La meilleure série de l’année est terminée. Et, comme souvent, pendant quelques jours, inspiré et enthousiaste, je rêve de produire ma propre œuvre cinématographique. Il va y avoir du sang, des chars et du rap. Il va y avoir du Monica Bellucci et du Manuel Valls. Le dernier détail : je filmerai tout avec un iPhone 7. Mais une pensée vient troubler cette euphorie grandissante : derrière le programme que je viens d’engloutir sur mon écran se cache en réalité le travail d’un millier de personnes. Alors comment faire ?
Tous ceux qui apparaissent dans le générique sont dirigés par une personne dont on oublie souvent le nom : c’est le showrunner. A la fois scénariste, casteur, répétiteur, parfois réalisateur et surtout producteur, le showrunner est le couteau suisse des TV show qui font la gloire de l’industrie cinématographique américaine de nos belles années. Qui ne connaît pas Aaron Sorkin ? Créateur de l’excellent “The west wing”, passé un temps dans l’équipe du candidat Obama ? Qui ne tente pas de percevoir des fumées blanches entre les lignes des propos d’interview de D Benioff et DB Weiss, les papes de Game Of Thrones ? Qui ne connaît pas Shonda Rhimes – dont les Scandal et Grey’s anatomy ont fait figure de cornes d’abondance pour ABC studio – passée cet été chez Netflix ?
Les cinéastes ont compris avant tout le monde – que pour réaliser un bon produit, il faut avoir une vision sur toute la chaîne de production. Il s’agit de coordonner l’ensemble des éléments nécessaires à la réussite : de la vision stratégique à réalisation technique en passant par le marketing. Dans nos métiers, ceux de la création de produits et de services numériques, l’équivalent du showrunner, c’est le Product manager. C’est un métier, central et encore peu diffusé dans les entreprises traditionnelles. Et pourtant, c’est peut-être là où se cache la solution pour transformer le travail et anticiper les conséquences de l’automatisation. Imaginez le scénario : d’ici 2020 les entreprises françaises passent au product management. Bande-annonce.
Effets spéciaux
Très répandu aux Etats-Unis, grâce aux GAFAs et autres licornes, le product management reste peu connu en France et en Europe en général. Bien sûr, il faut reconnaître que sur la culture et l’organisation, les grandes entreprises françaises sont aujourd’hui sensibilisées pour lancer leurs projets de transformation : atelier de Design Thinking, Sprint de prototypage, équipes d’intrapreneurs… Cependant, elles sont encore à la peine pour concevoir et piloter de vrais produits numériques pour deux raisons : d’un côté, elles considèrent les produits numériques comme des accessoires de leur core-business, de l’autre côté, elles manquent d’entraînement et de méthodes dans un contexte de plus en plus complexe et technique.
Dans une économie où la transformation numérique avance à grands pas, les illusions et les trucages ne surprennent plus les spectateurs. La seule possibilité d’attirer leur attention est de changer le cadre habituel, de casser les codes. Il devient indispensable de travailler de manière plus intelligente et efficace. C’est pourquoi aujourd’hui, demain et après-demain il est important d’agir : former les collaborateurs aux méthodes de travail de nouveau type et transformer des talents internes en véritables experts produit de leur entreprise.
Et nouveau rôle
Le Product Manager est le chef d’orchestre du produit qui assure son développement auprès des équipes de développeurs, de designers, et autres experts métiers. On dit souvent que le Product Manager est le CEO du produit mais c’est surtout un véritable couteau suisse avec un positionnement bien particulier :
- un Maker, capable de transformer une vision en un produit de qualité
- un expert du digital qui possède des connaissances techniques (UX Design et Data restent un prérequis indispensable !)
- un chef d’équipe sans autorité hiérarchique qui sert de relais entre les différents contributeurs (dev, design, marketing, finance, etc.)
Au-delà du développement du produit, le Product manager crée l’expérience utilisateur. Et comme un vrai showrunner, il cherche à susciter des émotions : la curiosité, l’engagement, la satisfaction. C’est le cas notamment de Blablacar : un des grands axes de développement de son produit phare est centré autour de la confiance. Les équipes transverses sont en charge de créer des liens entre les membres de la communauté à travers des photos, des étoiles d’évaluation ou des réseaux sociaux connectés à l’application. On retrouve le même esprit chez tous les acteurs qui parviennent à développer des produits à succès : la rapidité de l’application mobile Lydia, la simplicité de l’application Voyages-SNCF, la proximité du chatbot Jam, etc.
Résultat : le business est plus performant, mais aussi plus humain car nécessite l’implication de tous les acteurs. La réussite d’un produit n’est plus la responsabilité d’une seule personne, tout le monde peut y contribuer grâce à la visualisation des étapes clés et des rôles de chacun. Ce n’est donc pas un hasard si le monde des start-up à l’air aujourd’hui si séduisant : dans le Hollywood des produits numériques, on propose une nouvelle manière de travailler, en plaçant les collaborateurs au cœur des projets.
Par Antonin Torikian, CEO FABERNOVEL INSTITUTE
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