A l’ère du numérique, de nombreux modèles d’affaires sont questionnés, redéfinis selon de nouvelles règles du jeu. La valorisation des datas, au sens large, qu’elles soient personnelles ou non, en fait partie. Les données seraient-elles donc le nouvel or vert ? Les modèles dits « data-driven » relèvent-ils d’un verbatim des communicants et consultants ou est-ce une réalité qui prend progressivement corps dans les entreprises ? Pour explorer ce sujet, nous avons rencontré Benoît Dageville, co-fondateur et CTO de Snowflake Computing spécialiste des architectures cloud et de l’économie des données.
Transformation numérique : quel rôle jouent les architectures cloud et les datas ?
Toutes les entreprises ne sont pas logées à la même enseigne en termes de transformation numérique. En la matière, certaines grandes entreprises ou start-up américaines peuvent avoir quelques temps d’avance sur leurs homologues européennes, ce qui permet d’observer l’usage qu’elles font du Cloud et des données, mais surtout de ce que cela peut leur apporter dans leur développement. Tout cela n’est-il que de la communication, du « flan » ? Ou y a-t-il un réel impact économique ?
Les architectures informatiques traditionnelles (avoir ses propres serveurs et équipements réseau divers), représentent un investissement parfois lourd et où chaque décision peut verrouiller le mode de fonctionnement (et de performance) d’une entreprise pour plusieurs mois, voire années. Le cloud apporte quant à lui une flexibilité et permet de considérer l’architecture informatique comme un service facturé selon l’utilisation, de façon transparente. L’espace utilisé, la performance ne sont que des variables paramétrables à l’envie, ce qui permet d’accéder rapidement à une architecture dite « scalable ». Géré par un ou plusieurs prestataires externes, le cloud assure une grande sécurité (avec un système de codage à plusieurs niveaux, redondance des données, sauvegardes automatiques…), des coûts maitrisés (vous payez ce que vous consommez), une flexibilité (espace de stockage, nombre d’utilisateurs, niveau de performance… selon les besoins). Le Cloud a donc fini par convaincre le marché par ses avantages intrinsèques. Le Cloud a en effet permis aux entreprises de « lâcher les chevaux », en augmentant le nombre d’utilisateurs de diverses applications métier et le volume de données générées. Par conséquent, l’intérêt du Cloud ne s’arrête pas là ; il a permis de rendre possible de nouvelles choses alors que les systèmes traditionnels venaient parfois limiter ou entraver toute velléité de progrès.
C’est donc grâce aux architectures Cloud notamment qu’il est devenu intéressant (car peu coûteux) de recueillir et stocker des données (le fameux « Big Data »)…pour (peut-être) mieux les exploiter.
Si le stockage des données, leur accès et leur transit, en toute sécurité, constituent les premiers usages du Cloud et des datawarehouses (comme de simples outils ou services), qu’en est-il de l’exploitation réelle de ces données? Dorment-elles ? Ou sont-elles valorisées comme actifs, comme le suggèrent les modèles d’affaires « data-driven », c’est-à-dire gouvernés par les données ?
Exploitation des données : d’abord une question d’accès puis de partage
L’entreprise Snowflake est directement au contact de ces nouveaux besoins et des usages réels. Selon Benoît Dageville, les entreprises veulent avoir un accès toujours plus large à des indicateurs précis, issus de leurs données. Il devient séduisant pour elles de baser leur gouvernance (et donc leurs décisions) sur les données (stockage, accès) et l’analyse de ces données (calculs et algorithmes opérés sur ces données). La facilité de partage de leurs données, de manière sécurisée, avec leur écosystème (clients, partenaires), est une demande qui émerge de plus en plus. C’est une problématique délicate et relativement complexe puisque chaque lot de données ne sert pas nécessairement les mêmes projets ou destinataires, ne sollicite pas les mêmes opérations ou traitements.
Au fait de cette demande, l’entreprise Snowflake Computing a lancé une solution (Private Data Exchange) pour briser les silos internes des entreprises. La solution permet ainsi de centraliser l’accès et l’analyse des données de l’entreprise en un point unique et sécurisé, ce qui permet aux entreprises et organisations de partager, au sein de leur écosystème, des jeux de données en privé avec des groupes définis de personnes pour collaborer, informer ou faciliter la prise de décisions. Les entreprises contrôlent complètement les lots de données et leur niveau d’accès par les utilisateurs.
Les données sont semble-t-il de plus en plus considérées comme des actifs de l’entreprise. Il n’est donc pas si étonnant que leur première démarche se tourne vers l’utilisation de ces données au sein de leur écosystème de confiance. C’est un grand pas dans la valorisation des données et l’avènement de modèles de gouvernance « data driven » qui dépassent les silos traditionnels de l’entreprise.
L’économie des données : la prochaine révolution digitale?
Servant la gouvernance interne, les données deviennent des actifs qui acquièrent déjà une certaine valeur dans un cercle de parties prenantes bien identifiées.
Certaines entreprises vont encore plus loin en intégrant ces données dans leur modèle de génération de revenus, directs ou indirects. Elles recherchent des solutions pour exploiter et monétiser les données dont elles disposent, et souhaitent également pouvoir s’appuyer sur de nouvelles sources de données pour stimuler leurs activités.
En effet, si les données ont une valeur au sein de l’écosystème d’un acteur, elles peuvent potentiellement en avoir pour d‘autres acteurs. Il est même fort probable que des données encore non ou mal exploitées puissent avoir de la valeur pour d’autres écosystèmes, et faire alors l’objet d’une première forme d’échange ou de commerce. C’est un mode de pensée encore peu démocratisé, mais dont l’essor n’a de limite que la volonté de partager et d’ouvrir certaines de ses données à l’extérieur, de façon ciblée et sécurisée. Il s’agit d’un frein essentiellement culturel.
La crainte encore bien ancrée est de se voir pillé par des concurrents. Toutefois, les technologies désormais déployées permettent un contrôle fin et une traçabilité des données exploitées. L’accès peut être ouvert ou fermé à tout instant.
Un second frein à cette forme de valorisation des données consiste est un manque de vision quant à la richesse que peut créer ce partage de données pour tous les acteurs. Deux jeux de données pris isolément, peuvent en effet, une fois mis en commun, générer une plus-value qui dépasse leur simple somme. Ce sont donc de nouvelles façons de penser qui doivent se développer pour exploiter ces opportunités cachées. Mais là encore, cela impose de s’ouvrir à des collaborations parfois inhabituelles, avec les résistances culturelles que cela induit.
Pour autant, les dirigeants de Snowflake en font le pari, en permettant à leurs clients d’explorer ces pistes, en les affranchissant par ailleurs de barrières telles que les fournisseurs de Cloud ou les zones géographiques. Le partage est donc potentiellement illimité.
La société a ainsi lancé une plateforme publique de partage de datas (Snowflake Data Exchange) qui marque une nouvelle étape dans l’utilisation généralisée des datas en tant qu’actifs des entreprises. La place de marché permet aux clients de se connecter aux données d’autres entreprises, appelées fournisseurs de données. Les utilisateurs peuvent accéder, générer et découvrir de nouveaux indicateurs à partir de ces données, et ce de manière transparente et sécurisée. Contrairement au transfert de données traditionnel effectué via des API ou à l’extraction de données vers le cloud, la technologie de partage de données qui est exploitée améliore le contrôle et la sécurité des échanges de données, pour rendre leur intégration et le traitement des requêtes transparents.
Les clients peuvent alors parcourir un catalogue de datas accessible en toute sécurité et en temps réel.
Les fournisseurs peuvent quant à eux partager des données en direct et faire la promotion de leurs data services auprès de la communauté et ainsi créer de nouvelles sources de revenus. Ils peuvent mettre les données à la disposition de tous les clients ou de clients spécifiques sans avoir à créer des copies.
Ces possibilités peuvent désormais alimenter de nouvelles formes de création de valeur pour tous les acteurs d’un écosystème.
Au regard de ces tendances autour de la valorisation des datas, il semble que l’économie des données repose avant tout aujourd’hui sur la problématique de la gouvernance des datas.
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