L’été 2022, avec ses nombreux épisodes caniculaires, a sans doute été celui de la prise de conscience du réchauffement de la planète et de l’urgence climatique. La montée des températures provoque la fonte des glaces du Groenland et l’élévation du niveau de la mer. Cela favorise l’augmentation de l’intensité des catastrophes météorologiques telles que les cyclones et les inondations, qui s’ajoutent à des incendies de plus en plus dévastateurs. Leur coût est de plus en plus élevé. Ce coût est certes financier : il est supporté par les ménages, les entreprises, les collectivités, les assureurs et les réassureurs ; il est également humain : ainsi, 5 personnes sont décédées, en plein mois d’août, à la suite d’orages violents survenus en Corse.
Pour éviter des conséquences de plus en plus graves, la Conférence de Paris sur le climat de 2015 a fixé un objectif d’augmentation des températures de moins de 2°C par rapport à celles qui étaient atteintes à l’ère pré-industrielle. Pour y parvenir, il convient de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre (GES), dont le principal est le dioxyde de carbone (CO2). Selon l’Agence Européenne pour l’Environnement, en 2019, les gaz à effet de serre étaient émis, dans l’Union Européenne, à 77% par le secteur de l’énergie, à 11% par l’agriculture, à 9% par l’industrie et à 3% par la gestion des déchets. L’Union Européenne est d’ailleurs le troisième émetteur de GES derrière la Chine et les Etats-Unis.
Ces émissions de CO2 sont d’abord issues de la combustion d’énergies fossiles, comme le charbon, le pétrole et le gaz, qui sont notamment utilisées dans la production d’électricité. Pour mémoire et de façon très simplifiée, la production d’électricité est fondée sur la mise en mouvement de turbines. Celles-ci sont actionnables par d’importantes quantités de vapeur qui résultent du chauffage de l’eau à l’aide d’un combustible tel que le gaz, le pétrole, voire le charbon vers lequel l’Allemagne a récemment reconnu devoir se tourner.
La lutte contre le réchauffement climatique passe donc par une phase de transition énergétique. Celle-ci doit conduire à remplacer des combustibles polluants dont les ressources vont, à terme, s’épuiser, par des énergies propres et inépuisables car renouvelables en permanence. Ainsi en est-il du vent qui fait tourner des éoliennes, de l’eau qui, libérée par l’ouverture de barrages, peut faire tourner des turbines pour produire de l’électricité hydraulique, ou encore du soleil qui permet de produire de l’électricité photovoltaïque.
La crise ukrainienne se traduit par une hausse très significative des prix du pétrole, et surtout du gaz avant la probable fermeture complète du gazoduc Nord Stream qui alimente l’Europe en gaz en provenance de Russie. En conséquence, sur le marché à terme, le prix du mégawattheure (MWh) d’électricité à livrer en 2023 a dépassé les 1 000 € il y a quelques jours alors qu’il atteignait seulement 85 € un an plus tôt. En France, le principe du bouclier tarifaire a permis, entre autres, de limiter la croissance du prix de l’énergie à 4% en 2022 et de contenir l’inflation à 5,8% sur un an à fin août 2022, contre 9,1% pour l’ensemble de la zone Euro. Le Ministre Délégué chargé des Comptes Publics, Gabriel Attal, a annoncé ce samedi 3 septembre, le maintien du bouclier tarifaire en 2023, afin d’éviter une amputation insupportable du pouvoir d’achat des usagers.
Ce bouclier tarifaire a un coût pour l’Etat : 24 milliards d’euros depuis sa mise en place à l’automne 2021, dont 10,5 milliards au titre du plafonnement de la hausse des tarifs de l’électricité, 7,5 milliards au titre de la ristourne sur les prix du carburant et 6 milliards au titre du gel du prix du gaz. Ce coût augmente le déficit budgétaire et la dette de l’Etat. Le souci de préservation des finances publiques nécessaire à la qualité de la signature de l’Etat en tant qu’émetteur sur les marchés internationaux de capitaux conduit à une évidence : en cas d’enlisement, évidemment non souhaitable, du conflit en Ukraine pendant plusieurs années, le bouclier tarifaire n’est pas une solution pérenne. Seul le remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables et, bien sûr, le recours plus systématique au nucléaire grâce à la remise en service de 32 centrales actuellement fermées pour cause de maintenance programmée ou à la suite de problèmes imprévus de corrosion, permettra un retour à la normale sur le marché de l’énergie en France tout en contribuant à la lutte contre le réchauffement climatique.
Le recours aux énergies renouvelables a également un coût pour les industriels, les collectivités et les particuliers qui souhaitent les utiliser, notamment pour se chauffer. C’est la raison pour laquelle les politiques ESG (Environnement, Social et Gouvernance) des banques incluent la multiplication des financements du développement des énergies renouvelables. Les banques peuvent d’ailleurs, dans ce contexte, se refinancer en émettant des Green Bonds, obligations recherchées par des investisseurs qui souhaitent que leurs fonds contribuent à l’amélioration de l’environnement. De même, les sociétés de gestion d’actifs et les assureurs investissent de plus en plus dans des projets de développement d’énergies renouvelables, comme, par exemple des parcs d’éoliennes.
De nombreuses entreprises ont pris des engagements de neutralité carbone d’ici 2050 : réductions d’émissions de CO2 liées aux consommations d’énergie et aux déplacements professionnels, compensation par des investissements dans des projets de séquestration de CO2 comme le reboisement.
La prise de conscience de l’urgence climatique est désormais réelle. Et c’est probablement l’impérieuse nécessité de l’accélération de la transition énergétique qui va permettre de la traiter.
Olivier Levyne est Professeur Affilié à HEC
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