Cristallisant la guerre économique entre les différentes Places financières, notamment européennes, la question cardinale du choix de la place par les futurs émetteurs concentre de manière récurrente les attentions et connaît depuis quelques mois un momentum exceptionnel.
Celui-ci est le fruit de la conjonction de plusieurs facteurs, le Brexit qui pose les termes de nouvelles relations financières entre l’Europe et le Royaume Uni d’une part, l’impérieuse nécessité d’une reprise de l’activité économique rapide suite à la crise sanitaire d’autre part.
De manière plus structurelle et durable, l’émergence d’une nouvelle économie – numérique et écologique – active la question majeure du lieu de son financement, de son déploiement et de sa gouvernance. Enjeu de compétitivité pour attraire ces entreprises à forte croissance ; enjeu d’attractivité pour séduire les investisseurs et diriger l’épargne vers les entreprises.
Dans leur volonté d’attraire et sécuriser cette nouvelle activité économique, les places financières mettent en avant la qualité de leur régulation et de leur réputation, un environnement financier propice avec un bassin d’investisseurs à la fois stable et professionnel, des conditions d’introduction en bourse et de cotation favorables, des systèmes juridiques et fiscaux adaptés, un écosystème favorable enfin.
Elles s’organisent pour accueillir ce nouvel eldorado économique constitué de sociétés dites de croissance, qui seront pour certaines les licornes demain et qui constituent le relais indispensable dont on espère qu’il remplacera tout un pan de l’économie, condamné inexorablement à s’éteindre.
La Place de Paris connaît ainsi une reprise des introductions en bourse, avec notamment la cotation de la Française des Jeux, de HRS, d’Aramis, la montée en puissance du nouveau modèle de financement public qu’est le SPAC (special purpose acquisition companies) avec la cotation de plusieurs d’entre eux, récemment I2PO, créé par Artémis (holding Pinault), Iris KNOBLOCH (ex-WarnerMedia) et Matthieu PIGASSE, ou DEE Tech.
Si l’attention est le plus souvent portée sur la question de leur financement et de leur régulation, la gouvernance de ces entreprises constitue un enjeu crucial pour la Place mais plus encore, pour la pérennité de ces entreprises, et pour leurs investisseurs et salariés, qui acceptent de courir le risque social.
C’est dans ce contexte qu’un rapport de Paris Europlace, rendu en juin dernier et intitulé « Émetteurs : le choix de la Place de Paris », s’est donné pour objectif d’égréner les nombreux atouts de la place de Paris.
Parmi ses recommandations et de manière très surprenante, celui-ci propose d’« alléger les obligations incombant aux petites entreprises, cotées ou non, notamment en matière de composition du conseil d’administration ».
Certes, les recommandations du Code Afep Medef ne sont pas adaptées à ces entreprises en devenir, ni même d’ailleurs à de très nombreuses entreprises qui n’ont ni les moyens ni les raisons de porter autant d’obligations conçues pour des grandes entreprises cotées.
En revanche, « l’allègement » du conseil d’administration n’est certainement pas une voie judicieuse. Tout au contraire, cet organe doit être compris, notamment par le fondateur, comme un actif à part entière, lui permettant d’attraire des compétences et des talents à peu de frais, avec pour mission d’accompagner l’entreprise dans les différentes étapes de son développement, souvent rapide et par conséquent, périlleux.
Le conseil d’administration constitue le meilleur garant de la pérennité de l’entreprise, notamment parce qu’il est le plus à même de constituer un contre-pouvoir à une direction incarnée par un fondateur-entrepreneur souvent peu enclin à partager le pouvoir. Le conseil d’administration est aussi l’instance qui saura accompagner l’entreprise sur le chemin d’une éventuelle introduction en bourse.
Il a pour objet d’assurer une organisation et des modalités d’exercice saines et non dévoyées du pouvoir, en écartant notamment toute décision unilatérale intempestive qui pourrait compromettre le futur de l’entreprise. Il est le garant de la qualité des décisions sociales, à travers les mécanismes de redevabilité. Il permet la remontée de l’information, la connaissance partagée et intégrée des risques présents et à venir. Il lui revient d’éliminer enfin les abus et les conflits d’intérêts dont on sait qu’ils fissurent tôt ou tard l’entreprise.
Meilleur garant de la défense de l’intérêt social, le conseil d’administration constitue l’organe cardinal de l’entreprise. Les activistes l’ont bien compris, eux qui le défient de plus en plus, comme l’illustrait encore récemment le dossier Danone.
Loin de l’alléger, il faut donc le densifier, le faire fonctionner à plein, et ainsi l’ériger en organe de stabilité et de pérennité de l’entreprise. Il faut éduquer les fondateurs dès les prémices entrepreneuriales sur sa nécessité et ses nombreux bénéfices en rappelant que les administrateurs veillent sur l’entreprise et son intérêt, et ce, à tous les stades de son déploiement.
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