L’Europe est aujourd’hui sous les projecteurs. Développements technologiques, investissements massifs, éclosion de start-up innovantes… font du continent européen le nouvel eldorado tech international. Mais n’oublions pas que le monde de la tech, bien que de plus en plus global, est toujours divisé en trois pôles – États-Unis, Asie, Europe – et que les deux premiers dominent l’écosystème tech. L’Europe fait en effet face à plusieurs défis spécifiques bien connus tels que l’absence d’un marché commun, d’une langue commune ou la faiblesse relative des investissements en capital-risque.
Toutefois, l’Europe progresse et rattrape même peu à peu son retard. L’année écoulée en est la preuve : 13 nouvelles licornes sont apparues, notamment grâce à des investissements plus importants provenant… des USA et de l’Asie. Malgré des montants levés moins élevés que ceux de ses cousins américains et asiatiques, la tech européenne se développe rapidement et démontre que le prochain titan – start-up née après 2000 et valorisée plus de 50 milliards de dollars – pourrait être européen.
La France, une start-up nation au fort potentiel
En seulement quelques années, la France est revenue sur le devant de la scène internationale grâce notamment au développement du phénomène « start-up nation ». La French Tech a opéré un virage technologique et business qui a convaincu le monde de l’investissement mais également celui des entrepreneurs. Preuve en est : depuis 2015 le montant des levées de fonds des start-up françaises ne cesse d’augmenter, soit en moyenne 5,8 millions d’euros par levée en 2018 contre 3,7 millions en 2015.
Pour autant, la France est-elle devenue le nouvel Eden des start-up ? Arrive-t-elle à convaincre l’écosystème tech de tout son potentiel ? Après deux années exceptionnelles, la France a rattrapé les leaders du marché tech européen et se retrouve sur la troisième marche du podium, derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne en termes d’attractivité, mesurée par le nombre d’investissements en provenance de l’étranger*. Talend, Voodoo et Deezer sont de bons exemples de l’excellence et du fort potentiel tricolore.
Et la France pourrait bientôt ajouter de nouvelles licornes à son palmarès. Algolia, Actility, Believe Digital, Doctolib, ManoMano, Scality, Shift Technology ou encore Younited Credit ont le potentiel d’atteindre une valorisation d’un milliard de dollars au cours des deux prochaines années selon le rapport « Titans of Tech » de GP Bullhound.
Cependant, l’Hexagone doit concrétiser ses acquis pour prouver que la French Tech n’est pas une chimère et ainsi se positionner à l’international. Aujourd’hui, aucune start-up ne porte le drapeau français parmi les décacornes, ces sociétés valorisées à plus de 10 milliards de dollars. Néanmoins, un terreau se crée. Sur 85 licornes européennes, 6 d’entre elles sont françaises et plus de 20% des potentielles futures licornes sont tricolores, à égalité avec le Royaume-Uni.
Des pépites tech européennes prêtes à devenir des Titans
A plus grande échelle, l’Europe a prouvé en 4 ans son potentiel : le nombre de licornes a quasiment triplé. L’Europe a vu, entre 2014 et 2018, son marché se métamorphoser. En 2014, l’Europe comptait 30 pépites valorisées à plus d’1 milliard de dollars et désormais elle en compte 85. Constat identique sur la même période pour les sociétés valorisées à plus de 10 milliards : 0 en 2014 et 5 en 2018.
Aujourd’hui, le nombre de sociétés tech dont la valeur est supérieure à 5 milliards de dollars a augmenté de 75% depuis 2016 et la valeur combinée des sociétés de technologie européennes, chiffrées à un milliard de dollars, croît effectivement plus vite qu’aux États-Unis ou en Asie.
Pour prendre un exemple concret, le Royaume-Uni a ajouté cinq nouvelles entreprises technologiques d’un milliard de dollars au cours des 12 derniers mois, ce qui lui confère désormais 25 des entreprises technologiques les plus prospères du continent.
Malgré un fort potentiel, les Européens n’ont à ce jour produit aucun Titan. Néanmoins, Spotify et Adyen ouvrent la voie. Respectivement suédoise et néerlandaise, les deux sociétés définissent les premiers contours d’une aura (titanesque) internationale. L’Europe a donc aujourd’hui tous les ingrédients pour façonner le premier Titan technologique européen : pour le devenir, Spotify doit croître son chiffre d’affaires par 2 et Adyen par 2,9.
Mais, même si l’Europe fait émerger de potentiels futurs Titans, il n’en reste pas moins qu’ils doivent réaliser plus d’acquisitions – en moyenne 12 déjà pour les 3 leaders européens (Spotify, Delivery Hero, Zalando), contre 5 pour les Titans américains (Facebook, Tesla, Uber), 3 pour les Titans asiatiques (Ant Financials, Baidu, Didi), et lèvent sensiblement moins que leurs pairs asiatiques et américains – 2,1 milliards de dollars, en moyenne contre 6,8 et 5,4 milliards de dollars respectivement.
Les États-Unis et l’Asie ont montré la voie. Pour passer d’une licorne à un Titan, les entrepreneurs européens doivent être audacieux (ex : internationalisation) et prendre des risques en affirmant leurs ambitions et prouver aux investisseurs que le jeu en vaut la chandelle.
Toutefois, l’Europe est capable de montrer le plein potentiel de ses pépites tech. En effet, 7 sociétés ont la capacité à devenir des géants de la tech. Dans le sillage de Spotify et Adyen, MobilEye, Zalando, Delivery Hero, Yandex et Supercell ont tout pour le prouver au cours des prochaines années.
Les Etats-Unis et l’Asie trustent le marché tech
L’Europe est sans nul doute le nouvel acteur à surveiller de près. Pourtant, les États-Unis et l’Asie continuent de dominer la production de nouvelles entreprises d’un milliard de dollars. Les États-Unis génèrent près de la moitié (48%) de ces entreprises dans le monde, l’Asie représente plus du tiers (36%) et l’Europe, moins d’1 sur 5 (16%).
Depuis 2000, les Titans à eux seuls ont levé 57 milliards de dollars comparés aux 20 milliards levés par l’ensemble des 69 licornes européennes. En moyenne, ils ont donc levé 7,3 milliards de dollars pour atteindre une valorisation de 50 milliards, soit 4,5 fois plus que les leaders européens.
Les Titans américains et asiatiques ont pris de l’ampleur pour trois raisons – 1) une forte capacité à attirer l’investissement – 2) une croissance régulière combinée à un développement rapide – 3) des fondateurs avec une vision et une ambition internationales. Pour avoir les mêmes opportunités de succès, l’écosystème tech européen doit prendre exemple sur ses cousins et en tirer avantage.
L’Europe devient un pôle tech à part entière et la France montre sa capacité à devenir un réel vivier de start-up. Nous avons aujourd’hui tous les ingrédients pour créer un géant technologique ou de futures pépites tech, et il n’y a aucune raison pour que le charme n’opère pas.
Transformer des entreprises de technologie d’un milliard de dollars en Titans représente un grand saut, qui nécessite un acte de foi encore plus grand. Les ingrédients essentiels sont l’intrépidité, le juste équilibre entre ambition et prise de risques, mais également l’augmentation des megarounds en Europe.
*Source EY – Baromètre de l’Attractivité de la France 2018
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