder à la télévision. En 2013, les Dodgers ont vendu 25 ans de droits médiatiques à Time Warner Cable pour la somme faramineuse de 8,4 milliards de dollars (7,7 milliards d’euros) et ont créé SportsNet LA pour diffuser les matchs.

« Comme Time Warner, qui fait maintenant partie de Charter, était un crédit de qualité, ils ont pu escompter les paiements. La valeur actuelle de ce flux de revenus supplémentaires était proche de la valeur qu’ils ont payée pour les Dodgers », explique M. Milken. « Cette opération a démontré une grande ingéniosité, une compréhension approfondie de la structure financière et une stratégie optimale de financement pour l’entreprise. »

Cette somme a propulsé les Dodgers vers une série de succès, avec 11 participations consécutives aux séries éliminatoires depuis 2013. En 2020, ils ont remporté leur première World Series en trois décennies. Forbes évalue aujourd’hui l’équipe à 4,8 milliards de dollars (4,4 milliards d’euros), soit 140 % de plus que ce que le groupe de M. Walter et M. Boehly a payé pour l’acquérir.

Le contrat de 700 millions de dollars (644 millions d’euros) sur dix ans que les Dodgers ont signé en décembre 2023 pour Shohei Ohtani est le plus important jamais conclu dans le sport professionnel américain. Cependant, un imprévu est venu accroître davantage la richesse des Dodgers. Shohei Ohtani, qui a joué ses six premières saisons pour les Angels de Los Angeles, a accepté de ne recevoir que 2 millions de dollars (1,8 million d’euros) par an des Dodgers au cours des dix premières années du contrat. En contrepartie, il reporte 68 millions de dollars (62,6 millions d’euros) à chaque année de 2034 à 2043.

La plus grande star du baseball, qui est actuellement mêlée à un scandale de jeu avec son interprète, bénéficie d’une belle somme d’argent pour vivre confortablement pendant la prochaine décennie. Cependant, la structure du contrat signifie que sa valeur actuelle, en utilisant le taux d’actualisation de 4,4 % de la MLB, n’est « que » de 46 millions de dollars (42,3 millions d’euros) par an. Les conditions étaient tellement avantageuses pour les Dodgers que le président des opérations de baseball, Andrew Friedman, a déclaré lors de l’annonce de la signature qu’il « n’aurait pas eu le courage de les proposer ».

« Tout comme nous, Ohtani se soucie beaucoup de gagner. Notre passion et la sienne s’accordent donc très bien », explique M. Boehly, qui sait à quel point la structure de l’accord est avantageuse pour son équipe, surtout si la Réserve fédérale ne parvient pas à juguler l’inflation.

L’étape suivante a consisté à remporter une guerre d’enchères pour recruter  le lanceur japonais Yoshinobu Yamamoto, qui a signé un contrat de 12 ans et 325 millions de dollars (299 millions d’euros) à la fin de l’année 2023. Cette dynamique ravive un sport en crise, après la baisse record des audiences de la Série mondiale de l’automne dernier.

« En moyenne, 9 millions de personnes ont regardé les cinq matchs de la Série mondiale l’année dernière. La conférence de presse d’Ohtani a été suivie par environ 70 millions de personnes », souligne M. Boehly. « Il a vendu plus de maillots que Lionel Messi, la star du football de Miami, dans les 48 heures qui ont suivi l’annonce. »

Dix ans après son investissement dans les Dodgers et un an après avoir acquis une participation minoritaire dans les Lakers de Los Angeles en 2021, Todd Boehly a eu l’opportunité unique d’ajouter un autre fleuron sportif à son portefeuille. Roman Abramovitch, confronté aux sanctions du gouvernement britannique suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, a annoncé la mise en vente de son club de football, le Chelsea F.C., avec les recettes destinées à une fondation pour les victimes de la guerre.

L’investissement de Todd Boehly dans Chelsea : une stratégie audacieuse face à l’incertitude

M. Boehly s’est passionné pour la Premier League anglaise de football alors qu’il travaillait sur des transactions immobilières à Londres au début des années 2010. C’est Jonathan Goldstein, ancien responsable de l’immobilier européen chez Guggenheim et actuel PDG de Cain International, qui lui a ouvert les yeux. Bien qu’une offre initiale d’environ 3 milliards de dollars (2,76 milliards d’euros) pour Chelsea ait été rejetée par Abramovitch en 2019, Todd Boehly, en tant qu’investisseur avisé, a agi rapidement trois ans plus tard. En mai 2022, Chelsea a annoncé son acquisition par un groupe dirigé par M. Boehly, M. Walter, M. Wyss et la société de capital-investissement Clearlake Capital, dans le cadre d’une transaction valorisant le club à 3,1 milliards de dollars (2,85 milliards d’euros).

« La Premier League est diffusée dans pratiquement tous les pays du monde. Je pense que la Corée du Nord et la Russie sont les seuls à ne pas la diffuser », précise M. Boehly. « Elle occupe une position unique aux États-Unis, car le samedi matin, il n’y a pas beaucoup de concurrence. »

Le groupe du milliardaire a dépensé plus de 1,3 milliard de dollars (1,19 milliard d’euros) pour attirer des joueurs vedettes comme Enzo Fernández et Moisés Caicedo à Chelsea, mais contrairement aux Dodgers, le succès n’a pas suivi. Habituellement un concurrent de longue date, Chelsea a terminé à la 12ème place de la Premier League lors de la saison 2022-2023, son plus mauvais classement en 29 ans, et se trouve à la 11ème place cette année. Deux managers ont été licenciés au cours de la première saison de M. Boehly.

« Il est essentiel de laisser le processus se dérouler naturellement et de permettre à ces joueurs exceptionnels, qui possèdent des compétences remarquables, de s’intégrer pleinement dans l’équipe », explique M. Boehly. « C’est encourageant de constater que les gens sont investis émotionnellement dans l’équipe. Cependant, le revers de la médaille est que leur intérêt est intense, ce qui peut parfois conduire à des frustrations envers l’équipe et les propriétaires. Je comprends ces sentiments, mais il est essentiel que nous restions concentrés sur nos objectifs. Peu importe les opinions divergentes, Todd Boehly est conscient que tant que les fans restent présents et engagés, ses bailleurs de fonds détenteurs de rentes continueront d’être rémunérés et sa fortune continuera de croître.

 


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