La crise de la Covid-19 a bouleversé les mentalités. Dans l’entreprise, l’heure est à une nouvelle organisation du travail, en mode hybride. Désormais, aussi souvent à son domicile qu’au bureau, le collaborateur devient plus individualiste, autocentré sur ses besoins. Moins dans la comparaison avec ses collègues et plus dans l’introspection, il prend du recul et examine attentivement ses attentes professionnelles, qui ne correspondent pas toujours à ce qu’il vit dans son entreprise.
Quand le CDI ne suffit plus
Tandis que l’APEC annonce un nouveau record d’embauches des cadres cette année, 68 % d’entre eux expriment leur souhait de changer de poste, de métier, d’entreprise, voire de quitter le statut de salarié ou de réaliser une mobilité géographique dans les deux ans à venir (IFOP). Certains ont démissionné pour se consacrer à une passion délaissée, faire un bilan de compétences et trouver une nouvelle voie plus épanouissante. Ceux qui restent attendent désormais de leur entreprise qu’elle leur offre des perspectives, leur prouve qu’elle leur fait confiance, les conduise vers plus d’autonomie, partage avec eux une vision sociétale enthousiasmante !
Il n’y a pas si longtemps, décrocher un CDI revenait à décrocher la lune. Mais je vous parle là d’un temps que les moins de 20 ans ne connaissent pas et ne connaîtront sans doute jamais. Déjà sensible avant la crise sanitaire, la quête de sens et d’autonomie des cadres et des talents de l’entreprise n’a fait que se renforcer ces deux dernières années. Aux EU, le phénomène a même été baptisé « the Great Resignation », en Français « la Grande démission ». Plus de 4,3 millions d’Américains ont ainsi claqué la porte de leur entreprise en août 2021, 20 millions depuis le mois de mars.
La France bientôt victime d’une vague de démissions ?
Au plus fort de la crise, le taux de démission en France était plutôt en baisse. En effet, ils étaient peu nombreux à prendre le risque de quitter leur travail dans un contexte anxiogène et des perspectives peu réjouissantes. Aujourd’hui, la reprise est actée et la situation épidémique n’a plus rien de comparable avec les premiers mois de 2020. Avec la reprise, les envies de liberté, d’autonomie et la quête de sens dans le travail sont de retours.
Ainsi, près d’1 salarié sur 2 (45 %) voit désormais moins de raison de rester dans la même société et ils sont de plus en plus nombreux à n’avoir aucun scrupule à chercher du travail ailleurs (OpinionWay pour Microsoft janvier 2022). Les plus jeunes (- de 35 ans) sont les moins fidèles. La crise a eu raison, bien souvent, de leur attachement à une entreprise qu’il connaissait à peine.
De fait, les valeurs de l’entreprise prennent de plus en plus d’importance dans la décision de rester. 40 % des salariés de moins de 35 ans et 40 % des femmes se disent ainsi prêts à partir si l’entreprise n’affiche pas des positions et des actions sur des thèmes comme l’égalité, la diversité et l’inclusion. Et bien sûr, refuser le télétravail à ceux qui peuvent l’exercer serait une erreur fatale, qui pourrait conduire 60 % des cadres à s’interroger sur leur motivation à rester.
Évoluer en gardant son âme
Le capital humain occupe plus que jamais une place primordiale dans le succès d’une entreprise. Maintenir l’efficacité et la motivation des talents devient donc stratégique. À distance, pendant les confinements et aujourd’hui avec le télétravail, les salariés ont su montrer leur implication et leur dévouement envers leur entreprise. Et, parce qu’ils lui ont donné beaucoup, ils en attendent tout autant en retour.
Dans cette réorchestration des routines organisationnelles, la difficulté pour les dirigeants est donc de prendre en compte les nouvelles aspirations des talents, sans pour autant se sentir forcés d’accepter des désidératas qui ne correspondent ni à l’ADN ni au modèle d’affaires de l’entreprise. Le changement est là pour permettre une meilleure performance, grâce à une plus forte implication des collaborateurs, qui partagent une même ambition.
Renouveler les challenges, récompenser les succès, ne pas stigmatiser l’échec
L’entreprise va devoir sortir des structures hiérarchiques rigides pour tendre vers un leadership inspirant et pleinement engageant. Fini le petit chef qui contrôle et sanctionne. Place au management de la bienveillance qui accompagne le collaborateur dans l’atteinte de ses objectifs, donne du sens à son travail, libère son autonomie, accompagne ses échecs. Il va falloir lâcher du lest, laisser plus de liberté à ses salariés dans l’organisation de leur journée lorsqu’ils ne sont pas au bureau, dans la limite de ce qui est acceptable. Il faudra donc juger le travail fourni plutôt que le nombre d’heures. Davantage de flexibilité et moins de contrôle, évidemment, tout cela ne va pas sans confiance.
Attention donc aux grandes promesses, au discours marketing, aux valeurs qui ne valent que sur le papier. L’entreprise doit prouver qu’elle agit pour le bien de tous, en l’inscrivant notamment dans ses statuts via la définition de sa mission et de sa raison d’être. On l’aura bien compris, l’entreprise coupée des réalités de la société : c’est terminé !
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