Si la crise sanitaire a profondément chamboulé les habitudes professionnelles, force est de constater qu’elle a également joué un rôle important sur notre conception du monde du travail. En effet, les salariés d’aujourd’hui n’ont plus le même rapport avec leur entreprise, privilégiant leur vie privée. Afin de fidéliser leurs talents, les employeurs misent sur le bien-être et certains font alors appel à un Chief Happiness Officer. Pourtant, si le poste présente un certain modernisme sur le papier, il semble d’ores et déjà devenu obsolète au regard des difficultés auxquelles le milieu professionnel est confronté. Il faut sortir des sentiers battus et instaurer de nouvelles formes d’organisation pour répondre aux attentes des nouvelles générations.
Réinventer la culture d’entreprise pour raviver la notion d’appartenance
Né aux États-Unis au début des années 2000, le Chief Happiness Officer fait sa première apparition au sein de Google. Le CHO a donc pour mission d’améliorer les conditions de travail au sein de l’entreprise et de créer du lien social. Innovant pour les uns, tendance passagère pour les autres, il apparaît soit difficile pour une seule et même personne de tout porter à bout de bras, surtout si les fondamentaux n’y sont pas ! En effet, le “bon vivre” au bureau se construit avant tout autour d’une culture d’entreprise en adéquation avec les valeurs prônées.
Le CHO serait-il finalement devenu has been ? Les nouvelles générations paraissent en tout cas le penser. Fortement touchées par la crise sanitaire, elles attendent plutôt d’une entreprise qu’elle ait une véritable démarche RSE et propose un management participatif, et non pléthore d’actions superficielles laissant penser qu’elle se défausse de ses engagements. L’heure n’est plus au divertissement, certes plaisant mais insuffisant. Il est temps de mettre en place un modèle qui fera consensus, acceptant une certaine porosité entre la vie pro et la vie perso. Plus concrètement, avec le télétravail qui est entré dans les mœurs, il s’agira de créer un management de proximité très réactif, privilégiant des animations régulières (mini-séminaires, déjeuners chez les employés…). Réenchanter ses collaborateurs passe à juste titre par une écoute attentive de leurs besoins et un soutien constant. L’entreprise réussira ainsi à infuser un état d’esprit positif qui viendra renforcer sa marque employeur.
Adopter de nouvelles postures
Repenser son modèle économique est devenu une nécessité pour les entreprises : elles doivent s’adapter à la société civile et s’affranchir du modèle pyramidal jusqu’alors privilégié pour basculer sur un management transversal. Toutefois, cette démarche sera vaine si l’employé n’adopte pas lui aussi une nouvelle posture. Il ne faut pas oublier que le contrat de travail implique une réciprocité et ne dit pas “fais ce qui te fait plaisir” mais “travaille pour quoi je te paie”. L’employé ne doit pas attendre que l’entreprise décide pour lui du sens à donner, étant le seul à pouvoir le faire. Il doit faire preuve d’autonomie et montrer son engagement en délivrant un travail qui apportera satisfaction. Mais comment faire pour laisser place à l’initiative tout en la contrôlant ? Dissocier le rôle du manager “expert” ou opérationnel en tant que tel (le manager des vendeurs est le meilleur des vendeurs) de celui d’un référent garant de la culture d’entreprise s’avère fondamental. En décentralisant ce pouvoir, le manager “expert” sera clairement identifié par ses subordonnées comme la personne qui leur permettra d’effectuer leur travail dans les règles de l’art et non comme celui qui veille à leur bien-être. Il ne sera donc plus mis en échec et libérera tout son potentiel dans ce pour quoi il a été embauché. Il faut également décloisonner manager et fonction RH afin de créer du lien d’un côté et d’appliquer les politiques de l’autre. Les rôles sont complémentaires et ne peuvent donc pas se superposer. Plus largement, les mentalités pourront évoluer dans l’entreprise si celle-ci accepte de bouleverser ses vieilles habitudes. Certes, changer les codes implique une prise de risque, mais c’est pour mieux affronter l’avenir. En osant ébranler leur rentabilité et en investissant dans la création de valeur, elles vont établir les fondations d’un nouveau monde.
Sans minimiser le rôle d’un CHO, il est désormais important de le remettre en question à l’aune des nouvelles attentes et d’une certaine défiance des nouvelles générations. En effet, de nombreuses entreprises font du “happy washing” et se targuent d’avoir des CHO alors qu’elles impulsent une mauvaise dynamique. Un climat de confiance véritable ne peut exister sans un modèle organisationnel qui intègre les besoins des collaborateurs et un engagement collectif sincère.
Tribune rédigée par Cecile Lachan, directrice des opérations chez Humanskills
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