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Les Grands Groupes Peuvent-Ils Industrialiser La Création De Start-Up ?

©Getty Images

Le mois dernier, nous publions un article sur les quelques 200 start-up studios nés depuis la création de Rocket Internet en 2007. A l’heure où l’innovation va de plus en plus vite, où les grands groupes voudraient aller à la vitesse des start-up, cette création rapide de start-up est-elle réplicable ou artisanale, est-elle industrialisable, et accessible pour des grandes entreprises ?

Certains start-up studios indépendants comme Prehype, Sparkling Partners et Redpill travaillent sur certains projets en propres et d’autres en association avec des grandes entreprises. La majorité des autres ont pris le parti de ne pas le faire pour garder un fort focus entrepreneurial.

Barefoot studio

Né en Belgique en 2015, Barefoot studio est un start-up studio dédié aux entreprises, qui s’est récemment associé à Wemanity, société de services européenne spécialisée dans la transformation Agile, pour porter le concept à Paris. Plus d’une douzaine de start-up sont nées en association avec des grandes entreprises comme Lease Plan ou Axa. Barefoot a la particularité d’investir aux côtés des entreprises… et de leur proposer des “Call” leur permettant de racheter l’entreprise en cas de succès. « Pour faire réussir leurs projets de start-up, nous mobilisons pour les entreprises des ressources entrepreneuriales et technologiques qu’elles auraient bien du mal à mobiliser chez elles » nous confie Augustin van Rijckevorsel, son CEO qui se partage entre Bruxelles et Paris. Pour Barefoot en 2018 c’est deux nouveaux pays et déjà six nouveaux projets de start-up en cours avec des entreprises.

Augustin van Rijckevorsel et Jean-Christophe Conticello dans leurs locaux à Paris Xème

D’autres start-up studios collaborant avec les entreprises se sont lancés récemment, Take A Chance à Lille et Waoup à Lyon. L’écosystème s’enrichit donc rapidement, le concept progresse.

Si l’industrie du jeu vidéo donne des exemple de start-up studios, chaque jeu étant souvent traité comme une jeune pousse au sein des grands éditeurs, ce type de démarche est néanmoins encore rare en entreprise. Les grands groupes ont bien largement entamé l’ouverture de leur innovation à des collaborations externes depuis une dizaine d’années, c’est l’Open Innovation. Mais ils ont très largement pris le parti de soutenir des projets existants plutôt que d’en créer des nouveaux qu’ils ont cadrés :

  • En lançant des programmes de test industrialisés avec les start-up
  • En y investissant en cash de façon minoritaire, c’est le Corporate Venture, ou encore en étant investisseurs dans des fonds Venture existants
  • En rachetant des start-ups, ce qui est encore beaucoup plus rare qu’outre Atlantique
  • En lançant des programmes d’intrapreneuriat (Airbus, RATP, Société Générale, Leroy Merlin, Gemalto, Engie…) qui permettent à des collaborateurs de se lancer dans des projets de création d’entreprise en interne. Cette démarche diffère du start-up studio car ce sont les intrapreneurs qui choisissent de proposer les projets et non un cadrage stratégique.
  • En communiquant aux fonds et à leur écosystème sur les problèmes qu’ils veulent résoudre de façon à rencontrer les start-up ad’hoc… qu’ils pourraient racheter si les collaborations fonctionnent.

Quelques exemples néanmoins de start-up studios d’entreprise :

  • Axa a été très pionnier en lançant et en finançant dès 2015 Kamet Ventures, un start-up studio « maison » qui a déjà lancé 13 start-ups à des différents points d’avancement, dont 4 qui ont levé des fonds. « Kamet est un modèle unique car l’équipe a une totale liberté, avec l’ambition d’allier le meilleur des deux mondes : l’expertise et la puissance de la grande entreprise, et la qualité d’exécution des entrepreneurs chevronnés que nous sélectionnons pour piloter les projets » nous précise Stéphane Guinet, son fondateur. De fait, il s’est entouré d’entrepreneurs déjà chevronnés pour piloter chacune de ses start-up, sur un process bien établi.
  • Total a aussi publié en 2016 sur le lancement  d’une démarche de start-up studio, mais il semble trop tôt pour en tirer les conclusions et savoir si la démarche sera poursuivie.
  • De même, Veolia a créé au fil des années plusieurs start-up comme En’Jo, Abylon, Majikan, Fluks ou Payboost, regroupées dans Nova Veolia.
  • Le groupe Mobivia (Midas, Norauto) a aussi créé Car Studio, son start-up studio qui accompagne des projets comme Carfit, Weproov ou Groomgroom.
  • Orange est également en train de s’y engager, avec une démarche proche de celle de Kamet. « De la même façon qu’Orange a ouvert de nouveaux marchés avec Orange Money en Afrique puis Orange Bank en Pologne et en France, nous faisons émerger des domaines d’opportunité, avec des business models innovants : sur ces domaines, nous allons lancer des projets entrepreneuriaux que nous proposerons à notre vivier d’intrapreneurs » nous confie Nicolas Bry d’Orange.

Cela confirme que la démarche est d’actualité pour beaucoup d’acteurs, et ces groupes d’origine hexagonale sont en avance car les exemples sont plutôt rares au niveau international.

Bien entendu, il existe dans la plupart des grands groupes des cas de business units fondées en mode très entrepreneurial sur le côté du business traditionnel. Et dans certains cas ce sont devenu des entreprises dont le succès dépasse celui de l’entreprise mère, c’est par exemple le cas emblématique de Dassault Systèmes dont la valorisation est maintenant le double de celle de Dassault Aviation. Créer un start-up studio suppose néanmoins de rentrer dans une démarche systématique et sélective, généralement en mutualisant des ressources entre les projets. 

Quel avenir pour les start-up studios d’entreprise ?

Les start-up studios sont la forme la plus avancée de l’industrialisation de la création de start-up. Créer des start-up à forte croissance sur les problématiques stratégiques pour une entreprise, c’est un Graal encore plus séduisant que de devoir aller trouver des partenariats avec des start-up qui souvent auront rarement trouvé des voies totalement convergentes avec celles de l’entreprise.

Si l’essentiel du process est industrialisable et reproductible, on voit que des aspects de l’exercice, notamment concernant le recrutement des fondateurs, en choisissant les meilleurs profils pour les projets déjà cadrés, reste un processus artisanal par sa nature ce qui limite le fait de passer à l’échelle.

L’accélération forte des rythmes d’innovation rend inéluctable le fait que les grands groupes s’intéressent à la démarche. Le dernier livre de l’Eric Ries,“The Start Up Way” (Currency, 2017), l’auteur du bestseller “The Lean Start-Up”, s’intéresse spécifiquement au sujet. Il montre des exemples très concrets d’utilisation des méthodes entrepreneuriales en entreprise, et notamment chez General Electric.

Les premiers exemples montrent que sous certaines conditions, la voie des start-up studios peut fonctionner en entreprise. Cela suppose une structure indépendante et séparée, et de recruter les bons fondateurs, en trouvant des deals capitalistiques équilibrés avec eux. Les exemples d’autres industries créatives montrent qu’il n’y a rien d’inaccessible dans cette l’industrialisation de cette démarche encore pionnière… et très prometteuse.

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