La Suède compte sept licornes, ces entreprises valorisées à plus d’un milliard de dollars. La France, seulement trois, avec Criteo, Vente-privee et BlaBlacar devrait s’inspirer de la patrie qui a vu naître Ikea, Skype, Soundcloud ou encore Spotify qui a fait son entrée en bourse ce printemps.
Or, cet esprit d’entreprise serait même – si l’on se replonge dans l’histoire moderne – d’inspiration française. A la fin du XIXème siècle, le francophile et modernisateur ministre des finances suédois de l’époque, Johan August Gripenstedt ouvre la voie au libre échangisme inspiré par l’économiste français libéral Frédéric Bastiat. Et si aujourd’hui l’histoire s’inversait, le président Macron serait-il venu puiser des idées de « l’esprit de startupper » suédois du XXIème siècle ?
Spotify offre le meilleur de la musique en temps réel et partout dans le monde ; Skype donne la possibilité de communiquer partout où que l’on soit sur le globe ; Soundcloud permet à chacun de partager ses propres créations musicales ; Klarna démocratise le paiement en ligne. La Suède a vu naître de nombreux géants du Web et semble bel et bien être une source d’inspiration pour Emmanuel Macron, bien déterminé à faire de la France une « Start-up Nation ». « Libérer et Protéger », c’est le chemin que la France emprunte actuellement, chemin déjà tracé par nos voisins suédois et sur lequel la France a longtemps trébuché.
Et si le dieu nordique Thor, symbole de l’agilité et de la force, était suédois ?
Avec environ 7 licornes, la Suède abrite les plus puissantes entreprises technologiques d’Europe. C’est plus que la France qui n’en dénombre que 3 avec Blablacar, Criteo et Ventes-privées. Soit autant que l’Allemagne, mais loin derrière le Royaume-Uni qui compte 22 licornes. Rapporté à son nombre d’habitant, par contre, Stockholm est le deuxième producteur mondial de licornes juste derrière la Silicon Valley.
Cette réussite est le fruit d’un écosystème propice à l’innovation : 40 pôles de compétitivité comme celui de Kista Science City, le plus grand cluster TIC d’Europe et le troisième dans le monde ; 43 incubateurs dont l’Incubateur « Uppsala Innovation Centre », classé quatrième incubateur affilié à une université du monde par le centre de recherche UBI. Ce n’est donc pas étonnant qu’en 2016 la Suède soit le troisième pays de l’OCDE en termes de dépenses R&D avec 3.2% du PIB, derrière l’Israël (4,25%) et la Corée du Sud (4,2%), et devant la France, douzième avec 2.25% [1]. Il en va de même pour le nombre de brevets déposés, où la Suède se classe dixième mondiale selon l’Organisation Internationale de la Propriété Intellectuelle.
Forte de sa culture du dialogue et de la remise en cause, la mentalité suédoise est propice à la création et à la prise de risque. Loin du modèle jacobin, les échanges dans la société suédoise sont davantage horizontaux. A Stockholm, nombreuses sont les occasions pour réseauter, que ce soit dans les multiples afterworks ou dans les espaces de coworking qui fleurissent depuis quelques années. Comme le dit le fondateur de Skype Niklas Zennstrom : « If you want to be an entrepreneur, it’s not a job, it’s a lifestyle ».
Le « miracle suédois » aurait-il donné naissance à de divines licornes ?
La Suède peut en effet se targuer d’avoir su concilier un Etat-providence protecteur et une économie libérée. Serait-ce le social-libéralisme tant convoité par le président Macron ?
L’Etat-providence suédois se développe dans les années 1970 : des subventions sont accordées aux entreprises en difficulté, l’assurance chômage atteint des taux de couverture records. Néanmoins, force est de constater que l’économie suédoise ne résiste pas face à la crise pétrolière et la crise nordique de 1990. C’est alors que le pays entreprend une libéralisation de son économie. Les monopoles d’Etat dans les télécommunications, les transports et l’électricité sont démantelés. Les secteurs de la santé et de l’éducation sont eux aussi ouverts à la concurrence. Et ses réformes ont offert à la Suède des taux de croissance les plus élevés d’Europe durant les deux dernières décennies. Résultat, en 2017, la Suède connaît une croissance économique de 2,4% en 2017 [2].
C’est donc un Etat incitatif que la Suède incarne aujourd’hui. Il promeut et créé les conditions favorables à l’entreprenariat innovant tout en conservant une gouvernance d’entreprise équilibrée grâce à la codétermination. Le taux d’imposition des sociétés est passé de 58% en 1991 à 22% aujourd’hui. L’impôt sur le revenu est quant à lui plafonné à 57% pour les revenus du travail et 30% pour les revenus du capital. A ces réductions fiscales s’ajoute la création d’agences publiques d’investissement comme Tillväxtverket ou Vinnova, des « Bpifrance » à la suédoise. Vinnova, par exemple, fondée en 2001, participe activement au financement de la recherche dans les NTIC. Elle a lancé le programme « Drive Sweden », programme stratégique d’investissement dans l’automatisation des transports. Si vous vous baladez du côté de Göteborg, vous pourrez admirer le tout premier bus sans chauffeur du monde, pur produit du programme « Drive Sweden ». Mieux que la Google car ou la Robocar, voici le bus autonome !
Mais les capitaux publics ne sont pas la panacée. C’est pour cette raison que la Suède connaît un développement du secteur du capital-risque depuis une décennie, jusqu’alors assez faible. Et pour cause, les investissements en capital-risque ne représentent que 180 millions de dollars en 2015 en Suède, contre 757 millions en France et 59 698 millions aux Etats-Unis. D’ailleurs, d’après une étude du Journal of Business Venturing , les investisseurs suédois prendraient moins de risques que leurs homologues anglais et américains [3]. Cela pourrait expliquer, en partie, le faible poids du capital-risque en Suède : seuls 4 fonds d’investissements privés sont capables d’investir des tickets de 5 millions d’euros, à savoir Créandum, NorthZone, Atomico et EQT Ventures. Conscient de ce manque de capitaux, l’Etat suédois a créé des sociétés de capital-risque dans les années 2000 comme Fouriertransform, destinées à financer des projets du secteur automobile, ou Inlandsinnovation, dont l’objectif est de dynamiser le nord de la Suède. Ces fonds ne sont pas sans rappeler l’annonce du Président Macron de doter un fonds d’investissement de 10 milliards pour financer des innovations de rupture.
Le Petit Poucet français sèmerait-il des petits cailloux pour cheminer comme la Suède ?
Si depuis près de 5 ans la French Tech a pris son envol avec la création de Bpifrance, des exonérations fiscales comme le CICE ou le CIR, plus de 300 incubateurs et accélérateurs, nos start-up hexagonales ont encore du mal à atteindre des sommets. Le remède suédois serait-il le bon élixir ?
Pour croître, une start-up doit très vite s’ouvrir à l’international. Pour ce faire, savoir parler anglais est une condition nécessaire. L’anglais est la langue des affaires et surtout celle du monde des start-up. Or, selon une étude de l’institut de langues Education First, 71% des suédois sont capables de tenir une conversation en anglais contre seulement 54% des français [4]. Face à ce constat, le président Macron dans son discours sur l’Europe à la Sorbonne en septembre 2017 avait annoncé que chaque étudiant français devrait parler au moins deux langues européennes d’ici 2024. Mais la route semble encore longue… Et notre marché intérieur ne nous aide pas ! Le petit marché suédois de 10 millions de consommateurs oblige les start-up à s’orienter rapidement vers l’international. Dès leur création, les start-up suédoises pensent au-delà des frontières, faisant de leur pays une plateforme d’exportation. Au-delà de l’ancrage territoriale, la French Tech doit désormais s’exporter !
L’entrée en bourse de Spotify avec une valorisation à 20 milliards prouve que la Suède est bel et bien capable de transformer l’essai grâce au Nasdaq américain. C’est une victoire par KO face au français Deezer. Mais, après le CES aux Etats-Unis, le Slush en Suède et la Technology de Tel Aviv, plus grand salon High-Tech d’Israël, le salon VivaTech qui aura lieu du 23 au 25 mai prochain témoigne d’une volonté française de monter sur le ring et de, qui sait, peut-être gagner le prochain combat ?
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