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L’exercice en SEL présente-t-il toujours des atouts pour les professionnels libéraux ?

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Source : Getty Images

Une contribution de Grégory Dupont – Expert-Comptable Associé & Directeur de site chez CF

 

Depuis plusieurs décennies, la Société d’Exercice Libéral (SEL) a constitué une réponse adaptée aux attentes des professionnels libéraux souhaitant bénéficier d’un cadre juridique et fiscal avantageux. Cette structure permettait de cumuler les avantages d’une société commerciale tout en exerçant des professions réglementées, apportant souplesse dans la gestion, la transmission et la répartition des revenus. Toutefois, les réformes récentes introduites par la loi de finances 2024, bouleversent cet équilibre en remettant en question certains bénéfices fiscaux et en impliquant de nouvelles contraintes administratives. Habitués à des démarches fiscales plus simples sous le régime antérieur, ces nouvelles obligations pourraient décourager de nombreux professionnels et nuire à l’attractivité de ce statut. Face à ces nouvelles contraintes, il est légitime de s’interroger : l’exercice en SEL présente-t-il toujours des atouts pour les professionnels libéraux ?

 

Une clarification du statut au prix de nouveaux obstacles administratifs

L’une des mesures phares de la loi finance 2024 est la séparation obligatoire entre la rémunération technique du professionnel et sa rémunération en tant que dirigeant de société. Cette distinction, bien que clarificatrice sur le plan juridique et fiscal, engendre des lourdeurs administratives considérables. Désormais le professionnel libéral en SEL doit non seulement gérer deux types de revenus distincts, mais également remplir une déclaration spécifique pour sa rémunération technique, considérée comme des bénéfices non commerciaux (BNC). Au-delà de la question administrative, cela implique la perte de l’abattement de 10 % sur les frais professionnels. Jusque-là, cet abattement s’appliquait à l’ensemble des revenus des professionnels, à présent seule la rémunération de dirigeant peut en bénéficier. Un changement qui entraîne nécessairement une augmentation de la charge fiscale.

 

Le seul statut permettant de mutualiser les recettes entre associés

Lorsqu’il s’agit de se regrouper, les professionnels libéraux disposent de plusieurs options pour structurer leur activité (convention de collaboration entre professionnels indépendants, SCM et bien sûr SEL). Chacune de ces solutions présente des avantages spécifiques, mais seule la SEL permet une véritable mutualisation non seulement des charges, mais aussi des recettes. Ce mode d’association offre une flexibilité unique dans l’organisation et la gestion des revenus, tout en favorisant la coopération entre associés. Un point crucial car il introduit un modèle économique où les revenus générés par l’ensemble des associés peuvent être redistribués en fonction de règles prédéfinies collectivement. Ce mécanisme permet d’assurer une équité dans la répartition des revenus, tout en tenant compte des différences dans les contributions individuelles des associés.

En outre, le statut présente un atout supplémentaire concernant la flexibilité des pactes d’associés. Ces accords permettent de réglementer de manière précise et personnalisée des aspects clés de la vie collective : modalités d’entrée et de sortie des associés, conditions d’agrément des nouveaux entrants, valorisation des parts sociales, etc.

 

Flexibilité et optimisation fiscale au moment de la transmission

Pour les professionnels libéraux, la manière dont leur activité sera transmise ou vendue peut avoir des implications fiscales et patrimoniales importantes. En ce sens, l’organisation juridique influence grandement les options disponibles au moment de céder l’activité.

Exercer en SEL présente un atout considérable pour les professionnels libéraux qui souhaitent anticiper l’arrêt de leur activité de manière stratégique. En effet, la possibilité de choisir entre la cession de parts sociales ou celle du fonds libéral offre une flexibilité précieuse pour maximiser les gains et réduire les charges fiscales au moment de la transmission. Si les droits d’enregistrement ou les taux de taxation des plus-values sur la vente de parts sociales sont plus avantageux que ceux applicables à une cession de fonds libéral, le professionnel pourra alors choisir cette option. De la même manière, si la cession de fonds libéral s’avère plus avantageuse à un moment donné (opportunités du marché ou cadre fiscal plus favorable), il pourra opter pour cette option. Dans certains cas, les droits peuvent être réduits à 0,1 % du prix des parts, contre 3 % pour une vente de fonds libéral. Cette différence peut représenter une économie significative pour le cédant.

De même, lors d’un arrêt progressif de l’activité, le recours à des holdings de professions libérales (SPFPL) offre au professionnel la possibilité d’intégrer un successeur progressivement, ce qui facilite la transition tout en lui permettant de diminuer son activité de manière échelonnée, tout en restant impliqué dans la gestion et le fonctionnement de la société.

À titre comparatif, en exerçant en entreprise individuelle, les professionnels libéraux n’ont d’autre choix que de vendre leur fonds libéral lorsqu’ils cessent leur activité. Cette cession est soumise aux règles fiscales en vigueur au moment de la transaction. Le prix de vente est imposé dans la catégorie des plus-values professionnelles, selon des règles spécifiques qui peuvent dans certains cas alourdir le coût de la cession.

 

La protection du patrimoine privé

Qu’il s’agisse de SELARL, SELAFA ou SELAS, les SEL offrent aux professionnels libéraux un cadre juridique particulièrement protecteur en ce qui concerne leur patrimoine privé. Dans ces structures, les associés ne sont responsables qu’à hauteur de leur apport en capital. Cela signifie qu’en cas de difficultés financières ou de dettes de la société, leur patrimoine personnel reste à l’abri (sauf en cas de caution personnelle). Cette limitation de responsabilité constitue un atout majeur qui offre aux professionnels la sécurité de séparer leur patrimoine personnel des risques liés à l’exercice de leur activité professionnelle.

Malgré les réformes qui ont complexifié le cadre fiscal et administratif des Sociétés d’Exercice Libéral, ce mode d’exercice continue de présenter des avantages importants pour les professionnels libéraux. Certes la perte de certains bénéfices fiscaux peut rendre ce statut moins attractif à court terme, cependant les atouts structurels demeurent. La capacité à mutualiser les recettes, à faciliter la transmission d’activité, et à bénéficier d’une protection du patrimoine personnel restent des arguments forts. Il revient aux professionnels d’évaluer si ces avantages compensent les nouvelles contraintes et si le statut est aligné avec leurs ambitions futures.

 

À propos de CF

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