De Tesla à SpaceX en passant par xAI, l’immense empire mondial d’Elon Musk risque d’être directement impacté par les nouveaux droits de douane de Trump. Voici pourquoi.
La semaine dernière, Elon Musk n’a pas réagi à l’annonce des nouveaux tarifs douaniers décidés par le président américain. Une décision qui a semé la panique sur les marchés financiers mondiaux et ravivé les inquiétudes d’une récession à l’échelle planétaire.
Depuis, le milliardaire est sorti de son silence pour afficher ouvertement son désaccord avec la politique économique phare de Donald Trump. Samedi, il a exprimé son souhait de voir les États-Unis et l’Europe avancer vers un accord de libre-échange sans droits de douane. Le lendemain, il a vivement critiqué Peter Navarro, le conseiller commercial de Trump, pour avoir salué ces mêmes tarifs. Lundi, il a partagé une vidéo de l’économiste Milton Friedman faisant l’éloge du libre-échange. Selon le Washington Post, Musk aurait même tenté, en vain, de joindre personnellement le président Trump durant le week-end.
On peut facilement comprendre le mécontentement de Musk. Les droits de douane nuisent aux affaires, et encore plus à celles de l’homme le plus riche du monde. Depuis l’annonce de la réciprocité des droits de douane par Trump, l’action de Tesla a chuté de 17 %. SpaceX, bien qu’étant une entreprise privée, voit ses coûts de chaîne d’approvisionnement augmenter, tandis que ses clients internationaux se montrent mécontents. Les autres entreprises d’Elon Musk, telles que la start-up d’intelligence artificielle xAI, The Boring Company qui construit des tunnels, et Neuralink, spécialisée dans les implants cérébraux, devront également composer avec des hausses de coûts et des perturbations logistiques. Quant à X, son réseau social, il pourrait voir ses revenus publicitaires chuter si les craintes de récession se concrétisent, en plus de risquer une amende imminente des régulateurs européens pour violation des lois sur les contenus illicites et la désinformation, pouvant dépasser le milliard de dollars.
Voici l’impact que pourraient avoir les droits de douane de Trump sur les trois plus grandes entreprises d’Elon Musk :
Tesla (valeur de la participation d’Elon Musk : 130 milliards de dollars)
Autrefois la principale source de richesse d’Elon Musk, Tesla a récemment cédé cette place à SpaceX. La valeur de sa participation a perdu plus de la moitié de sa valeur depuis le pic de 266 milliards de dollars atteint en décembre dernier. Les ventes mondiales de Tesla sont en déclin, non seulement en raison des critiques sur l’implication de Musk dans l’administration Trump, mais aussi à cause de la concurrence accrue des fabricants chinois de véhicules électriques, comme BYD, sur son plus grand marché. Les droits de douane imposés par Trump risquent d’aggraver encore la situation de Tesla.
Comme la plupart des grands fabricants, Tesla dépend de chaînes d’approvisionnement mondiales pour les matières premières nécessaires à la fabrication de ses véhicules. Selon des données gouvernementales datant de la fin de l’année dernière, Tesla importe entre 20 et 25 % de ses pièces automobiles de fournisseurs étrangers (hors Canada) pour les voitures qu’elle vend aux États-Unis. Cela inclut des matériaux pour ses batteries électriques, dont 40 % proviennent de fournisseurs chinois, selon une analyse récente de Nikkei. « C’est une débâcle d’une ampleur épique pour toute l’industrie automobile, y compris Tesla », a commenté Dan Ives, responsable mondial de la recherche technologique chez Wedbush Securities, dans un courriel à Forbes. Il parle même d’un « Armageddon économique ».
Scott Kennedy, expert de la Chine au Center for Strategic & International Studies, estime que l’escalade des tensions entre les États-Unis et la Chine, combinée à l’incapacité apparente de Musk à influer sur les politiques de l’administration, pourrait freiner les efforts de Tesla pour obtenir l’approbation des autorités chinoises pour ses véhicules à conduite autonome (déployés depuis février auprès de certains conducteurs). En outre, l’entreprise pourrait rencontrer des difficultés à lever l’interdiction d’accès des Teslas aux complexes et installations militaires. L’association de Musk avec l’administration Trump et ses politiques pourrait également nuire à l’image de la marque auprès des acheteurs chinois, qui se tournent déjà vers des concurrents nationaux plus abordables, comme Xpeng et BYD, ce dernier ayant surpassé Tesla l’année dernière en tant que premier fabricant de véhicules électriques. « Que ce soit auprès des autorités chinoises ou des consommateurs, les perspectives de Tesla en Chine se sont considérablement assombries », affirme M. Kennedy.
Elon Musk est pleinement conscient des défis à relever. « Il est important de noter que Tesla n’échappe pas à la situation », a-t-il tweeté il y a deux semaines, en réponse aux tarifs automobiles imposés par Trump, avant que ce dernier n’annonce un régime de tarifs réciproques encore plus élevés. « L’impact des droits de douane sur Tesla reste significatif », a-t-il ajouté.
Malgré ces coûts, Tesla est mieux préparée que bon nombre de ses rivaux américains pour faire face aux droits de douane. En effet, ses gigafactories d’Austin et de Californie produisent l’intégralité des véhicules qu’elle vend aux consommateurs américains, contrairement à d’autres constructeurs qui importent au moins une partie de leurs véhicules du Mexique ou d’autres pays. « Du point de vue des ventes aux États-Unis, cela ne leur nuit pas autant en termes de coûts que les fabricants traditionnels », explique Tu Le, directeur du cabinet de conseil Sino Auto Insights. « Ce n’est pas idéal pour Tesla, mais c’est encore pire pour de nombreux autres constructeurs automobiles établis aux États-Unis. »
Cependant, même si Tesla est mieux positionnée que ses concurrents sur le plan des prix, elle doit toujours faire face à la détérioration de la réputation de sa marque, un phénomène qui pourrait s’intensifier si les droits de douane de Trump entraînent une récession, selon Tinglong Dai, professeur de chaîne d’approvisionnement à l’université Johns Hopkins et spécialiste de Tesla. « Je pense que ses affaires se détérioreront encore, non seulement en raison des coûts plus élevés, mais aussi à cause de la montée du rejet populaire. Les gens ne l’appréciaient pas ; maintenant, ils vont le détester encore davantage. »
SpaceX (valeur de la participation d’Elon Musk : 147 milliards de dollars)
SpaceX, le fabricant de fusées et opérateur de la société de services internet par satellite Starlink, est désormais la principale source de fortune d’Elon Musk. Sa participation de 42 % dans l’entreprise était évaluée à 147 milliards de dollars au début de l’année, lorsque les actions de SpaceX s’échangeaient à une valorisation de 350 milliards de dollars sur le marché secondaire. Depuis 2009, SpaceX a obtenu 3,6 milliards de dollars de contrats du gouvernement américain et a récemment signé un contrat de 5,3 milliards de dollars pour des lancements de fusées jusqu’en 2029, contrats qui devraient échapper à l’impact des droits de douane imposés par Trump.
Cependant, SpaceX dépend de fournisseurs étrangers pour les matières premières et les composants utilisés dans la fabrication de ses produits, tout comme de la coopération de partenaires internationaux pour son activité Starlink, qui a généré 8,2 milliards de dollars sur les 13,1 milliards de dollars de revenus de l’entreprise l’année dernière, selon les estimations de Payload Space.
« Les droits de douane posent des défis sur plusieurs fronts pour SpaceX, notamment en termes de coûts de chaîne d’approvisionnement, de contrats internationaux et de régulations », explique Maxime Puteaux, conseiller principal chez Novaspace, un cabinet de conseil spécialisé dans l’industrie spatiale. « Les entreprises du secteur spatial font déjà face à d’énormes pressions dues à la hausse des taux d’intérêt, à l’inflation persistante et aux tendances post-Covid. L’introduction de nouveaux tarifs ne fera qu’aggraver la situation et accentuer la pression. »
Le projet Starlink de SpaceX repose en grande partie sur des fabricants asiatiques. L’année dernière, la société taïwanaise Wistron NeWeb Corporation a commencé à produire des routeurs et autres équipements pour Starlink dans une usine au Vietnam. Parallèlement, d’autres fournisseurs, tels que les fabricants taïwanais Universal Microwave Technology, Shenmao Technology et Chin-Poon Industrial, ont déplacé une partie de leurs opérations vers le Vietnam et la Thaïlande, selon Reuters. (Le Vietnam et la Thaïlande sont parmi les pays les plus touchés par les droits de douane de Trump, avec des taxes respectives de 46 % et 36 %). Les droits de douane imposés au Vietnam, en particulier, pourraient perturber les projets de SpaceX dans le pays : en septembre dernier, les autorités vietnamiennes ont annoncé un investissement de 1,5 milliard de dollars par SpaceX, bien que les objectifs et les progrès de cet investissement demeurent flous.
Outre les défis liés aux fournisseurs, SpaceX dépend également de matières premières et de métaux rares, des ressources cruciales pour l’entreprise et pour de nombreuses autres industries manufacturières américaines. « SpaceX a réussi à internaliser une grande partie de son développement et de sa fabrication, mais elle continue de dépendre de nombreux fournisseurs situés dans des pays touchés par les droits de douane », explique James Gellert, président exécutif de RapidRatings, une société d’analyse de la chaîne d’approvisionnement. « Certains composants nécessaires à la construction de produits high-tech comme ceux de SpaceX ne disposent pas de fournisseurs alternatifs suffisants, et le risque de concentration devient d’autant plus problématique lorsque les coûts augmentent de manière exponentielle. »
L’un des éléments clés pour SpaceX est le samarium, un métal argenté utilisé dans les aimants des systèmes de propulsion des fusées. Ce métal est essentiel non seulement pour SpaceX, mais aussi pour d’autres entreprises américaines dans les secteurs de l’aérospatiale et de la défense, explique Tinglong Dai de l’Université Johns Hopkins. Selon le Montana Bureau of Mines and Geology, les États-Unis importent une grande partie de leur samarium de Chine. Vendredi, les autorités chinoises ont annoncé qu’elles exigeraient désormais des licences pour l’exportation de samarium et de six autres éléments de terres rares. Les exportateurs devront obtenir des licences d’exportation auprès du Ministère du Commerce de la République populaire de Chine. « Un acheteur ne peut pas simplement se tourner vers d’autres fournisseurs ou régions », explique James Gellert, président de RapidRatings. « Et c’est là que réside l’un des problèmes des droits de douane actuels : l’idée qu’un acheteur puisse modifier sa chaîne d’approvisionnement pour la rendre nationale est naïve. »
En plus de ces problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement, SpaceX doit se soucier de l’image de Trump, et par extension de Musk, auprès des gouvernements étrangers. Le service Internet par satellite Starlink est disponible dans plus de 125 pays, mais ces nations ne sont pas obligées de continuer leurs partenariats avec SpaceX. Au Canada, par exemple, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a annoncé le mois dernier qu’il annulait un contrat de 68 millions de dollars avec Starlink, en réaction à la guerre commerciale menée par Trump. « Cela met en lumière la vulnérabilité des accords internationaux de SpaceX dans un contexte de tensions commerciales croissantes », souligne Maxime Puteaux, de Novaspace. « Les affiliations politiques peuvent influencer les autorisations réglementaires et les partenariats internationaux. »
xAI (valeur de la participation d’Elon Musk : 42 milliards de dollars)
xAI, l’entreprise d’intelligence artificielle fondée par Elon Musk, a récemment fusionné avec le réseau social X dans une opération évaluée à 113 milliards de dollars, portant la valorisation du secteur de l’IA à 80 milliards. Créée en 2023, xAI a levé plus de 12 milliards de dollars auprès d’investisseurs pour financer l’édification d’un immense parc de superordinateurs à Memphis, équipé de plus de 100 000 GPU Nvidia. Pour la seconde phase de son développement, xAI prévoit de construire un nouveau centre de données sur un terrain de 40 hectares, récemment acquis pour 80 millions de dollars. Cependant, avec l’entrée en vigueur des droits de douane imposés par Donald Trump, ce projet risque de coûter bien plus cher que prévu.
D’après Jason Miller, professeur de gestion de la chaîne d’approvisionnement à l’université de l’État du Michigan, les centres de données américains dépendent largement des composants électroniques importés, notamment de Chine, Taïwan et du Vietnam, des pays particulièrement affectés par les tarifs douaniers. « Ces droits de douane, surtout l’escalade avec la Chine, augmenteront significativement le prix des équipements pour les centres de données », précise-t-il.
De plus, les entreprises comme xAI devront composer avec la hausse des coûts des matières premières, telles que l’acier et l’aluminium, utilisés pour construire les entrepôts abritant les serveurs. Matt Mittelsteadt, chercheur en politique technologique au Cato Institute, alerte sur l’impact de ces tarifs dans la course mondiale à l’intelligence artificielle, soulignant : « L’IA, comme tous les secteurs, en pâtira grandement ».
Un article de John Hyatt pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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