L’entrepreneuriat a la cote. Chaque jour, plus d’un millier d’entreprises sont créées en France, un chiffre toujours à la hausse ces dix dernières années. Mais, ces jeunes pousses deviendront-elles les Jack Welsh de demain ? Rien n’est moins sûr.
On ne change pas une équipe qui gagne. En dix ans, la création d’entreprise a explosé en France. En 2017, 591 000 entreprises ont été créées en France, en hausse de 84 % depuis 2007 selon l’INSEE. Liée avant tout à l’entrée en vigueur du régime des auto-entrepreneurs en 2009, cette tendance trouve aussi racine dans l’ubérisation croissante de notre économie, qui redessine petit à petit le secteur tertiaire. Au fur et à mesure, les environnements en infrastructure, administratif et financier se sont ainsi adaptés pour aider les entrepreneurs à se lancer.
La France devant l’Allemagne
Aujourd’hui en France, les mécanismes financiers et fiscaux pour faciliter le lancement de son affaire sont légion. Réduction d’impôts liée au statut de jeune entreprise innovante, crédit-impôt recherche, sans oublier l’immense catalyseur BPI France, encouragent les plus imaginatifs d’entre nous à se lancer. La France a même devancé l’Allemagne en capitaux levés via son écosystème de financement de start-up, à 2,6 milliards d’euros levés en 2017, contre seulement 1,7 milliard chez notre voisin d’outre-Rhin, selon l’Usine Digitale. Et les premiers chiffres de 2018 ne démentent pas cette tendance, malgré la suppression de l’ISF.
Pour les entrepreneurs qui évoluent en dehors de cet écosystème technologique très choyé, les facilités financières et administratives ne tarissent pas non plus. L’année 2017 a d’ailleurs été celle de tous les records en capital investissement en France selon France Invest avec 14,3 milliards d’euros (+15%) investi par les acteurs du private equity. Les députés ont d’ailleurs adopté la loi Pacte en octobre dernier, qui prévoit la possibilité de créer sa société entièrement en ligne dès le 1er janvier 2021.
Nouvelles pratiques de management
Plus qu’un effet de mode, cette culture grandissante de l’entrepreneuriat vient flouter les codes de la gestion du marché du travail. Dans le modèle économique et social français, l’image du patron s’apparente traditionnellement à celle de capitaine, celui qui tient la barre, qui met au premier plan l’intérêt de son entreprise. C’est aussi une figure tutélaire de leadership, qui renvoie un certain charisme l’enfermant de temps à autre dans une position de représentativité et d’exemplarité.
L’accélération fulgurante de l’entrepreneuriat vient changer cette donne. Les carrières sont aujourd’hui moins linéaires qu’il y a vingt ans, lorsque l’on gravissait les échelons jusqu’au départ à la retraite. Diriger une entreprise était alors synonyme de la reconnaissance d’un chemin parcouru. Une époque, pas si lointaine, où l’on « faisait carrière ».
Aujourd’hui, les entrepreneurs ont souvent moins de 30 ans, ils apportent avec eux une nouvelle culture du travail qui rompt avec ce paradigme. Ils installent de nouvelles pratiques de management et une hiérarchie plus horizontale – c’est aussi la naissance du coworking et du télétravail – qui décloisonnent la notion de « manager ».
Start-up génération
Cette start-up génération, qui vient moderniser les codes du management, va-t-elle pour autant remodeler le who’s who de nos grandes entreprises ? Rien n’est moins sûr. Le cas de Mark Zukerberg, cet ancien geek des dortoirs de Harvard, qui a su se hisser à la tête d’un empire de plus de 400 milliards de dollars est loin d’être la norme. Le PDG à l’éternel sweat-baskets est d’ailleurs de plus en plus mis en porte-à-faux : les crises à répétition le forcent à changer de costume. La dernière en date, Cambridge Analytica, l’une des plus grandes brèches de données de l’Histoire contemporaine, l’a même propulsé jusque devant les membres du Congrès américain… en costume cravate. Au-delà des rumeurs de démission, nous avons l’impression que les choses sérieuses commencent pour lui. Serait-on témoin des limites du concept du start-upper CEO ?
L’argument est recevable. A l’instar de Steve Jobs qui avait été limogé par le conseil d’administration d’Apple en 1985, nombreux sont ceux qui sont contraints de quitter le navire pour se voir remplacés par d’autres qui maîtrisent mieux les composantes de gestion opérationnelle et décisionnelle d’une société. Comme Steve Jobs à l’époque, on leur reproche de ne pas être « de bons dirigeants ». Car faire face aux problématiques qui se posent aux dirigeants d’entreprise ne s’improvise pas. Si l’emblématique Steve Jobs a pu récupérer sa fonction douze ans plus tard et prouver qu’Apple avait besoin de son élan créatif pour garder la main sur le marché, ce n’est pas toujours le cas. Outre les limites de compétences auxquelles peuvent se heurter les entrepreneurs à un moment donné pour diriger leur entreprise, ces derniers peuvent également suivre un choix de vie ou de carrière qui valorise la création entrepreneuriale plutôt que la gestion au jour le jour d’une société. Emmener une dizaine de personnes dans un bureau de fortune n’est pas la même aventure que gérer plusieurs centaines, voire milliers de salariés sur plusieurs continents.
Formation
Le fleuron des écoles de commerce et de management français l’a bien compris. Celles qui ont formé pendant des décennies des contingents de dirigeants pour les grandes entreprises créent de plus en plus de cursus autour de l’entrepreneuriat. C’est le cas de toutes les grandes écoles de commerce comme HEC, qui, selon Forbes, a incubé 498 jeunes entrepreneurs, a investi 4 millions d’euros au service des étudiants et alumni porteurs de projet. Les statistiques sont là : aujourd’hui la majorité des entrepreneurs start-uppers sont issus d’études supérieures. Et la formation est clé car entre l’entrepreneur et le chef d’entreprise, il y a un chemin pavé d’embûches. A regarder le cursus des grands patrons de la Tech US, Bezos (Princeton), Larry Page et Sergey Brin (Stanford), Zukerberg (Harvard)…, on peut y voir une relation de cause à effet. Nous sommes loin de notre autodidacte Xavier Niel, faisant fortune sans diplôme avec des minitels rose, et pourtant, quel grand chef d’entreprise !
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