Dans le collimateur de ses voisins du Golfe avec qui les relations diplomatiques ont été rompues ce week-end, le Qatar pourrait également être privé de ses avantages fiscaux en France. C’est, en tout cas, le souhait du garde des Sceaux, François Bayrou.
Le torchon brûle entre le Qatar et ses omnipotents voisins. Accusé, pêle-mêle, par l’Arabie Saoudite, Bahreïn, l’Egypte ou encore les Emirats Arabes Unis (EAU) de soutenir des groupes intégristes islamistes et de complaisance envers l’Iran, Doha s’est déclaré prêt à une médiation pour tenter de déminer cette crise sans précédent. Une rupture « brutale » qui a surpris jusqu’à Washington. En effet, selon les responsables américains interrogés par Reuters, les Etats-Unis semblent eux-mêmes avoir été pris de court par l’initiative des pays du Golfe qui se sont probablement sentis encouragés par la récente visite de Donald Trump en Arabie Saoudite. Mais les Etats-Unis disposent, avec le Qatar, d’un allié de poids dans la région – où se situe leur plus grande base aérienne au Proche-Orient, Al Oudeid, d’où partent de nombreux appareils bombardant le groupe Etat islamique en Irak et en Syrie – et mènent des discussions en coulisses pour tenter de « réhabiliter » l’émirat auprès de ses voisins.
Autre puissance désireuse de jouer les « casques bleus », dans la région, le Koweït. Ainsi, l’émir Cheikh Sabah Al-Ahmad Al-Djaber al-Sabah, a d’ailleurs prévu de se rendre, dès ce mardi, en Arabie Saoudite pour s’entretenir avec le roi Salman d’Arabie pour tenter de poser les jalons d’une reprise d’un dialogue et apaiser les tensions. De son côté, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est entretenu par téléphone avec les dirigeants du Qatar, de la Russie, du Koweït et de l’Arabie Saoudite pour tenter également de faire retomber la pression. Mais le « dossier qatari » s’est également invité dans le débat en France où l’émirat possède – via son fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA) plusieurs fleurons, et non des moindres, comme le club de football du Paris-Saint-Germain, les magasins Printemps, la chaîne sportive BeIn Sports, ou encore le prestigieux hôtel Peninsula. Sans compter pléthore de prises de participation dans des grands groupes du CAC 40 comme LVMH, Total, Vinci ou encore Vivendi.
Rompre avec les « années Sarkozy »
Invité à réagir à la crise diplomatique qui secoue le pays, François Bayrou, nouveau ministre de la Justice, s’est également prononcé en faveur de l’arrêt des avantages fiscaux dont bénéficie Doha depuis 2008 via une convention fiscale qui stipule que le Qatar et ses entités publiques sont exonérées d’impôt sur leurs plus-values immobilières effectuées en France. « Sous la responsabilité de Nicolas Sarkozy, la République Française avait donné au Qatar un avantage fiscal incroyable », a affirmé le ministre de la Justice, ce mardi matin au micro de BFMTV. Avant de promettre de mettre un terme à ces pratiques. « Est-ce que cette situation peut durer ? Je ne le crois pas. Je pense qu’il est très important qu’on ait en France une équité fiscale ».
Une position de principe en parfaite adéquation avec les propos tenus, le 10 avril dernier, par celui qui n’était que candidat à la magistrature suprême, Emmanuel Macron, qui avait martelé sa volonté de mettre fin à ce « régime spécial » en faveur de Doha. « Je mettrai fin, moi, aux accords qui favorisent en France le Qatar. Je pense qu’il y a eu beaucoup de complaisance, durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy en particulier », soulignait celui qui briguait alors l’Elysée. Avant lui, d’autres personnalités politiques plaidaient pour une remise à plat de ladite convention fiscale ; ce fut notamment le cas de Nathalie Goulet, sénatrice UDI et présidente du groupe d’amitié France-pays du Golfe, pourfendeuse de longue date de cette convention. « Depuis 2009 », nous précise-t-elle, soit moins d’un an après sa mise en place.
La France, « paradis fiscal » du Qatar ?
« Il faut remettre sur la table cette convention fiscale entre la France et le Qatar, parce que les circonstances ont changé. Cela fait longtemps que je le dis, cette convention fiscale avec le Qatar fait de la France un paradis fiscal », a notamment souligné l’élue… également mise en cause dans le livre « Nos très chers émirs » (Editions Michel Lafon) des journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot, pour avoir réclamé des cadeaux de Noël à l’ambassadeur du Qatar en France. Une assertion vigoureusement démentie par la principale intéressée qui a immédiatement attaqué – avant même la sortie officielle de l’ouvrage en octobre 2016- en diffamation l’un des auteurs du livre, en l’occurrence Georges Malbrunot. « Je n’ai d’ailleurs pas mis les pieds au Qatar depuis 9 ans » souligne, par ailleurs, la sénatrice de l’Orne. D’autres politiques comme Rachida Dati, Dominique de Villepin, Jack Lang ou encore le député PS du Nord Nicolas Bays sont également dénoncés, dans cet ouvrage, pour leur collusion avec le pouvoir de Doha.
Mis en cause par François Bayrou et donc Emmanuel Macron en préambule, l’ancien président de la République n’a jamais caché son amitié avec les plus hauts dignitaires de l’émirat. Présent à tous les matchs à domicile du PSG – son club de cœur passé depuis 2011 sous pavillon qatari – aux côtés du président du club, Nasser El-Khelaïfi, l’ancien chef de l’Etat a également fait une entrée remarquée au conseil d’administration de l’hôtelier AccorHotels, en février dernier, où il est en charge de la « stratégie internationale ». Un autre fleuron de l’économie française… dont le Qatar détient aujourd’hui 10,4% du capital.
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