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La crise des banques régionales américaines est-elle terminée ?

Les deux derniers mois ont été marqués par des faillites de quatre banques régionales américaines : Silvergate Bank le 8 mars, Sillicon Valley Bank le 10 mars, Signature Bank le 12 mars et First Republic Bank le 1er mai. La Secrétaire d’Etat au Trésor, Janet Yellen, a tiré les leçons des conséquences dévastatrices de la faillite de Lehman Brothers en 2008 ; elle a, en effet, su prendre les mesures qui s’imposaient pour éviter aux déposants de subir la moindre perte et rétablir la confiance dans le système bancaire afin d’éviter un effet de contagion. Pour autant, la crise des banques régionales américaines est-elle terminée ?

Les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets. Des retraits de dépôts s’amplifient sous l’effet de l’inquiétude de certains clients qui craignent un effondrement de la banque et veulent être les premiers à récupérer leurs liquidités. Les investisseurs se mettent alors à douter de la capacité de la banque à créer de la valeur ; ils revendent leurs actions et sont suivis par des hedge funds qui vendent le titre à découvert. Dans un tel contexte, le cours de bourse s’effondre et la panique s’empare de l’ensemble des clients qui suivent l’évolution de la situation sur les réseaux sociaux. Au lieu de courir jusqu’à son agence bancaire pour fermer son compte, il suffit désormais au client d’utiliser une application, téléchargée sur téléphone portable, pour virer ses dépôts vers un compte ouvert dans une autre banque. Le bank run a ainsi pris une forme numérique. Et la prophétie de faillite de la banque est ainsi devenue plus rapidement auto-réalisatrice.

La solidité du système bancaire américain, réaffirmée presque quotidiennement par Joe Biden, Janet Yellen ou par le Président de la FED, Jerome Powell, est une réalité. Même les comptes du premier trimestre 2023 des banques régionales américaines font ressortir des niveaux de solvabilité de nature à permettre l’absorption de pertes provoquées par un choc financier. Le ratio de solvabilité le plus communément suivi par les investisseurs est celui qui rapporte les fonds propres de premier niveau, ou « common equity tier 1 », aux engagements pris par la banque. Même si les banques régionales américaines échappent au contrôle du régulateur américain, elles affichent, à la fin du premier trimestre 2023, un ratio de fonds propres de premier niveau en moyenne supérieur à 10%, alors que l’exigence minimale, fixée par le Comité de Bâle, est de 7%.

La solvabilité n’est toutefois pas un gage de liquidité : des fonds propres prudentiels élevés qui ont, comme les dépôts des clients, financé des crédits et des placements dans des obligations à long terme, ne constituent pas un accès immédiat à la liquidité, du moins sans générer de pertes pour la banque. En l’absence de contrainte de liquidité imposée par le régulateur américain aux banques américaines dont le total de bilan est inférieur à 250 milliards de dollars, ce qui est le cas de la plupart des banques régionales, la priorité est de rester en mesure de garantir la totalité des fonds des déposants.

Le coût des faillites, notamment de Sillicon Valley Bank et de Signature Bank, a atteint de l’ordre de 18,5 milliards de dollars, dont 15,8 milliards ont servi à éviter aux déposants de subir des pertes. C’est dans ce contexte que l’organisme de garantie des déposants, le Federal Deposits Insurance Corporation ou FDIC, vient de décider de reconstituer ses réserves en refacturant ce montant aux 113 plus grandes banques dont le total du bilan atteint au moins 5 milliards de dollars. Ainsi, pendant 2 ans à compter du second trimestre 2024, les banques concernées devront verser 0,125% du montant de leurs dépôts non assurés au FDIC.

Contrairement au système bancaire français, le système américain est encore atomisé. Le FDIC assure ainsi les dépôts de 4.500 banques. Toutefois, 95% du montant de la facture établie par le FDIC sera honoré par les principales banques du pays.

Malgré cela, les déposants et les investisseurs ne semblent pas encore totalement rassurés et restent très attentifs à toute annonce de la part des banques régionales. A titre illustratif, lorsque, à la suite de la faillite de First Republic Bank, PacWest Bancorp annonce rechercher toutes les solutions possibles, y compris la recapitalisation et la cession d’un important portefeuille de prêts, son cours baisse de 52% ; lorsqu’elle annonce, une semaine plus tard, que son dividende par action sera ramené à 0,01 dollar, contre 0,25 dollar lors du précédent détachement, son cours s’envole et efface presque toutes ses pertes de la semaine précédente. Cela semble alors traduire un regain d’intérêt pour la solvabilité de la banque. Mais le répit est finalement de courte durée : l’annonce, le 11 mai, que la banque a perdu près de 10% de ses dépôts entre le 4 et le 5 mai, conduit à une baisse du cours de son action de 23%.

Les investisseurs scrutent évidemment l’évolution des dépôts, la part des dépôts non assurés par le FDIC malgré l’absence de perte subie par les titulaires de comptes chez Sillicon Valley Bank et Signature Bank, mais aussi l’implication de la banque dans les prêts octroyés aux acteurs du secteur de l’immobilier. 

Le développement du télétravail a conduit à une multiplication de la vacance des bureaux, dont la valeur, fondée sur les loyers futurs, a baissé, notamment dans des villes de la côte ouest des Etats-Unis, comme San Francisco. Les créances sur les professionnels de l’immobilier donnent alors lieu à des dépréciations. En outre, le refinancement de leur dette, lorsque celle-ci arrive à échéance, est d’autant plus délicat que le crédit bancaire ne peut ignorer la valeur de l’immeuble qui sert de garantie.

Malgré l’efficacité des interventions du gouvernement fédéral pour éviter des pertes aux déposants, la forte volatilité des actions des banques régionales américaines ne permet pas encore de déclarer la fin de la crise. Elle dépend du retour de la confiance des déposants et des investisseurs qu’un encadrement des banques régionales par le régulateur pourrait favoriser. En attendant, la situation est propice à des mouvements de concentration au sein du secteur ; Janet Yellen vient d’ailleurs d’affirmer que le régulateur américain devrait être ouvert à des fusions entre banques régionales de taille moyenne.

Olivier Levyne est Professeur Affilié à HEC Paris

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