« La Hollande n’est pas un pays, c’est une entreprise au mieux », écrit Houellebecq dans son roman Sérotonine. Peu de Néerlandais auront lu le livre, mais comme la phrase a été citée par les journaux nationaux, les Néerlandais ont pris conscience de la perception des Français à leur égard.
Le 18 mai 2020, Macron et Merkel ont organisé une conférence de presse commune, annonçant leur intention d’émettre une obligation d’urgence de 500 milliards d’euros pour stimuler l’économie européenne, et offrir des subventions aux pays et régions les plus touchés par la crise du coronavirus.
La réaction a été stupéfiante aux Pays-Bas : « L’Allemagne n’était-elle pas contre le soutien à la Grèce ? Si oui, alors pourquoi Merkel aurait-elle soudainement soutenu le financement de toute l’Europe du Sud ? Les Pays-Bas étaient en colère, et le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a par conséquent condamné le plan. Pourquoi le gouvernement néerlandais était-il si contrarié ? Était-ce parce qu’il ne savaient pas à quel point le paysage politique avait soudainement changé ? N’avait-il pas vu cela venir ?
Le 23 juin 2016, le référendum au sujet du Brexit a eu lieu. Son résultat est connu : une petite majorité de Britanniques ont choisi de quitter l’UE. Le deuxième grand événement a eu lieu le 8 novembre 2016, avec l’élection de Donald Trump. Et dans ce nouveau paysage géopolitique, Macron a remporté les élections françaises le 7 mai 2017.
Macron a eu une vision claire dès le début. Le 26 septembre 2017, par exemple, il prononce son discours à la Sorbonne :
« Je suis venu vous parler de l’Europe. « Encore », s’exclameront certains. Il faudra juste que les gens s’y habituent, parce que je ne cesserai pas d’en parler. Parce que c’est là que se situe notre combat, notre histoire, notre identité, notre horizon, ce qui nous protège et nous donne un avenir.
Le tabou allemand, ce sont les transferts financiers, le tabou français, c’est la modification des traités. A terme, si nous tenons à l’Europe, les deux arriveront, je veux rassurer tout le monde, mais nous devons cesser d’avoir peur de nos concitoyens.
Mais le temps où la France fait des propositions pour faire avancer l’Europe et tous les Européens qui le souhaitent, ce temps est revenu, et je pense en ce moment à Robert Schuman qui, à Paris le 9 mai 1950, a eu l’audace de proposer de construire l’Europe. Je me souviens de ses mots percutants : Une Europe unie n’a pas été réalisée et nous avons eu la guerre ».
Je fais donc tout d’abord la proposition à l’Allemagne d’un nouveau partenariat. Nous ne serons pas d’accord directement, ni sur tout, mais nous discuterons de tout. À ceux qui disent que c’est une tâche impossible, je réponds : vous êtes peut-être habitués à abandonner ; moi pas. À ceux qui disent que c’est trop difficile, je réponds : pensez à Robert Schuman cinq ans après une guerre dont le sang était à peine sec…
Cet esprit pionnier et pratique se retrouve dans le traité de l’Élysée. Alors, mettons-nous au travail et inscrivons ces engagements communs dans un nouveau traité de coopération à signer ensemble pour marquer le 55e anniversaire de ce traité fondateur, le 22 janvier 2018. Produisons un autre traité de l’Élysée le 22 janvier prochain ».
Du fait du « théâtre du Brexit », tout a pris un peu plus de temps, mais pour les Français, l’objectif était clair : mettre à profit cette ultime opportunité historique, et revenir dans les années 1950 et 1960, à l’entente franco-allemande comme moteur de l’unité européenne.
Le gouvernement néerlandais n’a-t-il pas vu venir cela ? J’aimerais beaucoup lire les protocoles des cabinets de ces dernières années pour comprendre quelles discussions s’y tenaient.
Les Français connaissent certainement leur histoire. Macron a cité Robert Schuman : « Une Europe unie n’a pas été réalisée et nous avons eu la guerre. » Les Français pensent en termes de scénarii historiques et comprennent mieux que quiconque que l’Allemagne, au final, votera toujours pour l’Europe.
En fin de compte, la crise du coronavirus a ouvert la voie politique permettant de briser le tabou des transferts financiers.
Lors de la conférence de presse évoquée ci-dessus, Merkel a fait valoir que « l’Allemagne ne prospère que lorsque l’UE prospère ». Même si vous ne croyez pas à la définition historique, philosophique et culturelle du concept de « l’Europe », la question est de savoir si l’évaluation de Mme Merkel n’est pas aussi valable pour les Pays-Bas. En tant que pays de commerçants, nous sommes très dépendants de nos exportations vers l’Union européenne. Je pense donc qu’il est grand temps de redéfinir notre politique étrangère, d’oublier les Anglais et de se rendre plus souvent à Paris et à Berlin.
Tom van der Lubbe est entrepreneur et cofondateur de Viisi, conseiller néerlandais en matière de prêts hypothécaires. Il est historien et après ses études à Leyde, il a fait de brèves études à Sciences Po Paris et à l’Université libre de Berlin. Il est membre de European Champions Alliance
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