Condamné par Bruxelles à payer 13 milliards d’euros d’impôts à l’Irlande, Apple refuse avec des arguments qui tiennent la route, d’autant que l’Irlande n’a jamais rien demandé.
L’affaire Apple risque fort de faire jurisprudence. Lorsque la Commission de Bruxelles a condamné Apple à payer 13 milliards d’impôts à l’Irlande depuis que la société californienne est installée en Europe, les commissaires européens n’avaient sans doute pas imaginé qu’ils avaient ouvert un dossier qui pouvait devenir explosif.Ils savaient que ce qu’ils réclamaient répondait à une demande politique en Europe qui se plaint que les multinationales ne paient pas leurs impôts, mais ils ne savaient pas que ce dossier pouvait aussi exploser leurs certitudes de technocrates et finalement se retourner contre eux.
D’abord, l’Irlande a depuis porté plainte contre Bruxelles pour ingérence dans les affaires fiscales d‘un Etat membre. Pour Dublin, l’Europe c’est bien, mais à condition que Bruxelles ne se mêle pas trop des affaires nationales. Or, pour l’Irlande, si Apple bénéficie d’un régime fiscal très light, c’est bien parce que le gouvernement irlandais l’a voulu. Donc si le taux d’imposition est très faible, c’est son problème.
Ensuite, et c’est beaucoup plus grave, Apple va faire appel de la décision de Bruxelles pour non-respect des règles fiscales et des accords internationaux. En effet, Apple explique que le montant d’impôts demandé par Bruxelles représente la presque totalité des impôts que doit payer Apple sur les bénéfices de ses activités mondiales et ses ventes réalisées en-dehors des Etats-Unis. Pourquoi payer donc ces impôts en Irlande, alors qu’Apple n’a pratiquement aucune activité en Irlande ?
Le siège d’Apple à Cork est un siège social qui abrite des activités fonctionnelles et logistiques pour l’ensemble du monde. Le siège n’est nullement un centre de profit.
L’impôt sur les bénéfices est calculé sur les activités de production, de recherche, de développement, de design, autant d’opérations qui sont réalisées principalement en Californie.
Pour Apple, il faut donc revoir le calcul de cet impôt au prorata de la richesse créée. Cette richesse est créée aux Etats-Unis. C’est pourquoi Apple paie l’impôt aux Etats-Unis. Et notamment en Californie qui n’a rien d’un paradis fiscal.
Par ailleurs, Apple souligne qu’elle paie normalement sur les différents marchés sa quote-part de TVA et de charges sociales correspondant aux règles en application sur les marchés locaux.
A Bruxelles, on est désormais très gêné par ce qui apparaît comme un excès de zèle.
D’abord parce que l’Irlande n’accepte pas cette ingérence et elle en a le droit.
Ensuite parce les sociétés européennes qui travaillent dans le monde entier appliquent les mêmes règles fiscales que celles auxquelles se réfère Apple.
Enfin parce que les arguments envoyés par Apple à Bruxelles pour refuser de se plier à des injonctions fiscales que même les pays partenaires ne demandaient pas vont être réutilisés par les autres multinationales comme Facebook, Google, Airbnb, ou Uber… Autant de sociétés qui sont très rapidement accusées de concurrence déloyale alors qu’elles font l’essentiel de leur création de richesses dans leur pays d’origine.
Bruxelles a cru se donner bonne conscience en répondant aux discours populistes assez prompts à taper sur des multinationales américaines. Ce dossier va inciter les fonctionnaires européens a plus de prudence.
D’abord en regardant de plus près ce que font les sociétés européennes. Ensuite à bien définir le fait générateur de richesses. Enfin à se concentrer sur la TVA et les charges sociales, c’est-à-dire récupérer ce qui est véritablement payé par le consommateur.
Au banc des accusés, Apple fait les frais de son immense notoriété, mais les Google et autre Facebook entendent bien en profiter.
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