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« L’Afrique peut se hisser au rang de leader » : Carole Mbessa Elongo décrypte comment « libérer le potentiel des économies africaines »

Carole Mbessa a reçu l’un des prix de l’Excellence entrepreneurial à la WEF

À la tête d’une importante entreprise de logistique africaine, Business Facilities Corporation Group, et récompensée au Forum Économique Mondial (WEF) en recevant l’un des prix de l’Excellence entrepreneurial, la femme d’affaires Carole Mbessa Elongo appartient à cette génération de leaders africains qui veut peser sur l’échiquier mondial. L’ex-Nantaise a choisi la remigration pour accompagner cette évolution en prenant pied au Cameroun pour défricher les opportunités de demain. Tech, transition écologique, e-commerce, gaming…

Vous avez quitté Nantes pour entreprendre au Cameroun et en Afrique. Quel a été le déclic de ce changement de cap dans votre carrière ?

Carole Mbessa Elongo : J’ai pris la décision de quitter Nantes pour revenir au Cameroun, et sur le continent africain, non pas seulement par choix personnel, mais guidée par une véritable stratégie professionnelle. Être sur place permet de mieux comprendre les réalités du marché, de détecter les opportunités en amont avant qu’elles ne deviennent manifestes, et de contribuer directement aux transformations en cours. C’est une démarche proactive qui m’a permis d’accompagner des projets à fort impact dans des secteurs clés comme la mine, la logistique, le transport ou encore le pesage industriel. De plus, cette proximité avec le terrain renforce la capacité à bâtir des relations solides avec les partenaires locaux, un facteur indispensable pour réussir dans un environnement où la confiance et les interactions humaines restent au cœur des affaires.

Comment entreprendre dans l’Afrique d’aujourd’hui quand on n’est pas une multinationale ?


C.B.E : Ceux qui ne connaissent pas véritablement l’Afrique ont tendance à croire que seules les multinationales peuvent réussir sur le continent. Cette perception est loin de la réalité, car nous assistons aujourd’hui à une véritable émergence économique portée par des acteurs africains dans tous les secteurs. Prenons l’exemple de la finance : des groupes bancaires 100 % africains comme Ecobank ou le Groupe Banque Centrale Populaire rivalisent avec les plus grandes institutions internationales. Dans l’hôtellerie, des chaînes africaines telles qu’Azalaï Hotels se démarquent par leur ancrage local et leur capacité à répondre aux besoins spécifiques des marchés régionaux. Ces réussites illustrent une prise de conscience croissante : les Africains peuvent et doivent être les principaux architectes de leur développement économique. 

Cette dynamique est extrêmement positive et repose sur des atouts uniques. Le marché africain est certes exigeant, mais il offre des opportunités considérables pour ceux qui savent s’adapter. Les petites et moyennes entreprises jouent un rôle crucial dans cet écosystème, car elles sont souvent les mieux placées pour répondre aux besoins locaux avec agilité et innovation. Investir dans les talents locaux est également essentiel : former, accompagner et responsabiliser les équipes africaines crée une valeur durable et favorise l’émergence de leaders capables de transformer leurs industries. La clé réside dans une approche à long terme, nourrie par des partenariats stratégiques et une compréhension approfondie des spécificités culturelles et économiques de chaque région. 

Quelles sont les dynamiques actuelles et secteurs porteurs ?

C.B.E : Le continent africain est en pleine effervescence. Outre les secteurs traditionnels comme les mines ou l’agriculture, de nouveaux domaines émergents. La tech, par exemple, connaît une croissance fulgurante avec des innovations dans la fintech, la healthtech ou encore l’e-commerce. La transition écologique ouvre aussi des opportunités dans les énergies renouvelables, le recyclage ou l’agriculture durable. Les industries culturelles et créatives, avec des secteurs comme le cinéma, la musique et le gaming, prennent également une place importante. Enfin, la logistique, qui est au cœur de la connectivité des marchés, reste stratégique pour accompagner cette dynamique.

L’Afrique est souvent appréhendée pour ses riches ressources naturelles mais pourtant, elle accélère dans les domaines de la tech, des industries du divertissement, dans la transition écologique que vous venez de l’appuyer. Pensez-vous que l’on soit entré dans le siècle africain ?

C.B.E : Je le pense, oui. L’Afrique est aujourd’hui au centre d’une redéfinition des équilibres mondiaux, non seulement en raison de ses ressources naturelles, mais surtout grâce à son capital humain. La jeunesse africaine, qui constitue une majorité démographique sur le continent, incarne un formidable potentiel. Si nous parvenons à investir dans l’éducation, la formation et l’autonomisation de cette jeunesse, elle pourra pleinement jouer son rôle de catalyseur pour la transformation économique, sociale et culturelle du continent. Cependant, pour que l’Afrique s’impose véritablement comme une puissance mondiale, il est indispensable de transformer les défis structurels en opportunités. 

Cela passe notamment par le renforcement des institutions ou encore le développement d’infrastructures modernes. Des réseaux de transport efficaces, des systèmes énergétiques durables et une connectivité numérique accrue sont autant de leviers pour libérer le potentiel des économies africaines. En s’intégrant davantage dans les chaînes de valeur mondiales, en exportant des produits à haute valeur ajoutée et en misant sur des secteurs stratégiques comme la technologie, la transition écologique et les industries créatives, l’Afrique peut non seulement se hisser au rang de leader économique, mais aussi redéfinir les règles du jeu mondial. 

Dans votre pays d’origine, le Cameroun, quels sont les écueils à éviter et le « code culturel » des affaires à prendre en considération ?

C.B.E : Au Cameroun, comme dans beaucoup de pays africains, les affaires reposent sur la confiance et les relations humaines. Il est essentiel de respecter les valeurs locales et de prendre le temps de bâtir des relations solides. La patience et la persévérance sont également nécessaires : les démarches administratives et les processus peuvent parfois être plus longs qu’ailleurs. Enfin, il faut éviter de sous-estimer les réalités locales. Une bonne connaissance du cadre juridique, des habitudes commerciales et des sensibilités culturelles est indispensable pour réussir.

Vous êtes engagée en faveur du leadership féminin, quelles sont vos leçons en matière d’inclusion des femmes pour réussir quel que soit le terrain ?

C.B.E : Le leadership féminin est une richesse inestimable pour toute organisation, et j’ai toujours été convaincue qu’il fallait créer des environnements propices à la valorisation des compétences des femmes. Cela commence par l’établissement de politiques inclusives qui leur permettent de se développer pleinement et d’exprimer leur potentiel, quel que soit le secteur. Cependant, ces politiques ne suffisent pas à elles seules : il est essentiel d’accompagner ces initiatives par un engagement concret sur le terrain, notamment à travers le mentorat.

Pour ma part, je consacre une part importante de mon temps à accompagner des jeunes femmes et à partager mes expériences car nous avons un rôle crucial à jouer en tant que modèles. Les jeunes femmes ont besoin de voir des exemples concrets de réussite pour croire en leur propre capacité à surmonter les obstacles. 

C’est pourquoi je m’efforce de déconstruire les stéréotypes qui persistent, en démontrant que les femmes peuvent non seulement occuper des postes stratégiques, mais aussi exceller dans des secteurs perçus comme techniques ou exigeants. 

Cette approche s’accompagne également d’un renforcement de la solidarité féminine. Je crois fermement que réussir ensemble est une clé pour amplifier notre impact collectif : chaque victoire individuelle doit être une source d’inspiration et un tremplin pour celles qui nous suivent. 

Que retenez-vous de l’École française, notamment de ce qu’elle a façonné chez vous ?

C.B.E : L’École française m’a donné des bases solides et ceci dès les classes primaires avec les instituteurs mis à disposition par les mécanismes de la coopération française, puis dans les classes universitaires plus tard. Des bases à la fois en termes de rigueur intellectuelle et d’esprit critique. Elle m’a appris à analyser, à structurer ma pensée et à m’exprimer avec clarté. Mais ce qui m’a le plus marquée, c’est l’ouverture d’esprit et la capacité à naviguer dans des contextes multiculturels. Ces compétences m’accompagnent chaque jour dans mon parcours entrepreneurial, où l’adaptabilité et la vision stratégique sont essentielles.

Votre feuille de route en 2025 ?

C.B.E: En 2025, de nombreux projets et activités sont répertoriés dans mon plan d’action. Les plus marquants étant la mise en œuvre d’importants projets signés avec les gouvernements dans certains États de notre sous-région Afrique Centrale tels que : l’opérationnalisation du projet de mise en place et d’exploitation des stations de pesage et de péage dans plusieurs points stratégiques de la partie nord du Gabon, un projet en concession sur 25 ans.

Nous avons également des projets à opérationnaliser au Congo, notamment dans des bassins de production miniers, ainsi qu’au Cameroun avec l’extension de nos activités dans différentes zones du pays telles que la nouvelle zone industrielle en cours d’aménagement par le Port Autonome de Douala dans la Dibamba. 

De même sur le plan social, notamment avec le déploiement du programme « Impacting One Million Women in Central Africa », mis en place par l’organisation BLEADHER Network & Academy que j’ai créé, et dont les activités se déroulent depuis quatre ans déjà, avec pour objectif d’accroître le potentiel des femmes de cette sous-région afin de leur permettre de jouer pleinement leur rôle dans le développement effectif de notre continent.


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