Déjà fragilisée par la chute des ventes pendant la pandémie de Covid-19 et par la montée en puissance des diamants de synthèse, l’industrie du diamant encaisse un nouveau revers : l’imposition de droits de douane sur les importations aux États-Unis. Ce coup dur pourrait compromettre les ambitions commerciales de De Beers, leader historique du secteur.
La conjonction de ces difficultés a provoqué une chute spectaculaire des prix des diamants naturels, extraits de mines, qui auraient perdu jusqu’à 50 % de leur valeur en deux ans. Face à eux, les diamants de laboratoire – encore marginaux il y a une décennie – s’imposent comme une alternative bon marché : leur coût de production tourne autour de 10 dollars le carat, contre plus de 90 dollars pour les pierres extraites en Russie ou au Botswana.
Sous cette pression croissante, Anglo American, le groupe minier coté à Londres et propriétaire à 85 % de De Beers, a été contraint de revoir à la baisse la valeur de la célèbre entreprise centenaire. Estimée à 12,75 milliards de dollars en 2012, lorsqu’Anglo American avait racheté les 40 % détenus par la famille Oppenheimer pour 5,1 milliards de dollars, De Beers a vu sa valorisation fondre. Deux importantes dépréciations d’actifs – 1,6 milliard de dollars l’an passé, puis 2,9 milliards début 2024 – ont ramené sa valeur comptable à environ 2,5 milliards de dollars. Le gouvernement du Botswana détient toujours les 15 % restants.
Bénéfices en chute libre
Pris en étau entre la montée en puissance des diamants de laboratoire et la hausse des coûts d’exploitation, De Beers a vu ses résultats plonger : son bénéfice annuel de 72 millions de dollars en 2023 s’est transformé en une perte de 25 millions l’an dernier. La production a suivi la même trajectoire descendante, passant de 31,8 à 24,7 millions de carats.
Le secteur tout entier souffre. Le Financial Times a tiré la sonnette d’alarme, évoquant un commerce mondial des diamants — estimé à 82 milliards de dollars par an — désormais « à l’arrêt », depuis l’entrée en vigueur d’un tarif douanier américain de 10 %. Des mesures plus strictes sont envisagées, semant le doute parmi les négociants.
Résultat : les expéditions depuis les grands centres de taille et de revente, comme Anvers et Dubaï, seraient tombées à moins de 15 % de leur volume habituel. L’incertitude règne sur les règles à venir et les niveaux des droits à appliquer.
Richard Chetwode, président de Namibian Trustco Resources, estime que l’industrie est dans une position précaire. À ses yeux, ces taxes américaines ne stimuleront en rien la création de capacités de production locale : « Les usines ne s’installeront pas aux États-Unis », tranche-t-il dans le Financial Times.
La nouvelle politique tarifaire américaine sur les diamants complique sérieusement la donne pour le Botswana, dont l’économie dépend fortement de l’extraction minière. Le secteur est non seulement l’un des principaux employeurs du pays, mais aussi une source cruciale de revenus pour l’État.
En première ligne, Anglo American, actionnaire majoritaire de De Beers à 85 %, encaisse le choc immédiat. Le groupe minier, confronté à une offre d’achat hostile de 49 milliards de dollars de la part de BHP, cherche à se délester de De Beers pour mieux se protéger. Une manœuvre stratégique rendue encore plus délicate par le contexte.
Si les droits de douane américains perdurent, De Beers devra trancher dans le vif. Parmi les décisions critiques : faut-il maintenir un investissement d’un milliard de dollars pour prolonger l’exploitation de la gigantesque mine de Jwaneng au Botswana ? Et comment continuer à chercher preneur pour une participation devenue difficile à valoriser sur un marché en perte de vitesse ?
Une contribution de Tim Treadgold pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
À lire également : LVMH fléchit en bourse, plombé par la demande chinoise et l’incertitude des droits de douane
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits