La semaine dernière, le FMI a attiré l’attention sur le problème mondial croissant : l’accumulation de la dette, en suggérant qu’il était temps de le prendre ne main. Ce problème est plus prégnant dans les pays dont l’économie est développée. Mais il est tout de même présent dans les pays en voie de développement, parmi lesquels la Chine prend une place très importante. En réalité, le FMI a alerté la Chine, lui demandant de maîtriser cette « dangereuse » dette qui ne cesse d’augmenter depuis de nombreuses années.
L’attention s’est récemment portée sur le système bancaire parallèle, qui est fort susceptible de faire l’objet d’une correction stricte. Étant donné qu’il pourrait compromettre près de 50 % de tous les crédits chinois, une baisse soudaine pourrait avoir de grosses conséquences. Ce n’est donc pas étonnant que le responsable de la banque populaire de Chine, Zhou Xiaochuan, ait parlé de théorie du cygne noir, lors de son discours d’adieu en novembre dernier.
Des conséquences mondiales ?
La grande taille de la Chine implique que ces problèmes peuvent avoir des répercutions en dehors de son territoire, alors que la nature et la destination de ses investissements à l’étranger commencent aussi à soulever des questions. Christine Lagarde, directrice générale du FMI, a alerté la Chine quant au « financement superflu et non viable de projets dans des pays où la dette est très importante », en désignant surtout les pays faisant partie de la « Belt and Road Initiative », qui subissent l’influence croissante de la Chine, en plus de contracter des dettes qu’ils ne pourront pas rembourser. Ce problème a également été soulevé par l’ONU et le Département d’État américain et reconnu par certains banquiers chinois.
Le problème n’est donc pas seulement intérieur, car il pourrait engendrer de grosses conséquences à l’international. Si la Chine arrive à repousser continuellement le problème de sa dette, les pays trop endettés incapables de résoudre leurs propres difficultés ne peuvent pas se le permettre. Le Sri Lanka sait déjà ce que cela représente que d’accepter la promesse d’investissements chinois. Il a en effet dû laisser la Chine prendre le contrôle des ports qu’elle a construit sur son territoire.
Le Venezuela est un autre pays pour lequel l’endettement envers la Chine était perçu comme une libération de l’ hégémonie néfaste des États-Unis. Mais la patience de la Chine a ses limites. Elle perd actuellement 7 milliards de dollars d’intérêts par an, pour un pays en plein effondrement social, victime de famine, de pillages et de l’exode de sa population. Cet emprunt de 60 milliards de dollars auprès de la Chine n’a pas sauvé le Venezuela, il a juste repoussé l’échéance de sa chute.
De la dette à l’échange
Depuis un an, les États-Unis et la Chine se dirigent tout droit vers une guerre commerciale, annoncée depuis longtemps. Les experts mondiaux du commerce et de l’économie ont suivi ces prévisions sans conviction, comme si l’idée d’une guerre commerciale était trop absurde pour avoir lieu, ou qu’il ne s’agissait que d’une façade, les deux parties ayant trop à perdre pour être sérieuses. Les dirigeants chinois semblaient être d’accord avec cette idée, sans réellement donner leur opinion, tout en rappelant leur pouvoir à leurs concurrents, en vain.
La menace de 50 milliards de dollars de droits de douane a été avancée, et a rapidement atteint 150 milliards, un nombre tellement astronomique que peu de personnes y ont cru. Mais il semblerait maintenant que le président Donald Trump soit bel et bien sérieux à ce sujet. La dernière action en date est le déplacement en Chine du secrétaire d’État américain au Trésor, Steve Munchin. Cette initiative est, semblerait-il, prise au sérieux par la Chine, car la délégation américaine devrait rencontrer Xi Jinping en personne. Il apparaît donc que la position de la Chine se transforme rapidement, pour laisser place à une série de concessions, véritables ou symboliques, dans l’espoir d’éviter cette guerre commerciale.
Guerre commerciale ou contradiction interne du système mondial ?
Le vrai problème de la Chine, c’est que ses dettes et son excédant commercial avec les États-Unis, sont liés. C’est ce dernier aspect qui génère les dollars permettant l’inflation de la bulle du crédit chinoise. Les exportateurs chinois facturent leurs produits en dollars américains, lesquels sont ensuite échangés pour des yuans par la banque populaire de Chine, et seront finalement introduits dans le système bancaire intérieur et donc sujets aux opérations du multiplicateur monétaire, élargissant ainsi le crédit disponible en Chine. Cette pratique est aujourd’hui à bout de souffle, raison pour laquelle le taux de réserves obligatoires a diminué une fois de plus la semaine dernière. Mais que se passera-t-il si les excédents commerciaux commencent à chuter ? C’est à ce moment là que les fondations de l’immense dette chinoise seront fragilisées.
C’est pour cette raison que la Chine ne pourra pas gagner une guerre commerciale contre les États-Unis. En effet, son modèle de croissance économique tout entier repose sur les exportations vers les États-Unis, ainsi que sur l’utilisation des dollars générés, pour le financement de l’expansion interne d’une économie fermée. Structurellement parlant, l’économie chinoise est complémentaire de l’économie américaine, de la périphérie des investissements, de la propriété intellectuelle et de la demande des consommateurs américains.
La Chine se retrouve donc face à un réel dilemme. Une guerre commerciale avec les États-Unis menace d’ébranler son modèle économique tout entier. Mais déclarer forfait devant les États-Unis en autorisant les investissements, en respectant la propriété intellectuelle et en ouvrant les marchés intérieurs, menace également de fragiliser son modèle économique. C’est d’ailleurs étonnant que nous parlions encore des contradictions du capitalisme, alors que le seul modèle alternatif disponible est lui-même une contradiction.
En réalité, il ne s’agit pas d’une guerre commerciale entre deux puissances industrielles comparables, mais de la contradiction inhérente et inévitable de la Chine qui essaie de s’approprier l’économie sur laquelle repose sa croissance.
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