Le succès de Manchester United sur le terrain a peut-être été mitigé depuis que Sir Alex Ferguson a pris sa retraite en 2013, mais la performance du club en dehors du terrain a en revanche été excellente au cours de la même période.
Le chef de la direction des opérations du club, Ed Woodward, a été nommé à ce poste en 2013 et ses revenus ont rapidement atteint les 737 millions de dollars, alors que le club est aujourd’hui évalué à 4,8 milliards de dollars. Ces chiffres sont suffisants pour que Forbes classe Manchester United comme l’équipe de football la plus rentable au monde.
La poursuite de cet élan commercial repose sur deux éléments clés. Le premier est d’avoir une équipe performante capable de gagner des prix, de récolter davantage l’attention des radiodiffuseurs et d’attirer les meilleurs joueurs de la planète. Le second est le maintien et la croissance de la base de supporters.
La bataille numérique du football
Réussir la première partie de cette stratégie contribue de manière significative à la seconde, mais à mesure que le football se mondialise, l’engagement des fans est essentiel. Une partie du succès de Manchester United peut être attribuée non seulement à la signature de contrats avec des sponsors réputés, mais aussi à des arrangements plus spécifiques couvrant des secteurs divers et variés.
Plus de supporters signifient des accords de sponsoring plus lucratifs et davantage d’opportunités commerciales. Et c’est pourquoi les clubs de football se battent aujourd’hui de plus en plus dans le domaine du numérique, comme sur le terrain.
Ainsi, l’année dernière, le Real Madrid et Barcelone ont concouru au « Digital Clasico » afin de devenir le premier club de football à attirer 100 millions de personnes sur leurs pages Facebook officielles, tandis que Manchester City a beaucoup investi dans son contenu et ses opérations numériques.
Manchester United ne fait pas exception, puisque le club britannique a passé trois ans à créer une plate-forme numérique robuste avec l’aide de HCL, et qui s’étend à tous les secteurs de l’entreprise. Essentiellement, cela permet au club de se rapprocher des supporters sur une base plus détaillée de leurs habitudes et leurs préférences, et qui peut évoluer lors d’événements spéciaux, comme les journées de match.
Le club estime qu’il compte 659 millions de followers à travers le monde et que la plate-forme lui donne une vision unique de ses supporters sur plusieurs points de contact tels que la billetterie, le commerce électronique, les événements et les expériences qu’il propose.
Plus récemment, sa plate-forme a été utilisée pour lancer le nouveau site Web officiel et la première application mobile officielle du club, qui, espère-t-on, renforcera l’engagement des supporters. Les données ont montré qu’il s’agissait de l’application sportive la plus téléchargée dans 68 pays dans les jours qui ont suivi son lancement, et la plus téléchargée toutes catégories confondues au Royaume-Uni le jour même du lancement.
Les activités numériques du club sont dirigées par l’américain Phil Lynch, qui a rejoint le groupe en janvier 2017 après avoir dirigé des partenariats mondiaux chez Yahoo et passé huit ans chez Sony Pictures à travailler sur des expériences numériques.
Il a déclaré à Forbes que même s’il n’avait pas travaillé directement dans le sport avant de rejoindre Manchester United, il avait travaillé avec la NFL, la LNH et la MLB chez Yahoo Sports et qu’il a t toujours été un grand fan de United.
Le chef digital
« Je m’occupe de tout ce qui est numérique, [que ce soit] notre site Web, nos plates-formes sociales, notre photographie ou l’accréditation pour les matchs », explique-t-il. « Nous disposons d’une chaîne télé, appelée MUTV et nous avons une équipe éditoriale chargée de créer le contenu web, notre programme de match ainsi que notre magazine mensuel. Cela représente environ 80 personnes, dont une grande partie se concentre sur MUTV, diffusée dans 35 millions de foyers ».
« Ma mission est de continuer à étendre l’influence de Manchester United et de renforcer l’attachement au club. De diversifier la base de supporters, d’améliorer les initiatives prises. Plus nous en savons sur nos utilisateurs, plus nous pouvons leur offrir de contenu et des marchandises. Plus nous avons de connaissances, plus nous pouvons développer nos activités ».
Si un fan choisit de consommer du contenu provenant d’une chaîne de club officielle plutôt que d’un tiers, tel qu’un journal ou un site Web, le club obtient ainsi plus d’informations sur le supporter.
Ce qui diffère des ligues sportives d’autres pays, c’est que les clubs de la Premier League ont un plus grand contrôle sur leurs droits médiatiques. Ainsi, si les offres couvrant les matchs en direct et les temps forts immédiats constituent une source importante de revenus, les clubs ont aussi beaucoup plus de liberté avec ce qu’ils font avec ce contenu, 48 heures après un match.
Rarement précurseurs
MUTV a été lancée en 1998 mais a toujours été tributaire de contrats avec des diffuseurs tels que Sky pour atteindre les supporters. Aujourd’hui, elle dispose d’un service de diffusion directe sur iOS, Android, Xbox et Amazon Fire, tandis que sa chaîne YouTube a été le premier service sportif à atteindre un million d’abonnés.
Pourtant, malgré ce succès, Manchester United n’a jamais été un précurseur en la matière. Le club a en effet été l’un des derniers de la Premier League à ouvrir un compte Twitter officiel en 2013 ; et d’autres clubs ont développé une application officielle depuis un certain temps déjà.
Il est quelque peu ironique qu’Adidas, sponsor officiel de Manchester United (et de son joueur vedette Paul Pogba), ait lancé une campagne de marketing autour du slogan « First Never Follows », alors que le club a lui-même choisit d’être un suiveur. Phil Lynch soutient que cela lui permet d’affiner son approche et d’être le meilleur en la matière.
« L’une des choses les plus intéressantes concernant Manchester United… est que nous sommes très rarement les premiers, mais lorsque nous lançons quelque chose, nous le faisons bien », explique-t-il. « Nous ne sommes pas toujours les premiers à faire la fête, mais quand cela arrive, nous sommes les mieux habillés ».
« Nous étions sur Instagram TV le jour de son lancement et nous étions parmi les premiers clubs à utiliser cette plate-forme, si ce n’est le premier. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai été amené à tirer parti de ma relation avec certaines des plus grandes sociétés aux États-Unis – nous savons quels sont les tendances à venir ».
Manchester United, une véritable entreprise
Phil Lynch pense que cette nouvelle organisation au sein des clubs sportifs révèle de plus en plus le côté « business » et « médiatique » des clubs, et c’est pourquoi sa plate-forme en ligne évolue constamment. HCL, l’un de ses partenaires, offre ainsi des mises à jour deux fois par semaines ainsi que des améliorations de produits qui aident le club à atteindre les meilleurs niveaux de personnalisation.
Par exemple, s’ils peuvent voir qu’un supporter recherche plus souvent des contenus liés à Paul Pogba, le club peut proposer à cet utilisateur davantage de vidéos et autres contenus concernant le joueur français, sur toutes ses plateformes. Bien que certains traditionnalistes exècrent l’idée que le sport ne diffère pas des autres industries, HCL soutient que la transformation numérique est tout aussi pertinente et importante pour un club de football que pour toute autre entreprise.
« Tout le monde [chez HCL] se passionne pour le côté football de Manchester United, mais au bout du compte, c’est une entreprise comme les autres », estime ainsi Ashish Gupta, de HCL. « Cela représente davantage pour le public, mais au sein même du club, ce sont les mêmes défis que toute entreprise connaît ».
Et d’ajouter : « Travailler avec United présente des avantages, mais au fond, cela reste une affaire ».
Et ensuite ?
L’essor du streaming est l’un des plus grands sujets de discussion dans le monde sportif, aujourd’hui. Eleven Sports et DAZN sont deux leaders du marché et proposent d’ores et déjà des services de streaming dans le monde entier, contournant ainsi les plateformes de diffusion traditionnelle. Mais tout le monde a les yeux rivés sur Amazon et Facebook, et l’intérêt que deux des plus puissantes entreprises de la planète peuvent porter au contenu sportif en direct.
Les géants de la technologie ont jusqu’ici franchi de tout petits pas sur ce marché, le développement le plus remarquable étant celui d’Amazon, qui a obtenu les droits de 20 matchs en Premier League en direct et exclusifs, pour la saison 2019-20.
Par ailleurs, lors de la dernière Coupe du Monde de la FIFA, les droits de diffusion de certains matchs ont été vendus à des services de streaming – une initiative qui a permis à Woodward de déclarer que « le streaming est l’avenir de la couverture médiatique du football ». Mais si Phil Lynch voit lui-même les organisations sportives petit à petit se transformer en « médias » est-ce qu’il partage cet avis ?
« Je ne peux pas m’exprimer pour la [Premier League], mais vous conviendrez qu’Amazon comme Facebook s’intéressent à tous les sports. Du point de vue d’un club, je suis d’accord à 100% avec cette vision, et c’est pourquoi nous mettons aujourd’hui l’accent sur MUTV ».
« L’âge moyen d’un abonné MUTV est de 54 ans et l’âge moyen d’un utilisateur de notre application B2C est de 30 ans. Vous pouvez donc voir qu’il s’agit d’une génération de coupe-câbles » (ceux qui annulent un abonnement au câble traditionnel et le remplace par d’autres sources de divertissement, telles que les services de streaming, la programmation à la carte, etc).
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