À 28 ans, l’humoriste, qui a longtemps été porté par les ados, est devenu un artiste complet et, par la force du succès, un chef d’entreprise très occupé. Pour Forbes, il a accepté de se confier sur cette activité qui le passionne mais dont il cultive une approche pour le moins iconoclaste.
La proposition n’avait rien pour l’enchanter. Un portrait, non pas de l’artiste, mais du jeune patron hyper actif. Le comédien et humoriste Kev Adams dirige, en effet, une et même plusieurs entreprises dans des secteurs divers. Déjà que les artistes n’aiment pas parler d’argent… Passant outre les conseils de certains membres de son entourage qui considéraient que cet article ne lui rendrait pas service, le jeune homme a joué le jeu. Naturellement, spontanément, sans se prendre la tête. « C’est ouf, lance-t-il à peine installé dans le café où nous avions rendez-vous. On vient juste de sauver un film qui a failli passer à la trappe parce que la personne qui devait nous financer s’est rétractée au dernier moment. » « Et alors ? Vous avez trouvé un nouveau sponsor ? » « Oui, ma société, qui va investir plus d’argent que prévu. Je ne pouvais plus reculer, le processus était enclenché, la date de tournage décidée. » Cette anecdote lancée au débotté montre à elle seule quel genre d’entrepreneur tient à être Kev Adams. Un dirigeant qui prend des risques, marche à l’instinct et au coup de cœur, ne regarde jamais derrière lui, même quand il a perdu de l’argent. « Je vais produire mon neuvième film et j’ai déjà tout connu, des succès importants, des échecs cinglants que je ne regrette pas, souligne-t-il. Parce que ces films resteront, dans dix ans, dans cinquante ans. J’aime me dire que je travaille pour la postérité. » Cette formule, étonnante dans la bouche d’un « under thirty », reviendra souvent lors de notre entretien.
Quelle est votre activité principale d’entrepreneur ?
KEV ADAMS : La production de mes propres spectacles. J’ai une société, Adams Family, que je dirige avec ma mère, et qui supervise tout, les salles, les décors, les équipes, etc. Je ne laisse rien au hasard pendant toute la préparation du show. En revanche, une fois que la tournée à démarré, je délègue, car on ne peut pas se concentrer à la fois sur la technique et l’artistique. Je suis actuellement en tournée mondiale avec mon dernier spectacle, Sois dix ans, donc s’ajoutent à la logistique classique de longs déplacements parfois très fatigants. Je dois garder toute mon énergie pour la scène. Quand nous voulons de très grandes salles, je choisis un coproducteur comme Lagardère Entertainment qui a pris 15 % de certains spectacles, ou Gilbert Coullier. Ce sont d’excellents professionnels qui assurent la production exécutive.
Cela vous permet de limiter les risques financiers ?
K.A. : Il est vrai que sur mes shows les plus ambitieux, il y a 70 personnes qui travaillent. J’ai un coût plateau de 100 000 euros par soirée. Le petit spectacle acoustique qui ne coûte quasiment rien, cela ne me passionne pas. Même quand je me produis dans un théâtre de 80 places, j’essaye d’offrir au public un vrai spectacle. Adams Family produit aussi d’autres artistes…
K.A. : Oui mais c’est plus pour tendre la main à des gens de talent que pour gagner des sous. Il faut investir entre 100 et 150 000 euros pour développer un artiste et, jusqu’à présent, je n’ai jamais réussi à équilibrer le budget. Mais au moins, ça existe ! Un jour, j’espère que j’arriverais à découvrir quelqu’un qui s’imposera dans la durée.
Ça veut dire que vous n’êtes pas encore un bon producteur ?
K.A. : Pas sûr mais possible. Je suis peut-être en rodage. Aujourd’hui, j’ai envie de poursuivre cette activité que je trouve passionnante, même si elle n’est pas lucrative… mais je peux changer d’avis demain.
Il y a aussi le cinéma qui tient une place importante dans votre vie professionnelle.
K.A. : Bien sûr. Trois cas de figure : je suis simple comédien ; je produis ; ou je fais les deux. Dans le premier, mon agent me soumet des scénarios. Je lis et dans 90 % des cas, je refuse. On continue à me proposer des rôles d’ados avec la casquette à l’envers ! Quand je produis, je suis à 50/50 avec mon associée de toujours, Elisa Soussan. Nous avons une boîte de prod ensemble, MyFamily, qui compte six salariés. On en est à notre huitième film. La plupart n’ont pas très bien marché mais certains ont cartonné : ça compense. Dans ce métier, tout tourne autour du SPFG (Salaires, Production, Frais Généraux). Ce sont les 10 % que s’alloue le producteur sur le budget du film pour faire vivre sa société. Un producteur classique ne démarre pas un tournage si son SPFG n’est pas financé. Nous, on dit souvent : « On se payera en fonction du résultat. »
Le Kev Adams gestionnaire n’est pas hyper prudent…
K.A. : C’est vrai. À un moment, j’ai accumulé des pertes. J’aurais pu faire entrer des actionnaires dans la société mais je n’ai pas voulu. Finalement, on s’en est sorti. J’ai dû injecter plus d’un million d’euros. Mais aujourd’hui, on possède un actif non négligeable qui est notre catalogue. Il prend de la valeur car la multiplication des plateformes et des chaînes payantes crée le besoin de programmes.
Ça n’est pas compliqué d’être acteur et producteur sur un film ? Vous devez jouer avec des partenaires que vous gérez…
K.A. : Non. Quand je suis dans cette situation, je ne fais pas du tout sentir aux comédiens auxquels je donne la réplique que je coproduis le film. Certains ne s’en rendent même pas compte d’ailleurs. Je m’occupe en amont du montage financier, du choix du réalisateur, du casting, etc. Mais pendant le tournage, je deviens un comédien comme les autres. Et s’il y a des problèmes qui demandent mon implication, je les résous discrètement avec Elisa. Je veille à garder une ambiance sereine sur le plateau dont le vrai patron reste le réalisateur.
Vous n’êtes encore jamais passé derrière la caméra ?
K.A. : Non. Je le ferai sans doute un jour. Pour le film que l’on va commencer à tourner en mars, Maison de retraite, j’aurais sans doute franchi le pas si Thomas Gilou n’avait pas été libre.
Quel genre de manager êtes-vous ? Cool ? Autoritaire ?
K.A. : Hypercool. On peut me parler de tout sans appréhension. Ma méthode, c’est discuter, écouter, puis trancher. Car quand on dirige, il faut savoir trancher. Il y a certaines choses que je laisse à ma mère ou Elisa, comme le recrutement. Je me vois mal faire des entretiens d’embauche. Je pense que cela mettrait les gens mal à l’aise.
Vous avez un grand projet pour 2020 qui va vous amener sur un nouveau terrain de jeu : un comedy club. En quoi sera-t-il différent de celui de Jamel Debbouze ?
K.A. : Rien à voir. Le Fridge sera un bar où l’on servira des cocktails originaux concoctés par les meilleurs barmans, un restaurant de bonne qualité, « speak-easy », et une salle de théâtre de 75 places où défileront tous les soirs plusieurs artistes repérés par une programmatrice spécialisée dans l’humour. Je suivrai évidemment cette partie de près car c’est mon cœur de métier. Je n’exclus pas les synergies avec mon activité de producteur d’artistes. Il y aura trois séances par jour, des vrais plateaux à l’américaine.
Cela représente un investissement conséquent ?
K.A. : Oui, mais je suis associé avec un membre de ma famille qui est venu me présenter le projet. On a racheté un kebab de 20 m2 avec une cour derrière et une cave de 21 m2. Je vous laisse imaginer les travaux qu’il a fallu engager ! La cave étant sous les égouts, nous avons pu creuser afin de récupérer 160 m2 pour le théâtre. Ces travaux nous ont coûté plusieurs centaines de milliers d’euros, plus que les locaux eux-mêmes.
Comment marche votre burger parisien, Jak Healthy ?
K.A. : On travaille pour l’améliorer, affiner la carte. Je suis très fier d’avoir proposé aux gens un burger qui concilie plaisir et équilibre alimentaire. C’était à moi de faire cela. C’est dur mais on se battra jusqu’au bout.
Ça se passe comment, une journée type de Kev Adams ?
K.A. : J’aime les journées de dingue où j’enchaîne les rendez-vous sur des sujets très différents. Pour être tout à fait franc, je ne kiffe pas beaucoup les vacances. Cet hiver, j’ai dû faire un jour de ski en tout et pour tout. L’été, je suis content de me reposer pendant une semaine au bord d’une piscine, de lâcher un peu le téléphone et les mails. Mais très vite, j’ai besoin de bouger, d’échafauder de nouveaux projets. Par exemple, je devrais faire mes débuts au théâtre à la rentrée et ça m’excite beaucoup, d’autant que si ça se confirme, je jouerai le rôle mythique de François Pignon dans une nouvelle pièce de Francis Veber, aux côtés de Francis Huster !
Vous n’avez pas été retenu au palmarès des Globes de cristal dans la catégorie humour. Cela vous a affecté ?
K.A. : Je trouve cela très injuste de ne pas faire au moins partie des nommés. Parmi les shows d’humoristes de 2019-2020, le mien a été le plus vu. En prime, sur TF1, il y a eu 3,2 millions de téléspectateurs, 600 000 de plus en replay, et 300 000 spectateurs en live. Plus de 4 millions au total ! Et vous savez la meilleure ? Les organisateurs m’ont demandé de remettre un Globe de cristal au cours de la soirée. Je vous laisse imaginer ma réponse…
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