Ce lundi 22 mars 2021, s’est ouvert, devant le Tribunal correctionnel de Versailles, un procès à l’encontre de la société Ikéa France qui est soupçonnée d’avoir espionné plusieurs salariés et clients pendant plusieurs années. Quinze prévenus, anciens salariés de la société mais également policiers, comparaissent dans cette affaire.
Les faits remontent aux années 2010 où des cadres dirigeants de la société ont fait appel aux services d’enquêteurs privés dans le but d’espionner, de manière « quasi industrielle », plusieurs salariés, candidats à l’embauche, syndicalistes et clients contestataires. La pratique, qualifiée de courante par l’un des prévenus, était savamment orchestrée par le département gestion du risque de la société et s’étendait parfois même aux proches des salariés.
La surveillance a débuté en 2009 ; les prévenus l’ont justifié en invoquant l’insécurité à laquelle étaient confrontés certains magasins de la chaine. Selon leurs dires, il était avant tout question d’éviter les risques liés à la drogue ou plus généralement à la mise en place d’un trafic. Pour ce faire, Jean-François PARIS, ex-directeur des risques de la filiale française, recevait des listes de personnes à tester des différents directeurs des magasins. La demande pouvait être ponctuelle et portée sur un individu en particulière ou concernait une enquête plus importante sur l’ensemble des salariés d’un magasin déterminé. Les noms étaient, ensuite, transmis à des enquêteurs privés, dont l’ex-policier Jean-Pierre FOURES, également prévenu dans cette affaire. Ces derniers n’hésitaient pas à consulter les fiches STIC, en principe exclusivement réservées aux forces de l’ordre. Un extrait de casier judiciaire était alors transmis à l’auteur de la demande ainsi que d’autres informations confidentielles portant notamment sur les comptes bancaires, l’obtention d’un permis de conduire ou encore la propriété d’une voiture personnelle. Par ailleurs, la direction avait, également, embauché des personnes sous couvert afin de surveiller les mouvements syndicalistes dans l’entreprise.
L’actuelle directrice générale de la filiale française de l’entreprise suédoise insiste sur le fait que ces agissements sont « tout à fait en contradiction avec les valeurs d’Ikéa et les exigences éthiques en vigueur ». Elle rappelle, également, qu’à la suite à la plainte déposée le 29 février 2012 contre la société pour avoir mis en place ce système d’espionnage, la société a immédiatement réagi. Les personnes mises en cause ont été licenciées, les cadres dirigeants ont été formés à la législation relative à la protection des données personnelles, un comité d’éthique composé de personnes tierces à la société a été constitué et les procédures d’embauche ont été revues. L’entreprise souhaite désormais se tourner vers le futur et, en ce sens, attend la fin du procès avec grande impatience.
Le cas de la société Ikéa est loin d’être isolé. A titre d’exemple, le géant de la distribution allemand Lidl, avait été condamné à une lourde de peine d’amende pour des faits d’espionnage des salariés. La société avait procédé à l’installation de caméras miniatures dans les locaux de l’entreprise et avait eu recours aux services de détectives privés afin de collecter des informations sur la santé des salariés. Ces pratiques d’espionnage ont tendance à se généraliser ces dernières années : en 2019, un peu plus de 10% des plaintes reçues par la commission nationale de l’informatique et des libertés portaient sur des questions de surveillance interne aux sociétés. La CNIL rappelle que, conformément au règlement général de protection des données personnelles, il est nécessaire d’informer le salarié de la mise en place d’une surveillance et, par conséquent, tout système installé à son insu est contraire à la réglementation en vigueur.
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