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Lanvin, Ce Joyau Du Luxe À La Française En Perdition

La plus ancienne maison de couture française encore en activité vit actuellement des heures sombres et se retrouve dans le collimateur du tribunal de commerce de Paris. La faute à une stratégie et des choix particulièrement hasardeux.

« Le commissaire aux comptes a d’ores et déjà alerté le tribunal de commerce de Paris sur la situation extrêmement préoccupante de la société ». Le propos émanant de la traditionnelle « source proche du dossier » et relayé par Reuters n’a malheureusement pas surpris dans les milieux de la mode tant la situation de Lanvin – et sa trésorerie – se dégradaient mois après mois. A rebours des locomotives hexagonales, et mondiales, du luxe à la française que sont LVMH et Kering qui enchaînent les résultats record, la griffe française Lanvin, pourtant plus ancienne maison de couture en activité, peine à suivre le rythme imposé par les deux mastodontes. Doux euphémisme mais cruelle réalité tant les choix des dirigeants se sont révélés particulièrement chaotiques ces dernières années. Sans doute depuis le mois d’octobre 2015 et le départ de son directeur artistique Alber Elbaz. Depuis, les ventes ont plongé et l’état-major de la marque n’est pas parvenu à enrayer cette dangereuse dynamique, et le choix du successeur d’Alber Elbaz (entre temps, Bouchra Jarrar, en place pendant seulement quinze mois n’était pas parvenue à redresser la barre) pour mener à bien cette mission a également cristallisé les critiques autour de la direction.

Car en effet l’état-major de la griffe s’est attaché les services d’Olivier Lapidus qui, après avoir dessiné des meubles pour le soldeur Gifi ou des robes de mariée pour la marque Pronuptia, s’est retrouvé, dès le mois de juillet dernier, au chevet de Lanvin avec pour ambition de réveiller « cette belle endormie ». Mais sa première collection a été particulièrement mal accueillie, les analystes et les observateurs tirant notamment à boulets rouges sur les « innovations » du nouveau directeur artistique. Ainsi, les prises de commandes lors des showrooms qui ont suivi le premier défilé d’Olivier Lapidus, présenté fin septembre à Paris, ont chuté d’environ 50% par rapport à la même période de 2016. « Les commandes ont été catastrophiques. Les acheteurs ne retrouvent pas Lanvin et sont très déroutés par le brusque affichage de logos sur les vêtements », a confirmé une source auprès de Reuters.

« Stratégie suicidaire »

Pour moult observateurs, la nomination d’Olivier Lapidus obéirait à une stratégie « visant à multiplier les licences » et ainsi voir le nom Lanvin accolé à toutes sortes d’objets. Une « stratégie suicidaire » aux yeux des plus fins connaisseurs de la marque, aux antipodes de l’ADN de la griffe. En outre, cette intronisation a également créé de nombreux remous en interne. Ainsi, en désaccord avec la stratégie de l’actionnaire majoritaire (la milliardaire chinoise Shaw-Lan Wang qui détient 75% du capital) et avec le choix d’un designer sur lequel il n’a pas été consulté, l’homme d’affaires suisse Ralph Bartel, qui détient 25% du capital de Lanvin a démissionné du conseil d’administration en juillet. Et il n’a pas été le seul à quitter le navire puisque le banquier Pierre Malleways a également tiré sa révérence. Un environnement loin d’être idéal au moment où la survie même de la marque est en jeu.

Car au regard de la situation financière catastrophique des comptes, une recapitalisation semblait la solution la plus probable. Prévue pour septembre, cette dernière n’a finalement pas vu le jour, faute de capitaux suffisants. « L’entreprise pourrait ne pas pouvoir verser les salaires de janvier 2018 », avance même une autre source toujours citée par Reuters.  Toujours selon cette source, une recapitalisation, si elle devait intervenir prochainement, serait encore insuffisante pour remettre sur pied le « patient Lanvin », notamment au regard des défis à relever pour renaître de ses cendres.  Divers éléments qui ont enjoint au tribunal de commerce de Paris de se saisir du dossier, comme évoqué en préambule. Dans ce contexte, les pertes de 2017 risquent de largement dépasser les 27 millions d’euros qui avaient été prévus en début d’année, après une perte nette de 18,3 millions en 2016.

Exode massif des salariés

Un problème n’arrivant jamais seul, Lanvin va devoir également quitter son siège historique de la rue Saint-Honoré, l’immeuble ayant été vendu par les héritiers de Jeanne Lanvin… au suisse Richemont, l’un des leaders mondiaux du luxe. En outre, la griffe a également dû faire face à la « saignée » de ses salariés puisque un tiers d’entre eux a quitté la société depuis le début de l’année dernière et n’ont pas été remplacés, hormis au sein du département vente.  Pour rappel, la société Jeanne Lanvin employait près de 300 personnes dans l’Hexagone à fin 2016. L’heure est particulièrement critique au regard des « éléments du dossier » et le risque de voir disparaître du paysage l’un des fleurons du luxe à la française n’a jamais été aussi grand. Ceci constituerait un énorme gâchis et un triste épilogue pour la doyenne des maisons de couture.

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