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L’économie ukrainienne résiste tant bien que mal deux ans après le début de la guerre

Credits : Andriy Onufriyenko, via Getty

International | Après un effondrement du PIB de 29% en 2022, la croissance a rebondi de 5% en 2023. Les soutiens des pays occidentaux sont les principales raisons de la résilience de Kiev.

 

Qui aurait pu parier d’une telle résistance de l’économie ukrainienne deux ans après le début de la guerre ? Quand la Russie envahissait son voisin, le 22 février 2022, tout laisser penser que désastre humanitaire rimerait avec marasme économique. Les premières remontées en provenance du pays allaient dans ce sens. La guerre entraînait alors un effondrement du PIB de près de 29%. Rien de surprenant avec une partie du territoire sous contrôle de l’ennemi (20%) et un recul de la population active du à l’exode de 6 millions d’Ukrainiens, couplé à un départ au front de centaines de milliers d’hommes. 

Pour autant, l’économie ukrainienne n’a pas sombré. « Ce que je retiens de ma visite en Ukraine, c’est que l’économie ukrainienne fonctionne », déclarait la directrice du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, au retour de Kiev début 2023. En 2023, le PIB a ainsi affiché une progression de 5%. Si cette hausse s’explique par un effet de base, les experts de l’institution basée à Washington tablent sur une croissance comprise entre 3 et 4% pour cette année.

« Après les destructions initiales de 2022, l’économie ukrainienne s’est réorganisée, explique Tim Bulman, économiste sénior et chef du bureau Ukraine à l’OCDE auprès de La Tribune. Avec près de 80% du territoire qui ne subit pas les combats continuellement, la capitale Kiev et ses alentours font office de locomotive. « Les gens travaillent, continuent d’avoir des activités autant que possible, souligne Sandrine Levasseur auprès de Forbes France, économiste spécialiste des questions européennes à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). En conséquence, la demande intérieure est plutôt dynamique. »

 

L’activité des entreprises persiste

Les entreprises ne sont pas en reste. Le secteur technologique résiste grâce à des start-up spécialisées dans la cybersécurité, l’armement, la construction de drones, des domaines indispensables en temps de guerre. Activité phare de l’économie ukrainienne, le commerce agricole s’est réorienté vers l’Union européenne au détriment de l’Asie, avec néanmoins une force de frappe amoindrie. En effet, les ports situés en mer noire sont bloqués depuis le début du conflit, malgré une pause d’un an après un accord signé avec Moscou. Ce à quoi l’Ukraine a répondu par la mise en place d’un corridor protégé par son armée qui a permis de faire transiter 10 millions de tonnes de produits agricoles vers la Méditerranée. Pour accompagner cet effort, l’Union européenne a suspendu les droits de douane sur les importations du pays dans les 27 depuis mai 2022. 

Les entreprises implantées près de zones de front ont été délocalisées vers le centre et l’ouest du pays. Selon un rapport de l’université de Kiev, près de 28% des sociétés ayant déplacé leurs sites de production ont déjà retrouvé leur niveau d’activité d’avant-guerre, et 43% devraient y parvenir dans l’année qui vient. En conséquence, « le chômage a reflué passant de 25% en 2022 à 16 % en 2023 », indique Sandrine Levasseur.

L’inflation a, quant à elle, diminué de 15% entre 2022 et 2023 et oscille désormais autour de 10%. « 2023 a été une année de bonnes récoltes agricoles.  Les difficultés d’exportations ont entraîné un surplus qui tire les prix vers le bas, expose l’économiste de l’OFCE. Après une dépréciation, la monnaie s’est stabilisée en 2023, ce qui diminue la part de l’inflation importée. »

 

Incertitudes

Reste que le principal facteur de cette promptitude économique est le soutien des alliés occidentaux. Les plus de 68,5 milliards de dollars d’aides budgétaires (prêts, dons), dont 70% proviennent des Etats-Unis et de l’UE, ont été un pilier pour assurer le bon fonctionnement de l’Etat ukrainien. Et ce, d’autant plus que le déficit du pays a atteint 30% du PIB en 2023, soit 50 milliards selon le FMI. L’Union européenne et le G7 se rapprochent d’un accord pour la création d’un fonds en saisissant les intérêts générés par quelques 397 milliards de dollars d’actifs russes gelés.

De fortes incertitudes persistent néanmoins. Le coût du soutien à Kiev se révèle de plus en plus lourd pour les finances des pays alliés. Et personne ne sait combien de temps durera le conflit. Les élections américaines en novembre pourraient redistribuer les cartes alors que le parti républicain bloque l’envoie d’une nouvelle aide financière de 60 milliards de dollars au Congrès. En cas d’élection de Donald Trump, le soutien indéfectible des USA pourrait être encore plus mis à mal.  « En dernier recours, le FMI mettra la main à la poche mais l’Ukraine n’espère pas aller jusque-là car il faudra rembourser intégralement cette somme », observe Sandrine Levasseur. 

S’ajoutera à terme le coût de la reconstruction du pays. « Les besoins en matière de réhabilitation et de reconstruction sont estimés à 486 milliards de dollars, soit environ 2,8% du PIB de 2023  », note la Banque mondiale dans son troisième rapport d’évaluation. Les géants de la finance ne semblent pas insensibles face aux opportunités que présente la restauration de l’Ukraine. Dans le cadre de celle-ci, le président Ukrainien Volodymyr Zelensky a signé un mémorandum avec BlackRock, en novembre dernier, qui permet à une unité de consultants destinée à travailler dans les pays en crise de conseiller son ministre de l’Économie sur une feuille de route . 

D’aucuns y voient une opportunité d’imposer un climat favorable aux investisseurs avec des potentielles dérégulations et privatisations. En effet, selon un article de Investigate Europe, le plus gros gestionnaire d’actifs au monde n’en est pas à son coup d’essai. Le site d’investigation rapporte que « le pouvoir d’influence sur les États souverains acquis par BlackRock en quelques années pose question », pointant une « puissance horizontale » colossale en raison d’investissement dans des secteurs clés.  Le gouvernement ukrainien ne semble donc pas y échapper. 

 


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