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La France Invente Pour Le Monde, Mais Gratuitement !

La France est sans doute le pays le plus inventif du monde, mais aussi le moins bien protégé. Les rapports successifs le déplorent sans trouver de solution, mais sans calculer non plus le besoin de financement réel. 
 
Les Français inventent, d’autres font fortune
 
Le Français Louis Pouzin a été reconnu par la reine Elizabeth II comme l’un des pères d’Internet, mais il reste inconnu du grand public. François Gernelle, inventeur du premier micro-ordinateur, regrette de n’être pas devenu Bill Gates. Alain Le Mehauté et Olivier de Witte ont déposé le brevet de l’imprimante 3D trois semaines avant leur homologue américain Chuck Hull mais, faute de l’avoir maintenu, c’est ce dernier qui réalise maintenant un chiffre d’affaire d’un demi milliard de dollars par an. La France a découvert le pompage optique et la magnéto-résistance géante, mais ne domine ni le laser, ni les écrans LCD ou les mémoires de masse. Dans l’histoire, les noms de Papin, Niépce, Bourseul ou Ampère sont certes associés aux inventions de la vapeur, de la photographie, du téléphone et de l’électricité dynamique. Mais ce sont les noms de Watt, Eastman, Bell ou Edison qui sont associés à leur industrialisation.
 
Ce constat se répète de rapport en rapport
 
Le rapport de 2018 sur l’innovation le déplore : « La France, qui possède un dispositif de recherche performant sur le plan scientifique, qui produit des résultats de grande qualité reconnus au niveau international, n’en recueille que des retombées économiques largement insuffisantes comparées à celles obtenues […] en Californie, au Massachussetts ou en Israël ». Comme le rapport de Beylat et Tambourin en 2013 : « La PI issue de la recherche publique en France est de bonne qualité, et de quantité comparable aux meilleurs pays (voir l’encart dédié) mais son exploitation économique est largement insuffisante ». Comme celui de Rocard et Juppé en 2009 : « La France souffre d’une insuffisante culture de la valorisation […]. Les pays les plus dynamiques savent déposer des brevets en nombre important ». 
 
La France pourrait déposer 4 fois plus de brevets
 
Le tableau suivant illustre en quelques chiffres le potentiel de brevetabilité de la France.
 
PotentielStatistique
x 1,5rapport de la détention de brevet par les start-up américaines face aux françaises, en phase d’amorçage
x 2rapport du nombre de brevets déposés par l’Allemagne et la France, à PIB égal
x 4rapport du nombre de brevets déposés entre la Corée et la France, à dépense de R&D égale
x 4rapport du nombre d’inventeurs entre les Etats-Unis et la France, à population égale
x 4rapport des revenus tirés de la propriété intellectuelle entre les Etats-Unis et la France, à budget de recherche égal
x 10rapport du nombre de brevets déposés par la Corée et la France, à PIB égal

100brevets.tech

 
Les freins sont culturels pour les chercheurs, financiers pour les entrepreneurs
 
Beaucoup de présidents d’université pensent que faire de la valorisation va gêner le progrès de la connaissance, qu’ils considèrent comme leur mission. De nombreux chercheurs renoncent au brevet au prétexte que « les champs d’innovation sont très larges, ce qui permet aux inventeurs de déposer des brevets d’invention sur des territoires immenses. Or le brevet initial trop étendu, s’il récompense généreusement l’inventeur pionnier, bloque les possibilités de recherches subséquentes effectuées par d’autres, diminue donc la diversité des agents innovateurs dans ce domaine et réduit la probabilité que les développements cumulatifs aient lieu. Le cas du brevet protégeant un résultat général plutôt que la méthode particulière d’obtention du résultat est un bon exemple de brevet trop étendu. Dans ce cas, toute recherche ultérieure visant à explorer d’autres méthodes d’obtention du même résultat seront bloquées » .
Les start-up sont quand à elles rebutées par le coût des brevets, le manque de financement, de visibilité sur l’opportunité du brevetage et d’expertise pour déposer .
 
Le besoin de financement s’établit à 10 milliards d’euros
 
En termes qualitatifs, le rapport Lewiner préconise de simplifier la vie des chercheurs inventeurs ou entrepreneurs en levant les verrous réglementaires et en facilitant la copropriété intellectuelle. Pour les start-up, il propose de stabiliser et renforcer le dispositif existant, en particulier pour le financement.
 
Jean Tirole, Prix Nobel d’Economie, le disait déjà : « pour innover, il faut des inventeurs et du financement. L’innovation vient de plus en plus des startups« . L’OCDE le confirme également, il faut apporter aux start-up de l’expertise et financer leur propriété intellectuelle.
 
En termes quantitatifs, en revanche, le niveau de financement nécessaire est manifestement sous-évalué. Le rapport répartit 250 millions pour des projets innovants dans leur ensemble et renvoie à France Brevets, dotée de quelques dizaines de millions, la responsabilité du financement des brevets des start-up.
 
Or, si l’on multiplie trois chiffres :
– 25 000 EUR en moyenne par brevet,
– 72 000 demandes potentielles supplémentaires de brevets par an, et
– 5 ans de temps d’incubation du brevet
on obtient un ordre de grandeur de 10 milliards.
 
Pour protéger convenablement l’inventivité française et récolter les fruits de ses investissements, le besoin de financement est de 10 milliards d’euros sur 5 ans. Avec le plan actuel, on est très loin du compte. Sans sursaut radical, il faudra donc se lamenter ou se résoudre, de rapport en rapport, à ce que la France continue à inventer gratuitement pour le monde.
 
Par Vincent Lorphelin, fondateur de 100brevets.tech et co-Président de l’Institut de l’Iconomie
avec Pierre Ollivier, fondateur de Winnotek
 
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