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Les assureurs face au réchauffement climatique

OPINION// Le réchauffement climatique met les compagnies d’assurance en première ligne. En effet, elles doivent notamment indemniser les assurés au titre des dommages causés par des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et de plus en plus intenses : incendies, fortes intempéries, glissements de terrains…

 

Le résultat technique des compagnies d’assurance est donc dépendant de phénomènes météorologiques extrêmes créés par le réchauffement climatique. Dans son sixième rapport rendu public le 9 août 2021 le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) a d’ailleurs souligné que le changement climatique serait plus rapide et plus fort que prévu dans les années à venir. Ce rapport souligne que la hausse prévue de la température par rapport au début de l’ère industrielle serait de 1,5°C en 2030 alors que le dernier rapport du GIEC prévoyait cette hausse pour 2040. Face à cela, quels sont les moyens d’action des compagnies d’assurance et sont-ils mis en œuvre ?

Le réchauffement climatique est la conséquence de la multiplication des émissions de gaz à effet de serre (GES). En France, la loi de 2015 sur le Transition Energétique pour la Croissance Verte définissait des mesures en vue de lutter contre le dérèglement climatique. Elle préfigurait les engagements pris par les 195 pays qui ont participé au sommet international COP 21 de décembre 2015. Parmi les objectifs visés en France figurent une réduction de 40% des émissions de GES en 2030 par rapport à 1990, une réduction de 30% de la consommation d’énergies fossiles en 2030 par rapport à 2012 et une part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale portée de 32% en 2014 à 40% en 2030. Pour y parvenir, il convient, en priorité, de réduire significativement la consommation d’énergies fossiles en vue de décarboner la production d’énergie. En particulier, la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz dans les centrales thermiques transforme l’eau en vapeur, ce qui permet de mettre une turbine en mouvement et d’entraîner un alternateur. C’est ainsi que l’énergie synergique est transformée en énergie électrique et devient un facteur d’émission de GES.

Les compagnies d’assurance sont conscientes du risque climatique. En 1992, le secteur a été marqué par la faillite d’une douzaine de compagnies qui n’étaient pas en mesure de faire face aux demandes d’indemnisations à la suite du passage de l’ouragan Andrew en Floride et sur la côte est des Etats-Unis. La probabilité d’un tel phénomène, résultant du dérèglement climatique, avait été sous-estimé. Au-delà des exigences de renforcement des besoins de fonds propres décidées par les régulateurs, cet épisode a conduit à transférer une partie du risque climatique aux marchés de capitaux et à l’émission, notamment par les réassureurs, de Cat Bonds ou obligations catastrophes. Ces Cat Bonds ont les caractéristiques habituelles des obligations ordinaires ; toutefois, ces titres affichent un rendement plus élevé en contrepartie de l’absence de remboursement du principal en cas de survenance d’une catastrophe naturelle avant l’échéance. On parle alors de déclenchement du défaut de l’obligation, ce qui permet de couvrir les pertes de l’assureur ou du réassureur consécutives à l’indemnisation du sinistre. Les Cat Bonds sont totalement décorrélés de la conjoncture économique. Ils permettent donc de diversifier les portefeuilles des investisseurs, parmi lesquels figurent des acteurs de l’assurance ce qui souligne, une fois de plus, leur expertise vis-à-vis du risque climatique.

Dans ce contexte, les assureurs et réassureurs ont bien compris que leur engagement en faveur de la réduction des émissions des GES était la meilleure façon de réduire les catastrophes naturelles consécutives au réchauffement climatique et ainsi de limiter la volatilité de leurs résultats. Les mesures sont là. Un rapport commun à l’Autorité des Marchés Financiers et à l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution de décembre 2020 rappelle que des engagements climatiques ont été pris par Société Générale Assurances en 2014, par CNP et Scor en 2015, par Crédit Agricole Assurance, Natixis Assurances et MACIF en 2016, par Allianz France, BNP Paris Cardif et Groupama en 2018, par Aviva et MACSF en 2019. La plupart des assureurs reprennent alors les recommandations la Fédération Française de l’Assurance en matière de stratégie charbon. Ils fixent ainsi à 2030 la fin de l’exposition « charbon » de leurs portefeuilles d’investissements en Europe et dans les pays de l’OCDE, à 2040 dans les autres pays. Cette réduction est progressive et fondée sur des critères qui varient d’une compagnie à une autre : pourcentage de la production ou du chiffre d’affaires à base de carbone, mix énergétique, capacité installée. Ces engagements portent sur le charbon thermique c’est-à-dire sur son utilisation pour produire de la chaleur ou de l’électricité ; ils ne couvrent pas son utilisation dans les industries de la sidérurgie, du verre ou du ciment.

A ces engagements qui impactent l’actif du bilan des compagnies d’assurance peuvent s’ajouter des engagements au niveau du passif. Ainsi, Scor et sept des plus grandes compagnies d’assurance (Axa, Allianz, Generali, Aviva, Zurich Insurance) et de réassurance (Munich Re et Swiss Re) du monde ont annoncé, le 7 août 2021, la création de la Net-Zero Insurance Alliance (NZIA) qui prévoie de ne plus permettre la souscription de contrats d’assurance par des acteurs responsables d’émissions de GES, à l’horizon 2050.

La lutte contre le réchauffement climatique ne s’arrête pas là : les transports propres grâce notamment à la voiture électrique, les énergies renouvelables comme la production d’électricité par les éoliennes, le développement d’une économie circulaire avec moins de déchets et la pénalisation de l’obsolescence programmée contribuent aussi à la réduction des GES. La France est donc engagée dans un réel processus de décarbonation soutenu notamment par les assureurs. Il reste à embarquer le plus grand nombre d’états dans ce mouvement et à souhaiter que le développement de centrales thermiques ne soit pas la règle en d’autres points du globe. Cette thématique sera très probablement à l’ordre du jour de la COP 26 qui se tiendra du 31 octobre au 12 novembre 2021 à Glasgow.

Olivier Levyne est Professeur de Finance à l’ISC Paris

 

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