Le superyacht du président russe Vladimir Poutine a été repéré au large des côtes estoniennes, escorté par un navire des garde-côtes russes.
Le deuxième plus grand superyacht de Vladimir Poutine est en mouvement. Plus de sept mois après avoir quitté précipitamment l’Allemagne pour l’exclave russe de Kaliningrad, le Graceful, un yacht de 81 mètres de long à 119 millions de dollars appartenant au président russe, a été repéré au large des côtes estoniennes, avec un nouveau nom.
Les photos auxquelles Forbes a eu accès, prises le 25 septembre par Carl Groll, un photographe collaborant à TheYachtPhoto.com, révèlent que le Graceful a un nouveau nom : Kosatka, qui signifie « orque » en russe. Informées par Peter Seyfferth, directeur général de TheYachtPhoto.com et observateur de longue date des yachts, les équipes de Forbesont comparé les photos du Graceful disponibles sur les sites internet de l’industrie des yachts avec la photo du Kosatka. Cette analyse semble confirmer la correspondance.
Le yacht se dirigeait vers le nord de la mer Baltique, à l’ouest de l’île estonienne de Saaremaa. Les photos le montrent escorté par un navire armé des garde-côtes russes, probablement en route vers Saint-Pétersbourg. L’on ignora quand le Graceful a changé de nom ou quand il a quitté Kaliningrad, un territoire russe entre la Lituanie et la Pologne : le transpondeur du yacht est éteint depuis au moins le 30 août, selon le service de suivi des navires MarineTraffic, alors qu’il se trouvait encore à Kaliningrad.
Alors qu’il s’appelait encore le Graceful, le Kosatka a quitté le port allemand de Hambourg le 7 février, soit 17 jours avant que les troupes russes envahissent l’Ukraine. Il est parti pour la Russie après une remise en état de cinq mois dans les chantiers navals de Blohm+Voss, la société qui a construit le yacht en 2014. Le Kosatka est visé par des sanctions du département du Trésor américain, à l’instar de trois autres yachts liés à Vladimir Poutine.
Enregistré en Russie, le Kosatka dispose d’une piscine intérieure qui se transforme en théâtre ou en piste de danse, d’un héliport et de suites pouvant accueillir jusqu’à 12 invités. Le yacht dispose également d’armoires de rangement de serviettes de piscine qui se transforment en bars à vodka ainsi que d’une suite réservée au propriétaire avec une cave à vins qui peut stocker jusqu’à 400 bouteilles. Selon le groupe Lürssen, qui possède la société Blohm+Voss, le yacht a été livré à son propriétaire en 2014.
D’après une enquête de BBC News publiée en mars, le yacht appartient actuellement à la société JSC Argument, basée à Moscou, que le département du Trésor américain a sanctionné ainsi que son principal actionnaire, Andreï Gasilov. L’enquête de la BBC a révélé que JSC Argument avait, par le passé, consenti un prêt à l’une des sociétés de gestion impliquées dans la construction du « Palais de Poutine », une immense propriété de plus de 17 600 m2 près de la station balnéaire de Gelendjik, au bord de la mer Noire.
Selon les informations de VesselsValue et les rapports de l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP, regroupement de journalistes d’enquête et de centres d’enquête fondé en 2006, NDLR), le Graceful appartenait auparavant à la société Olneil Assets, basée dans les îles Vierges britanniques. Le 2 juin, le département du Trésor américain a sanctionné une société basée aux îles Caïmans portant un nom similaire, Olneil Assets Corporation, pour avoir « matériellement aidé, parrainé ou fourni un soutien financier, matériel ou technologique à Vladimir Poutine, ou livré des biens et services à celui-ci ou en sa faveur. »
Outre le Kosatka, cinq autres yachts sont liés à Vladimir Poutine :
- le Scheherazade, un yacht de 140 mètres de long et d’une valeur de 507 millions de dollars, qui appartient techniquement au milliardaire du pétrole et du gaz Eduard Yurevich Khudaynatov, mais qui serait détenu au nom de Vladimir Poutine ;
- l’Olympia, un yacht de 57 mètres de long et d’une valeur de 22 millions de dollars ;
- le Chayka, un yacht de 54 mètres de long et d’une valeur de 18 millions de dollars, dont le nom signifie « mouette » en russe ;
- le Shellest, un yacht de 46 mètres de long et d’une valeur de 17 millions de dollars ;
- et le Nega, un yacht de 32 mètres de long.
L’Olympia et le Kosatka sont visés par des sanctions du département du Trésor américain en tant que « biens bloqués dans lesquels le président Vladimir Poutine possède des intérêts », tandis que le Shellest et le Nega sont ciblés comme « deux yachts supplémentaires liés à Vladimir Poutine. » Au total, la flotte de yachts du président russe vaut au moins 680 millions de dollars, selon VesselsValue.
À l’exception du Scheherazade, qui a été gelé par les autorités italiennes dans le port de Marina di Carrara le 6 mai dernier et récemment réenregistré en Malaisie, et de l’Olympia, qui est enregistré dans les îles Caïmans, les autres yachts sont tous enregistrés en Russie. En outre, tous les autres yachts, à part le Scheherazade, semblent se trouver en Russie actuellement. L’Olympia a été repéré pour la dernière fois dans le lac Ladoga, près de Saint-Pétersbourg, le 31 juillet 2021. Le Chayka a été repéré pour la dernière fois dans le port de Sotchi, en mer Noire, le 29 mars 2021. Le Shellest a été repéré pour la dernière fois au large des côtes de Gelendjik, le 13 septembre 2022. Enfin, le Nega a été repéré pour la dernière fois dans le lac Ladoga le 14 août 2022.
Les liens entre les six yachts et le chef du Kremlin sont complexes. Selon le département américain de la Justice, Eduard Yurevich Khudaynatov, ancien PDG de la compagnie pétrolière publique russe Rosneft et associé de longue date d’Igor Setchine, actuel patron de Rosneft et bras droit de Vladimir Poutine, a agi en tant qu’« homme de paille non sanctionné » dans le cas du Scheherazade, dont il était propriétaire par l’intermédiaire de Bielor Assets Ltd, une société basée aux Îles Marshall.
L’Olympia appartient à Ironstone Marine Investments, une société basée aux îles Caïmans, qui a été sanctionnée par le département du Trésor américain. Selon ce dernier, le Shellest et le Nega appartiennent à la société à but non lucratif Revival of Maritime Traditions, basée en Russie, et à sa filiale LLC Gelios. Ces deux entités ont été sanctionnées le 2 juin dernier. Les liens entre Vladimir Poutine et le Chayka sont plus évidents : le yacht appartient directement au gouvernement russe, selon VesselsValue.
Une enquête de l’OCCRP publié en juin dernier a mis en lumière les liens troubles entre Vladimir Poutine et ses yachts. Les sociétés propriétaires du Shellest et du Nega sont liées à LLCInvest, un réseau de sociétés et d’organisations à but non lucratif interconnectées qui détient un total de 4,5 milliards de dollars d’actifs, dont le « Palais de Poutine ». Le groupe est également lié à un autre yacht, l’Aldoga (37 mètres de long, 9 millions de dollars), appartenant à une société détenue par Svetlana Krivonogikh, qui serait la mère de l’une des filles de Vladimir Poutine.
L’enquête a également révélé comment Vladimir Poutine semble utiliser ces yachts. Le Shellest fait de fréquents voyages entre Gelendjik (le site du « Palais de Poutine ») et Sotchi, tandis que le Nega se déplace entre plusieurs résidences appartenant à des sociétés de LLCInvest, notamment une villa connue sous le nom de Fisherman’s Hut sur le lac Ladoga et la Villa Sellgren, un manoir situé sur les rives du golfe de Finlande. L’OCCRP a contacté plus de 100 adresses électroniques de LLCInvest et a passé des appels téléphoniques à cinq représentants de sociétés LLCInvest pour obtenir des commentaires, mais aucun des courriels n’a reçu de réponse et quatre des personnes appelées n’ont pas répondu. La cinquième personne contactée a affirmé ne pas connaître l’identité du propriétaire des sociétés.
Article traduit de Forbes US – Auteur : Giacomo Tognini
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