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Les autorités fédérales US ordonnent à Google de fournir les informations de certains utilisateurs de YouTube

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États-Unis : Les autorités fédérales ordonnent à Google de fournir les informations de certains utilisateurs de YouTube. | Source : Getty Images

Dans deux décisions de justice, le gouvernement fédéral américain a demandé à Google de lui communiquer des informations sur toute personne ayant visionné plusieurs vidéos et flux vidéo en direct sur YouTube. Les experts en protection de la vie privée estiment que ces ordonnances sont inconstitutionnelles.

Article de Thomas Brewster pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

Les autorités fédérales ont ordonné à Google de fournir des informations sur toutes personnes ayant visionné certaines vidéos sur YouTube, selon plusieurs ordonnances judiciaires obtenues par Forbes. Des experts en protection de la vie privée issus de plusieurs groupes de défense des droits civils ont déclaré à Forbes qu’ils pensaient que ces ordonnances étaient inconstitutionnelles, car elles menaçaient de transformer des utilisateurs innocents de YouTube en suspects criminels.

 

Deux affaires, une décision identique

Dans une affaire dans le Kentucky examinée par Forbes, des policiers en civil ont cherché à identifier la personne qui se cache derrière le pseudonyme en ligne « elonmuskwhm », qu’ils soupçonnent de vendre des bitcoins contre de l’argent liquide, ce qui pourrait enfreindre les lois sur le blanchiment d’argent et les règles relatives à la transmission d’argent sans licence.

Lors de conversations avec l’utilisateur au début du mois de janvier, les agents infiltrés lui ont envoyé des liens vers des tutoriels YouTube de cartographie par drones et de logiciels de réalité augmentée, puis ont demandé à Google des informations sur les personnes qui avaient visionné les vidéos, qui ont été regardées collectivement plus de 30 000 fois.

Les ordonnances du tribunal montrent que les autorités fédérales ont demandé à Google de fournir les noms, adresses, numéros de téléphone et activités des utilisateurs de tous les comptes Google qui ont accédé aux vidéos de YouTube entre le 1er et le 8 janvier 2023. Les autorités fédérales souhaitaient également obtenir les adresses IP des propriétaires de comptes non Google qui ont visionné les vidéos. Les policiers ont fait valoir qu’« il y a des raisons de croire que ces données seraient pertinentes et importantes pour une enquête criminelle en cours, y compris en fournissant des informations d’identification sur les auteurs ».

 


« Personne ne devrait craindre que la police vienne frapper à sa porte simplement à cause de ce que l’algorithme de YouTube propose. »

Albert Fox-Cahn, directeur exécutif du Surveillance Technology Oversight Project


 

Le tribunal a accepté l’ordonnance et Google a été prié de garder la demande secrète jusqu’à ce qu’elle soit dévoilée en début de semaine, lorsque Forbes l’a obtenue. Les documents judiciaires n’indiquent pas si Google a ou non fourni des données dans cette affaire.

Dans une autre affaire, concernant une enquête menée dans le New Hampshire, la police de Portsmouth a reçu une menace d’un inconnu selon laquelle un explosif avait été placé dans une poubelle dans un lieu public. L’ordonnance indique qu’après avoir fouillé la zone, la police a appris qu’elle était surveillée par une caméra de diffusion en direct sur YouTube associée à une entreprise locale. Les enquêteurs fédéraux pensent que des événements similaires se sont produits à travers les États-Unis, où des alertes à la bombe ont été lancées et où les policiers ont été surveillés via YouTube.

Ils ont demandé à Google de leur fournir une liste des comptes qui ont « visionné et/ou interagi avec » huit flux en direct sur YouTube et les informations d’identification associées pendant des périodes spécifiques. Il s’agissait notamment d’une vidéo publiée par « Boston and Maine Live », qui compte 130 000 abonnés. Mike McCormack, qui a créé la société à l’origine du compte, IP Time Lapse, a déclaré qu’il était au courant de l’ordre, ajoutant qu’il s’agissait « d’incidents de swatting dirigés vers les vues de la caméra à ce moment-là ».

Là encore, on ignore si Google a fourni les données.

 

Des demandes anticonstitutionnelles ?

« Pour toutes les demandes des forces de l’ordre, nous avons mis en place un processus rigoureux destiné à protéger la vie privée et les droits constitutionnels de nos utilisateurs tout en soutenant le travail important des forces de l’ordre », a déclaré Matt Bryant, porte-parole de Google. « Nous examinons la validité juridique de chaque demande, conformément à la jurisprudence en vigueur, et nous nous opposons systématiquement aux demandes de données d’utilisateurs trop vastes ou inappropriées, y compris en nous opposant complètement à certaines demandes. »

Le département américain de la Justice n’avait pas répondu aux demandes de commentaires de Forbes au moment de la publication de cet article.

Les experts en matière de protection de la vie privée ont déclaré que ces ordonnances étaient inconstitutionnelles parce qu’elles menaçaient d’annuler les protections prévues par les 1er et 4e amendements, qui couvrent la liberté d’expression et la protection contre les perquisitions abusives. « Il s’agit du dernier chapitre d’une tendance inquiétante qui voit les agences gouvernementales transformer de plus en plus les mandats de perquisition en filets numériques. C’est inconstitutionnel, c’est terrifiant et cela se produit tous les jours », a déclaré Albert Fox-Cahn, directeur exécutif du Surveillance Technology Oversight Project. « Personne ne devrait craindre que la police vienne frapper à sa porte simplement à cause de ce que l’algorithme de YouTube propose. »

Il a ajouté que ces ordonnances étaient « tout aussi effrayantes » que les mandats de géorepérage, qui obligent Google à fournir des données sur tous les utilisateurs se trouvant à proximité d’un lieu de crime. Google a annoncé en décembre une mise à jour qui rendra techniquement impossible pour le géant de la technologie de fournir des informations en réponse à des mandats de géorepérage. Auparavant, un tribunal californien avait jugé inconstitutionnel un mandat de géorepérage couvrant plusieurs zones densément peuplées de Los Angeles, ce qui avait suscité l’espoir que les tribunaux empêcheraient la police de rechercher ces données.

« Ce que nous regardons en ligne peut révéler des informations très sensibles sur nous, nos opinions politiques, nos passions, nos croyances religieuses et bien d’autres choses encore », a déclaré John Davisson, conseiller principal au Electronic Privacy Information Center. « Il est normal de s’attendre à ce que les forces de l’ordre n’aient pas accès à ces informations sans motif valable. Cette ordonnance renverse cette hypothèse. »

 


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