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La transition climatique est en mouvement : repenser vos investissements

A court terme : des marchés incertains et volatiles

Après une flambée de l’inflation, conséquence de la pandémie et de la guerre en Ukraine, les banques centrales ont dû remonter les taux d’intérêt. Fidèles à leur mandat, elles cherchent à ralentir le cycle économique afin de ramener l’inflation à son niveau cible. Si le contexte est connu des investisseurs, la particularité du cycle actuel réside dans le fait qu’il se matérialise après une longue période de taux extraordinairement bas, suivie d’une courte période de remontée rapide des taux.

Cette remontée rapide expose toute une série de vulnérabilités latentes qui apparaissent désormais au grand jour. L’effondrement récent de certains établissements bancaires aux Etats-Unis ou en Europe nous rappelle la fragilité de certains secteurs. La contraction du crédit bancaire en cours va peser sur les économies et la perspective d’une récession pourrait se matérialiser au cours des prochains mois.

A ce contexte financier fragilisé s’ajoute également une géopolitique incertaine. Tout porte à croire que les marchés resteront relativement volatiles et incertains durant les mois à venir.

 

La transition environnementale, une conviction d’investissement

Si l’actualité des marchés nous incite naturellement à la prudence, la transition climatique représente certainement l’une des plus importantes opportunités à saisir pour les investisseurs de long terme.

Aujourd’hui, de puissantes forces sont à l’œuvre pour encourager et faciliter une transition climatique devenue indispensable : pressions des consommateurs, actions des régulateurs, transition des modèles d’affaires par les industriels et juste allocation du capital par les investisseurs. Les actions des gouvernements y contribuent également, au travers de programmes d’investissements publics ou de crédits d’impôts.

La transition climatique se construira sur quatre grands axes :

L’électrification. L’électricité est en passe de devenir le vecteur énergétique dominant. D’environ 20% de la demande mondiale d’énergie en 2020, elle passera à plus de 70% en 2050. Pour produire l’électricité, nous devrons passer du fossile au renouvelable (eau, vent, soleil et certainement nucléaire).

L’agriculture et la préservation de la nature. D’ici à 2050, nous allons vouloir nourrir deux milliards d’habitants supplémentaires, tout en restituant des surfaces arables importantes en faveur de projets de reforestation et de biodiversité. Il faudra repenser nos méthodes de production comme de consommation.

Les matériaux. Il va s’agir de découpler la trajectoire d’une croissance économique que nous allons souhaiter maintenir forte, de celle de l’extraction des matières premières. Le modèle « take, make, waste » va devoir être remplacé par celui du « reduce, re-use, recycle ». Les matériaux de construction doivent être repensés ; les voitures seront partagées ; leurs composants seront recyclés.

Le carbone. Le modèle d’économie de marché doit être élargi afin d’inclure l’ensemble de ses externalités. Les émissions de carbone devront coûter de plus en plus cher, créant des mécanismes incitatifs indispensables à l’adoption par les acteurs industriels de véritables stratégies de transition. En parallèle, la séquestration prouvée de carbone ouvrira la porte à des transferts monétaires insoupçonnés jusqu’à il y a peu.

A l’image de la révolution industrielle du 19e siècle, ou celle de la révolution informatique de ces cinquante dernières années, ces transformations auront un impact majeur sur l’ensemble de nos systèmes économiques. Des entreprises leaders émergeront plus fortes, d’autres disparaîtront.

 

Les solutions existent

La plupart des technologies nécessaires à ces transformations existent déjà. Elles sont en train d’évoluer vers des solutions de masse. Nous sommes à l’aube d’une accélération exponentielle de ces solutions industrielles qui devraient libérer des opportunités de croissance sans précédent.

Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette accélération. Tout d’abord, la chute des coûts de production :  dans le domaine des énergies renouvelables, les coûts ont chuté de 60 à 90% au cours des dix dernières années. Ensuite, l’amélioration constante des performances : le véhicule électrique atteint une efficience énergétique de l’ordre de 80% par rapport aux 20% d’un véhicule traditionnel. Enfin, le soutien massif des pouvoirs publics, à hauteur de plusieurs centaines de milliards de francs pour les trois grands blocs Europe, Etats-Unis et Chine, aident à accélérer l’investissement et la mise en place de solutions industrielles à grande échelle – dans les domaines de la pompe à chaleur, des véhicules électriques, des matériaux de construction par exemple.

La guerre en Ukraine est un facteur supplémentaire d’accélération : on relèvera ici la conviction renouvelée de l’Europe sur l’importance d’une véritable indépendance énergétique.

 

Aligner les portefeuilles sur la transition en cours

Pour bénéficier des opportunités d’investissement liées à la transition climatique, il est indispensable d’en comprendre la nature et les trajectoires. Cela requiert un véritable travail de recherche fondamentale. Il est nécessaire d’analyser le niveau de maturité, le rendement et le potentiel de croissance des différentes technologies et de pouvoir modéliser leur évolution. Le défi est de pouvoir anticiper la nature des changements majeurs à venir, qui ne manqueront pas de bousculer de nombreux secteurs économiques et de faire émerger de nouveaux modèles d’affaires.

Il est utile de suivre les investissements opérés par les entreprises : ils pointent souvent vers les futures sources de profitabilité. À elle seule, la transition énergétique devrait représenter près de CHF 3’800 milliards d’investissements par année au niveau mondial, au cours des dix ans à venir. Ce montant est comparable aux dépenses d’investissement du secteur des technologies de l’information, qui représentent aujourd’hui près de 20% des rendements totaux des entreprises mondiales, contre 5% seulement dans les années 90. A l’image de ce qui s’est passé dans ce domaine, préparons-nous à l’émergence des nouveaux GAFA de demain.

La transition climatique n’est plus une affaire de concept. Il ne s’agit plus d’un projet lointain. Notre intime conviction est que cette transition a aujourd’hui démarré. Elle est en mouvement. A bien des égards, elle accélère. Pour l’investisseur, la question à se poser est : voulons-nous l’ignorer, ou, au contraire, ne devrions-nous pas l’intégrer, systématiquement, dans nos portefeuilles ?

Tribune rédigée par Frédéric Rochat, associé-gérant, Banque Lombard Odier

 

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