En m’appuyant sur les échanges multiples (au cours des conventions, formations, cycles de travail, formalisations des « bonnes pratiques », etc.) animés par l’Association pour le Management de la Réclamation Client (https://www.amarc.asso.fr/), je partage ici quelques convictions relatives à la relation client.
De l’importance du verbe : quand nommer et partager les choses, c’est déjà les faire exister
Un premier pas consiste à nommer la chose pour lui permettre de « sortir du placard ». En effet, définir au sein d’une entreprise ce qu’est une réclamation est un moyen efficace de la normaliser. Lors de la co-construction de la définition, des débats bienvenus au sein d’un groupe de travail aideront à faire progresser le sujet de façon transverse. De surcroît, les définitions étant souvent adoubées par un membre de la direction générale, cette démarche permet d’adjoindre un sponsor à la cause du client. Enfin, relayée par la communication interne, cette définition permettra de démultiplier la voix du client et des acteurs du service client.
Dans tous les cas, il est essentiel de normaliser le sujet en le valorisant : à titre d’exemple, la MAIF organise régulièrement des petits déjeuners de sensibilisation sur le thème de la réclamation client, ouverts à tous les collaborateurs du groupe, et où sont présentées de manière concrète les activités du service réclamation – dans l’optique de partager enjeux et retours d’expérience d’une manière pédagogique.
Cette sensibilisation, d’autres entreprises, comme Bonduelle, l’opèrent systématiquement lors de l’accueil des nouveaux collaborateurs. iDTGV allait même jusqu’à embarquer les nouveaux arrivants dans une journée complète au sein du service client pour découvrir ce qu’ils appelaient « l’enfer du décor »…
S’il existe une définition collégiale proposée par l’AMARC, chaque organisation peut soit la reprendre à son compte, soit en proposer une autre : l’essentiel est de se mettre d’accord sur le sujet.
De la « chaise du client » au vrai client sur une chaise : oser la confrontation
Lorsque Bruno Desmet, alors directeur général de Norauto France, importe la chaise du client de Jeff Bezos au sein de son propre bureau et de l’ensemble des salles de réunion du siège, cette chaise vide invite les collaborateurs à prendre en compte l’intérêt des clients, parfois quelque peu absents des échanges. C’est un premier pas, très symbolique bien sûr, mais il a son importance.
Des organisations sont allées un cran plus loin, en conviant de « vrais » clients – et notamment des consommateurs insatisfaits. C’est le pari relevé par Humanis (devenue depuis Malakoff-Humanis) lors d’un séminaire qui avait pour vocation de remettre le client au cœur des préoccupations des cadres supérieurs du groupe. Pari réussi, puisque les huit clients identifiés comme insatisfaits à l’issue du traitement de leur réclamation ont pu témoigner de leurs expériences auprès d’acteurs parfois coupés de la réalité du terrain. Cette voix du client crée une résonnance auprès de personnes pour qui le client pouvait être jusqu’alors une « donnée » (un NPS) et/ou un coût de traitement (le service client).
De même, lors d’un roadshow centré sur l’expérience clients/collaborateurs, les hypermarchés Carrefour avait recouru, en 2017, au même stratagème : inviter des clients bien réels dans chacune des grandes régions pour qu’ils témoignent de leurs irritants et réagissent aux solutions proposées par les directeurs de magasin dans le cadre des ateliers.
Certaines entreprises perçoivent parfois cette confrontation bienveillante comme étant un peu « osée », notamment les entreprises B to B, qui jugent qu’il est difficile d’inviter des clients pour partager « ce qui va mal ». C’est une pudeur injustifiée : pour l’avoir vécu avec un grand industriel de l’imagerie médicale, inviter quelques clients hospitaliers à s’exprimer sur leur satisfaction/insatisfaction vis-à-vis de l’entreprise a eu un effet positif sur les participants. Les clients conviés ont parfaitement joué le jeu et se sont montrés disponibles pour aider l’un de leurs fournisseurs clés à s’améliorer.
Rendre la voix du client audible partout dans l’entreprise : de la machine à café au comité exécutif
Si l’incarnation physique dont il a été question peut aider à (re)mobiliser au plus haut niveau de l’entreprise, certains services clients entreprennent de diffuser les mots et les maux des clients « partout dans les étages ». Ainsi, le département client de Danone a-t-il pu sensibiliser de manière très pragmatique ses collègues via des verbatim publiés aux abords des espaces de pause. De son côté, iDTGV (devenu Ouigo) avait entrepris d’ériger son « mur des félicitations », sur lequel les membres du service client affichaient fièrement les réponses sympathiques ou décalées de leurs clients, notamment à l’issue de la gestion de leur réclamation.
Pour entamer ou développer cette attention aux retours clients partout dans l’entreprise, EDF a notamment entrepris de proposer à tout collaborateur de pouvoir effectuer de la double écoute au sein du service client. Une procédure simple et incitative a ainsi été mise en place : s’inscrire sur un agenda partagé, accessible à tous.
Ces pratiques ont pour principal mérite de rappeler à l’ensemble de l’organisation qu’un client ne réclame pas, sauf cas pathologique (!), par plaisir. Ainsi, afficher les retours positifs exprimés à l’issue de la gestion d’une réclamation démontre que le client attendait simplement que son insatisfaction soit prise en compte par la marque et que la promesse que cette dernière a formulée soit tenue, si ce n’est du premier coup, du moins lors d’une réparation légitime.
Elles ont aussi pour but de faire voyager la voix du client partout dans l’entreprise : elle n’est pas le « monopole » d’un service dédié, l’affaire de quelques-uns, mais un bien commun dont les répercutions concernent potentiellement tous les acteurs de l’entreprise.
Dirigeants, montrez votre engagement concret sur le sujet
Le temps consacré par certains comités exécutifs à la prise en compte des attentes client est un signe concret adressé à l’ensemble des collaborateurs. Il est banal en effet d’entendre des comités de direction clamer leurs convictions relatives à l’expérience client, d’affirmer combien le client est au cœur de leur stratégie, de la culture de l’entreprise, alors même qu’il est absent de leur propre ordre du jour, ou la variable d’ajustement des séances…
Ancrer la culture client passe donc par des actes symboliques forts de la part des dirigeants, comme pouvait le faire le directeur général d’ING Direct France qui, chaque semaine, contactait un client insatisfait. Cette même démarche était également entreprise par le président d’un équipementier automobile qui, chaque mois, se rendait avec un commercial rencontrer les clients identifiés comme insatisfaits.
Au-delà du geste fort adressé au client visité comme à ses collaborateurs, il peut s’agir également d’une opportunité pour le dirigeant de percevoir une réalité, sans les filtres ajoutés par les niveaux intermédiaires qui le séparent du département client, et, surtout, de la voix de ce dernier.
Sortir du cliché de la chaise : la voix du client peut être rendue tangible d’autres manières
Pour finir, les espaces de travail peuvent refléter la culture client de l’organisation, aider à mettre en scène sa présence et celle de sa « voix ». A titre d’illustration, une « table de dialogue » peut permettre de questionner chaque réunion du point de vue du client : à travers un jeu de curseurs disposés au centre de la table, les participants s’interpellent sur leur réelle prise en compte de l’expérience client dans l’échange qu’ils viennent d’avoir. Ludique et simple à mettre en oeuvre, un tel dispositif participe de la mise en visibilité de la voix du client au sein de l’organisation.
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