L’acheminement des marchandises est devenu un enjeu stratégique pour les grandes entreprises européennes, qui doivent livrer leurs clients et consommateurs finaux toujours mieux et toujours plus vite. Dans ce cadre, la maîtrise de leur supply chain est fondamentale, d’autant qu’elle va impacter les relations commerciales comme la politique RSE et donc, in fine, la crédibilité comme la rentabilité de l’organisation.
Le transport routier de marchandises, actif en amont et en aval de la logistique, représente un potentiel d’optimisation colossal. Mais, les organisations des grands donneurs d’ordre sont ancrées dans d’anciens schémas dont elles peinent à sortir. Sont-elles aujourd’hui assez matures pour opérer leur transformation, et faire de l’organisation de leur plan de transport un levier de compétitivité ?
Les entreprises font face à de nouveaux enjeux
Alors que les attentes des clients en B2B — comme des consommateurs en B2C — vont grandissantes, les entreprises doivent y répondre en délivrant avec davantage de vitesse et d’agilité. Cela nécessite de pouvoir rapidement organiser sa production, ses ventes, sa logistique et sa distribution. En effet, ces pics d’activité impliquent des livraisons en flux tendus, où le moindre retard a des répercussions sur toute la chaîne.
Alors même que répondre à la demande impose un rythme de plus en plus soutenu — et donc des moyens de plus en plus développés — les entreprises font face à des enjeux d’optimisation, devant désormais rationaliser leurs propres coûts afin de devenir plus efficientes — donc plus rentables. Un seul moyen pour répondre à cela : une transversalité accrue et une meilleure collaboration entre les différents silos de l’entreprise.
De plus, le contexte de transformation dans lequel évolue aujourd’hui l’entreprise est lié à de nouveaux enjeux de responsabilité. Consommateurs, gouvernements et institutions attendent des organisations qu’elles soient transparentes sur le plan social, sociétal, écologique et économique. Cela passe par le fait de fournir des bilans RSE précis et détaillés, mais aussi de montrer les démarches engagées pour améliorer le bilan environnemental de l’entreprise.
Derrière la contrainte apparente d’une telle transformation se dissimule en réalité une véritable opportunité de gagner en performance. Les entreprises qui parviendront à manoeuvrer cette transition se donneront les moyens d’être, demain, leaders dans leur industrie.
La supply chain est la rotule qui doit permettre de mieux orchestrer les différentes fonctions de l’entreprise
Elle dispose en effet des moyens nécessaires à de meilleures synergies entre les différents silos, notamment en centralisant et en standardisant les flux de données qui circulent tout au long de la chaîne de valeur. Ce rôle central lui confère une nouvelle place au sein de l’entreprise : la supply chain passe de fonction support à fonction transversale, coordonnant les différents corps de métier en remettant le client au coeur du processus.
Et cela se voit au sein des grands groupes Européens : on observe la nomination de Chief Supply Chain Officers (CSCO) qui rejoignent les comités de direction. Les différents corps de métier évoluent et se digitalisent… La transformation de la supply chain est désormais bien initiée, et ce depuis plusieurs années.
Le transport routier doit encore opérer sa mutation
Mais le secteur du transport routier de marchandises doit, lui, encore amorcer sa mutation. Et cela est loin d’être évident. On demande en effet à la logistique d’être de plus en plus dynamique alors que les Appels d’Offre transport demeurent, eux, rigides et fixes.
En effet, la façon dont les donneurs d’ordre achètent le transport est aujourd’hui inadaptée et révèle le mur face auquel se trouvent aujourd’hui les acteurs du TRM. Le modèle d’Appels d’Offres basé sur une course au meilleur prix ne fonctionne plus et créé des défaillances importantes sur les flux réguliers, dont une part non négligeable fini par aboutir sur le marché spot.
De la nécessité de faire évoluer sa relation avec les transporteurs
Par ailleurs, en s’obstinant à opérer leur transport sous la seule logique du prix le plus bas, les chargeurs courent un autre risque : celui de ne plus être attractifs auprès par les transporteurs.
Sécuriser son plan de transport passe aujourd’hui inévitablement par s’assurer de la pérennité de ses partenaires : il convient de réunir les conditions nécessaires pour être perçu comme un ‘chargeur de choix’ par ses fournisseurs. Cela passe par le fait de payer les transporteurs dans les temps et au juste prix, afin qu’ils réalisent des marges suffisantes, mais aussi de s’assurer qu’ils puissent opérer dans les meilleures conditions possibles à l’enlèvement comme à la livraison, afin que ces étapes ne soient pas un frein avant de parvenir à la prochaine expédition.
En s’assurant de cela, et en valorisant la qualité de service plutôt qu’en imposant un prix bas, les grands chargeurs peuvent ainsi capter l’intérêt et la fidélité des transporteurs, dont le capacitif est aujourd’hui très convoité.
Des coûts cachés largement sous-estimés
Confrontés à une problématique de sous-traitance en cascade, la plupart des grands chargeurs perdent progressivement la maîtrise de leurs flux. Cela engendre un manque de transparence sur les opérations, une qualité de service dégradée avec des pénalités de retard qui s’accumulent, mais aussi un recours de plus en plus fréquent au marché spot — sur lequel les prix explosent — pour trouver la capacité manquante.
Plutôt que de prendre le problème à la racine et repenser en profondeur l’appel d’offres traditionnel, les chargeurs tentent d’améliorer le système existant, en accumulant des solutions qui ne dialoguent pas entre elles, et en constituant des équipes dédiées pour gérer ces défaillances au quotidien. L’absence de concertation et d‘une vision consolidée entre ceux qui achètent et ceux qui opèrent le plan de transport au sein des organisations renforce encore un peu plus la difficulté à optimiser la qualité comme le coût réel de la gestion du TRM pour les entreprises.
Au final, la grille d’achat est largement dépassée et les coûts cachés — notamment liés aux pénalités de retard — deviennent difficilement contrôlables. Ainsi, alors que l’entreprise s’efforce dans toutes ses activités d’améliorer son efficience, ces dysfonctionnements freinent l’ensemble et empêchent à la supply chain d’opérer à plein régime.
Une innovation globale, en réponse à une problématique globale de marché
Pour répondre à ces enjeux, les grandes supply chain européennes cherchent aujourd’hui un moyen de sécuriser, piloter et optimiser leur plan de transport. Les donneurs d’ordre doivent pour cela trouver un partenaire leur permettant de se rapprocher des transporteurs régionaux, auxquels ils n’avaient pas accès jusqu’alors. Cela nécessite un nouveau standard d’organisation qui, grâce à la technologie et à l’usage de la data, permette la collaboration entre un grand groupe et des dizaines, voire des centaines de prestataires.
Or cette vision représente une nouvelle feuille de route pour les donneurs d’ordre. Alors que ces derniers sont habitués à gérer les défaillances, nous leur expliquons qu’avec un plan de transport sécurisé en amont, celles-ci n’existent tout simplement plus. L’innovation nécessaire pour résoudre les problématiques du secteur ne vient pas s’ajouter à une multitude de processus existant : c’est une innovation de rupture.
Une telle transformation des usages oblige les donneurs d’ordre à changer leur organisation, leurs méthodes et leurs process. Ce n’est ni neutre ni anodin, et c’est pourquoi il est fondamental de procéder par étape. Le véritable enjeu est d’accompagner cette transformation dans les organisations.
De la même façon que Rome ne s’est pas construite en un jour, le nouveau standard du TRM ne deviendra pas la norme demain. Pour autant, nous avons la conviction de suivre la seule voie possible et que cette transformation est imminente.
Paul Guillemin co-fondateur de Fretlink
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