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Le rôle du manager dans la symétrie des attentions : incarner le « care »

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L'e-mail que vous enverrez après votre entretien pourrait être plus utile que vous ne le pensez. | Source : Getty Images

Depuis le début de l’année, j’ai été sollicité par un grand service public marchand, un industriel, un hôpital public, un banque-assureur ainsi que par l’association des franchisés Accor sur le sujet du prendre soin des équipes. On me demande quel est, très concrètement, le rôle du manager dans la symétrie des attentions (marque déposée, propriété de Académie du Service). Voici à grands traits quels sont, pour moi, les quatre points clés qui favorisent un ancrage durable d’une attention aux équipes – miroir d’une nécessaire attention aux clients.

 

En premier lieu, il est essentiel de poser un principe fondateur, celui de la réciprocité : si moi, en tant que manager, je dois veiller à prendre soin de toi, collaborateur, j’ai besoin que tu prennes soin de moi également. Cela revient à sortir d’une vision quelque peu « sacrificielle » du manager au service de son équipe. JE m’engage, certes, en tant que manager, mais TU t’engages de ton côté en tant que collaborateur.

Prendre soin de son équipe, c’est ensuite répondre à quatre besoins cardinaux, qui sont ceux de la personne selon l’éthique du care. Le premier concerne la création d’un climat de confiance. Il s’agit de montrer concrètement à mon équipe que je lui fais confiance, et qu’elle peut me faire confiance en retour. Ce qui aide, notamment, à l’instauration ou au maintien d’un tel climat, c’est la logique de « protection », quand un collaborateur commet une maladresse, une erreur. Ce qui aide, aussi, c’est la transparence – quand la communication interne se pare le plus souvent de voiles opaques.

 

Le second besoin, et j’enfonce là encore une porte ouverte, c’est l’écoute. Elle demeure la première marque de considération pour les équipes – une écoute sincère, une réelle disponibilité, qui n’est pas une affaire de temps mais de qualité de présence à l’autre. Elle passe autant par des rituels (chaque année, par exemple, l’entretien annuel) que par des métriques (qui sont d’autres formes de rituels), en veillant (principe de réciprocité oblige) à entendre autant les clients que les équipes – et à mettre en comparaison les perceptions de chacun sur l’expérience vécue ensemble par exemple. De nombreux cabinets de conseil et d’étude proposent aujourd’hui ces formes de métriques.

 

Le troisième relève du « pouvoir d’agir » dont disposent nos équipes : pouvoir oser, prendre des initiatives, ne pas toujours demander l’autorisation. Promouvoir l’innovation, c’est déjà pratiquer le droit à l’erreur pour soi… Oser, en tant que manager, franchir à bon escient la ligne blanche, ne pas attendre une approbation, c’est montrer concrètement à son équipe que cela est possible et parfois souhaitable – voire indispensable pour prendre en charge un client mécontent !

 

Le quatrième besoin nous renvoie à cette autre antienne du management, la reconnaissance. Comme l’exprimait récemment Gaëtan MAILLET (DECATHLON), le « tout sachant du manager, je n’y crois plus : le vrai sujet, c’est de valoriser les talents de l’équipe ». Reconnaître, valoriser, mettre en lumière, non pas mon exemplarité en tant que manager mais bien plutôt celle d’une personne de l’équipe dans telle situation, face à tel client par exemple. De la reconnaissance « du quotidien » (dire « bravo », « merci ») à un travail sur soi, sur son propre besoin de reconnaissance en tant que manager – avant de rechercher ce dont chaque personne de mon équipe a besoin. Trop rarement évoqué, ce travail sur soi est à mon sens essentiel pour appréhender ses propres besoins, ce qui est aidant pour se projeter (sans calquer ses besoins propres !) sur ceux des autres. La théorie de la reconnaissance développée par le sociologue et philosophe allemand Axel HONNETH est puissamment éclairante à ce niveau.

 

On le voit, cette grille fonctionne en réciprocité : comprendre et assumer de quoi, moi manager, j’ai besoin (que mon équipe me fasse confiance, qu’elle me reconnaissance, m’écoute…), est tout aussi important que d’y veiller, en tant que manager, vis-à-vis de son équipe. Il est donc fondamental d’oser dire cela clairement à son équipe, de travailler sa propre posture face à ses besoins et de les exprimer : « J’ai besoin de sentir que tu me fais confiance, que tu m’écoutes, etc. »

 

Troisième pilier de la mise en pratique de la symétrie des attentions : s’efforcer d’être attentionné dans notre quotidien. C’est, par exemple, veiller à traiter les petits « irritants » du quotidien, ceux qui sont gérables à mon niveau, et qui sont, souvent, des actes symboliques pour l’équipe, comme le café par exemple. Combien de fois ai-je entendu « au siège, eux, ils ont du café gratuit ! Et il est bon en plus !! » Cette antienne vous semble anecdotique ? Elle ne l’est pas, dans un monde de défiance où la culture de la preuve prédomine, où la parole a peu d’échos si elle n’est pas rapidement suivie d’actes concrets, aussi ténus soient-ils.

 

Être dans cette symétrie, c’est veiller aussi à l’équilibre de vie de nos équipes : ne pas envoyer de courriels avant 9h ou après 18h ; éviter, sauf exception légitime (une urgence), les réunions à 8H ou après 17H… Basique ? Certes, mais avec un peu d’honnêteté vous vous rendrez rapidement compte que nous sommes loin d’être toujours au rendez-vous de l’équilibre vie professionnelle – vie personnelle, qui commence par le respect de cet agenda.

 

Prendre soin, c’est être attentif également aux moments clés de la vie de la personne et du professionnel : célébrer le passage en CDI après la période d’essai, accueillir un nouveau collaborateur en se montrant disponible, célébrer les événements professionnels autant que personnels, sont autant de moments de vérité pour nos équipes. Bien plus, savoir les accompagner dans les « coups durs » (professionnels et personnels), être là dans les crises (à la SNCF, porter le gilet rouge et aller donner un coup de main aux équipes : on les aide et on ne perd pas, ce faisant, « le fil du client »), comme le dit si justement Christel Araujo-Pujol, directrice de la stratégie et de la performance de SNCF Réseaux.

Enfin, parce que tout cela a démarré par un enjeu client (être plus attentionné vis-à-vis d’eux), prendre soin c’est être exemplaire dans la relation, y prendre (sincèrement) plaisir, incarner les postures de la marque, en donner le sens au quotidien dans son rapport aux clients comme aux équipes. Sacrée exigence…

 

Le quatrième pilier, c’est celui des preuves tangibles. En effet, incarner la symétrie des attentions ou le « care », c’est donner des gages au niveau de l’environnement de travail – c’est de fait l’un des piliers de la démarche de la Poste (branche Grand Public & Digital, BGPD) sur ce sujet. Créer un espace de repli pour l’équipe (à l’hôpital, pour souffler ou pour se consacrer à des tâches de back-office), améliorer les « coulisses » (d’un magasin Leroy Merlin), ou encore co construire les espaces. Ce sont des choses simples, qui ne sont pas forcément onéreuses, qui peuvent être faites en équipe, pour créer un environnement de travail avec les équipes, ce sont là quelques exemples. L’importance de ce facteur, dans le contexte de la pérennisation du travail hybride, a de fait été amplement soulignée dans la dernière édition du baromètre de l’expérience collaborateur Parlons RH.

 

En résumé, incarner la symétrie des attentions ou la logique du « care », c’est :

  • Mettre en pratique le principe de réciprocité ;
  • S’efforcer de répondre aux quatre besoins cardinaux de la personne, collaborateur comme manager ;
  • Se montrer attentionné dans son quotidien, et attendre de son équipe qu’elle le soit elle aussi vis-à-vis de nous ;
  • Donner des preuves tangibles, notamment dans l’aménagement des espaces de travail et de vie.

 

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