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L’empire d’Elon Musk n’est pas épargné par les droits de douane

Musk
Elon Musk s'exprime lors d'une réunion publique au KI Convention Center, le 30 mars 2025, à Green Bay, dans le Wisconsin. Getty Images

De Tesla à SpaceX en passant par xAI, l’immense empire commercial d’Elon Musk n’est pas épargné par les droits de douane annoncés par Donald Trump.

 

Elon Musk n’avait rien à dire la semaine dernière après que le président américain Donald Trump a plongé les marchés financiers mondiaux dans le chaos et ravivé les craintes d’une récession mondiale avec son annonce de « droits de douane réciproques ».

Depuis, Elon Musk a retrouvé sa voix et fait clairement connaître son opposition à la politique économique de Donald Trump. Samedi 5 avril, le milliardaire a déclaré qu’il aimerait que les États-Unis et l’Europe s’orientent vers un accord « zéro droit de douane ». Dimanche, il a critiqué Peter Navarro, le conseiller commercial de Donald Trump, pour avoir fait l’éloge des droits de douane. Lundi, il a partagé une vidéo de l’économiste Milton Friedman vantant les avantages du libre-échange.


Selon un article du Washington Post, il a même appelé personnellement Donald Trump au cours du week-end, sans succès. Parallèlement, le frère d’Elon Musk, Kimbal Musk, un important actionnaire de Tesla, a qualifié Donald Trump de « président américain aux impôts les plus élevés depuis des générations ».

Il n’est pas étonnant qu’Elon Musk soit mécontent. Les droits de douane sont mauvais pour les affaires, et vraiment mauvais pour les affaires de l’homme le plus riche au monde. L’action de Tesla a chuté de 17 % depuis l’annonce de la réciprocité des droits de douane par Donald Trump. SpaceX, qui est une société privée, doit faire face à une augmentation des coûts de sa chaîne d’approvisionnement et à des clients internationaux mécontents.

La start-up d’intelligence artificielle xAI, le constructeur de tunnels Boring Co et l’entreprise d’implants cérébraux Neuralink d’Elon Musk devront également faire face à une hausse des coûts et à des perturbations de la chaîne d’approvisionnement. Quant à sa société de réseaux sociaux X, elle risque de voir ses dépenses publicitaires diminuer si les craintes d’une récession se concrétisent, en plus d’une amende imminente des régulateurs de l’Union européenne (UE) pour violation d’une loi sur les contenus illicites et la désinformation, qui pourrait s’élever à plus d’un milliard de dollars.

Voici comment les trois plus grandes entreprises d’Elon Musk seraient touchées par les droits de douane de Donald Trump.

 

Tesla (valeur de la participation d’Elon Musk : 130 milliards de dollars)

Longtemps la plus grande source de revenus d’Elon Musk, Tesla a cédé cette place à SpaceX le mois dernier. La valeur de la participation d’Elon Musk a plus que diminué de moitié par rapport à son pic de 266 milliards de dollars en décembre. Les ventes mondiales de Tesla sont en recul, non seulement en raison des réactions négatives au rôle d’Elon Musk au sein du gouvernement américain, mais aussi de la concurrence croissante en Chine, le plus grand marché de Tesla, de la part de fabricants nationaux de véhicules électriques (VE) comme BYD.

Les droits de douane de Donald Trump sont sur le point de rendre la réalité de Tesla encore plus douloureuse.

Comme la plupart des grands fabricants, Tesla s’appuie sur des chaînes d’approvisionnement mondiales pour les matières premières qui entrent dans la fabrication de ses véhicules. Les données gouvernementales datant de la fin de l’année dernière montrent que Tesla importe entre 20 % et 25 % des pièces automobiles de fournisseurs étrangers (à l’exclusion du Canada) pour les voitures construites et vendues aux États-Unis.

Cela inclut les matériaux que l’entreprise utilise pour ses batteries électriques, dont 40 % proviennent de fournisseurs chinois, selon une analyse récente de Nikkei. « Il s’agit d’une débâcle aux proportions épiques pour l’ensemble de l’industrie automobile, y compris. […] un Armageddon économique », a déclaré par courriel à Forbes Dan Ives, responsable mondial de la recherche technologique pour Wedbush Securities.

Scott Kennedy, expert de la Chine au Center for Strategic & International Studies, affirme que l’escalade des tensions entre les États-Unis et la Chine et l’incapacité apparente d’Elon Musk à influencer les politiques du gouvernement américain pourraient entraver les efforts de Tesla pour recevoir l’approbation des autorités chinoises pour ses véhicules à conduite autonome, ainsi que les tentatives du constructeur automobile pour éliminer l’interdiction faite aux Tesla d’entrer dans les complexes et les installations militaires.

L’association d’Elon Musk avec le gouvernement Trump et ses politiques va également ternir l’attrait de la marque pour les acheteurs chinois, qui délaissent déjà Tesla pour des concurrents nationaux moins chers comme Xpeng et BYD, qui a éclipsé Tesla l’année dernière en tant que plus grand fabricant de VE. « Que ce soit auprès des autorités chinoises ou des consommateurs, les perspectives de Tesla en Chine se sont considérablement assombries », déclare Scott Kennedy.

Elon Musk est pleinement conscient des défis à relever. « Il est important de noter que Tesla n’est PAS épargné sur ce point », a-t-il tweeté il y a deux semaines, faisant référence aux droits de douane pour le secteur automobile, avant que Donald Trump ne dévoile son régime de droits de douane réciproques encore plus élevés. « L’impact des tarifs douaniers sur Tesla est toujours significatif ».

Malgré ces coûts, Tesla est mieux placé que beaucoup de ses rivaux américains pour faire face aux droits de douane, car ses gigafactories d’Austin et de Californie produisent tous les véhicules Tesla que l’entreprise vend aux consommateurs américains, contrairement à d’autres qui importent au moins certains véhicules du Mexique et d’ailleurs.

« Du point de vue des ventes aux États-Unis, cela ne leur fait pas autant de mal en ce qui concerne les coûts, contrairement aux constructeurs automobiles traditionnels », déclare Tu Le, directeur du cabinet de conseil Sino Auto Insights. « Ce n’est pas très bon pour Tesla, mais je pense que c’est pire pour beaucoup d’autres constructeurs automobiles qui fabriquent leurs véhicules aux États-Unis. »

Cependant, même si Tesla s’en sort mieux que ses rivaux en termes de prix, l’entreprise doit encore faire face à la détérioration du capital de sa marque, qui risque de s’accélérer si les droits de douane de Donald Trump déclenchent une récession, estime Tinglong Dai, professeur spécialiste de la chaîne d’approvisionnement à l’université Johns Hopkins. « Je pense que ses affaires seront encore pires, non seulement à cause de la hausse des coûts, mais aussi parce qu’il y a maintenant ce contrecoup qui s’aggrave. Les gens ne l’aimaient pas. Maintenant, ils vont détester [la marque] encore plus. »

 

SpaceX (valeur de la participation d’Elon Musk : 147 milliards de dollars)

Le fabricant de fusées et l’opérateur de la société d’internet par satellite Starlink est aujourd’hui la plus grande source de revenus d’Elon Musk. Sa participation dans l’entreprise, estimée à 42 %, valait 147 milliards de dollars au début de l’année, lorsque les actions de SpaceX se sont échangées à une valeur de 350 milliards de dollars sur le marché secondaire.

L’entreprise a reçu 3,6 milliards de dollars de contrats du gouvernement américain depuis 2009 et vient d’obtenir 5,3 milliards de dollars de contrats de lancement de fusées jusqu’en 2029, qui ne devraient pas être affectés par les droits de douane de Donald Trump.

Cependant, SpaceX dépend de fournisseurs étrangers pour les matières premières et les pièces qui entrent dans la composition de ses produits, ainsi que de la bonne volonté de partenaires internationaux pour son activité Starlink, qui a représenté 8,2 milliards de dollars sur les 13,1 milliards de dollars de revenus de SpaceX l’année dernière, selon les estimations de Payload Space.

« Les droits de douane posent des problèmes dans diverses facettes des activités de SpaceX, notamment les coûts de la chaîne d’approvisionnement, les contrats internationaux et les environnements réglementaires », déclare Maxime Puteaux, conseiller principal chez Novaspace, société de conseil dans le domaine spatial. « Les entreprises spatiales subissent déjà d’énormes pressions en raison de la hausse des taux d’intérêt, de l’inflation persistante et des tendances du marché post-covid. Les droits de douane ne feront qu’aggraver la situation et intensifier la pression. »

Le projet Starlink de SpaceX s’appuie fortement sur des fabricants asiatiques. L’entreprise taïwanaise Wistron NeWeb Corporation a commencé à produire des routeurs et d’autres équipements de réseau pour Starlink dans une usine au Vietnam l’année dernière, tandis que d’autres fournisseurs (y compris les fabricants taïwanais Universal Microwave Technology, Shenmao Technology et Chin-Poon Industrial) ont également commencé à déplacer certaines de leurs activités au Vietnam et en Thaïlande, selon Reuters.

Le Vietnam et la Thaïlande comptent parmi les pays les plus durement touchés par les droits de douane de Donald Trump. Plus particulièrement, les droits de douane imposés au Vietnam pourraient perturber les activités prévues par SpaceX dans ce pays : les autorités vietnamiennes ont déclaré en septembre dernier que SpaceX réalisait un investissement de 1,5 milliard de dollars dans le pays, bien que l’objectif et la progression de cet investissement ne soient pas clairs.

Il y a aussi les matières premières et les métaux rares dont dépendent SpaceX et tant d’autres entreprises manufacturières américaines.

« SpaceX a réussi à internaliser une grande partie de son développement et de sa fabrication, mais l’entreprise a encore beaucoup de fournisseurs qui sont exposés aux pays touchés par les droits de douane », explique James Gellert, président exécutif de la société d’analyse de la chaîne d’approvisionnement RapidRatings. « Certains composants ou éléments entrant dans la construction de produits de haute technologie comme SpaceX n’ont pas beaucoup de fournisseurs alternatifs, et le risque de concentration est donc exacerbé lorsque les coûts augmentent de manière exponentielle. »

L’un de ces éléments est le samarium, un métal argenté qui est un composant essentiel des aimants utilisés dans les systèmes de propulsion des fusées de SpaceX et dans ceux d’autres entreprises américaines de l’aérospatiale et de la défense, explique Tinglong Dai de l’université Johns Hopkins. Les États-Unis « importent une grande partie de leur [samarium] de Chine », selon le Bureau des mines et de la géologie du Montana.

La semaine dernière, les autorités chinoises ont annoncé que le pays exigerait des licences pour l’exportation de samarium et de six autres éléments de terres rares. Les exportateurs de minéraux devront demander des licences d’exportation auprès du ministère chinois du Commerce. « Un acheteur ne peut pas nécessairement se diversifier en s’éloignant d’un fournisseur ou d’un lieu », explique James Gellert. « Et c’est là l’un des problèmes de la conception actuelle des droits de douane : l’idée que les acheteurs, les sociétés acheteuses, peuvent simplement modifier leur chaîne d’approvisionnement pour qu’elle soit nationale est naïve. »

Outre les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement, SpaceX doit s’inquiéter de la façon dont les gouvernements étrangers considèrent Donald Trump et, par extension, Elon Musk : le service internet par satellite Starlink est disponible dans plus de 125 pays, mais ces pays ne sont pas obligés de continuer à faire des affaires avec SpaceX.

Au Canada, par exemple, le Premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a déclaré le mois dernier qu’il allait mettre fin à un contrat de 68 millions de dollars avec Starlink en réponse à la guerre commerciale de Donald Trump. « Cela souligne la vulnérabilité des accords internationaux de SpaceX dans un contexte d’escalade des tensions commerciales », déclare Maxime Puteaux de Novaspace. « Les affiliations politiques peuvent influencer les approbations réglementaires et les partenariats à l’échelle internationale. »

 

xAI (valeur de la participation d’Elon Musk : 42 milliards de dollars)

La société d’intelligence artificielle (IA) d’Elon Musk a récemment racheté son site de réseaux sociaux X dans le cadre d’une fusion de 113 milliards de dollars qui a valorisé xAI à 80 milliards de dollars. Fondée en 2023, l’entreprise xAI a levé plus de 12 milliards de dollars auprès d’investisseurs qui ont contribué à financer la création d’une énorme grappe de superordinateurs à Memphis avec plus de 100 000 GPU Nvidia.

Pour la deuxième phase de sa croissance, xAI prévoit de construire un deuxième centre de données massif à Memphis sur un site que l’entreprise a acheté le mois dernier pour 80 millions de dollars. Avec l’entrée en vigueur des droits de douane de Donald Trump, ce projet sera plus coûteux que prévu.

Selon une analyse de Jason Miller, professeur de gestion de la chaîne d’approvisionnement à l’université de l’État du Michigan, les centres de données américains dépendent de pièces (équipements électriques, ordinateurs, pièces informatiques) provenant de l’étranger, en particulier de Chine, de Taïwan et du Vietnam, qui sont tous durement touchés par les droits de douane imposés par Donald Trump. « En bref, ces droits de douane, en particulier cette spirale d’escalade avec la Chine, vont considérablement augmenter le prix de l’équipement des centres de données », explique-t-il.

Les entreprises comme xAI devront également faire face à la hausse des coûts des matières premières, telles que l’acier et l’aluminium, qui entrent dans la construction des entrepôts abritant tous les serveurs, a déclaré Matt Mittelsteadt, chercheur en politique technologique au Cato Institute. « En ce qui concerne l’IA, comme tout autre secteur, cela va être un énorme coup. »

 

Article de John Hyatt pour Forbes US, traduit par Flora Lucas


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