Propriétaire de la plus grande collection privée d’Art nouveau français en Europe, Perrier-Jouët a toujours été indissociable de l’art. Souhaitant partager son héritage de plus de 200 ans avec le public le plus large possible, la maison présente aujourd’hui sa toute première exposition muséale, Goûter le Monde, le Banquet des Merveilles, au Musée du vin de Champagne et d’Archéologie régionale d’Épernay.
L’exposition, qui se tiendra jusqu’au 11 décembre 2023 et dont le commissaire est l’artiste et historien du design Benjamin Loyauté, est née des discussions entre le musée et l’équipe de Perrier-Jouët, qui souhaitait donner accès à des pièces maîtresses de sa collection Art nouveau, dont certaines sont montrées pour la première fois au public. Pour Benjamin Loyauté, la création de cette exposition était une manière de conjuguer le passé, le présent et l’avenir.
Quelle est l’idée derrière l’exposition Goûter le Monde, le Banquet des Merveilles ? S’agit-il vraiment de présenter la collection de Perrier-Jouët depuis 1811 jusqu’à ses collaborations contemporaines ?
Plusieurs principes clés nous ont guidés tout au long du processus. Premièrement, le partage et la transmission : la collection en tant que patrimoine matériel et symbolique et en tant qu’héritage vivant ainsi que le banquet en tant que lieu de partage. Deuxièmement, s’affirmer et s’engager : la collection comme moyen de converser et de se manifester au monde. Troisièmement, savourer, célébrer et enchanter le monde : la collection avec le banquet comme objet de cérémonie, vecteur de partage pour célébrer le vivant et s’émerveiller.
Le titre de l’exposition est inspiré d’un rare ouvrage du XVIIIe siècle, Le Tableau des Merveilles de l’Univers, ayant appartenu à Henri Gallice, petit-fils de Pierre-Nicolas Perrier et de Rose-Adélaïde Jouët, les fondateurs de Perrier-Jouët. Parlez-moi de ce livre et expliquez-moi pourquoi vous avez décidé de donner son nom à l’exposition.
Le livre nous parle d’un monde fait de créations, d’océans, de soleil, d’animaux. Le mot « merveilles » a plusieurs sens et j’aime l’idée d’une huitième merveille, qui serait notre façon de voir le monde, de le goûter et d’interagir avec lui pour entrevoir un monde collaborant de plus en plus avec la nature. La relation nature-culture est très présente dans l’exposition. Il y a le merveilleux naturel et le merveilleux culturel. L’exposition dévoile les prouesses du design contemporain. Les objets parlants (merveilles de mots) et les objets engagés inventés par Émile Gallé nous parlent du monde, et la commensalité comme objet de découverte nous permet de voir le banquet comme un lieu de parole et d’engagement pour faire le monde.
Quelle est votre définition du banquet et en quoi est-il représentatif de la volonté de Perrier-Jouët de favoriser le partage et l’échange d’idées ?
C’est le lieu des possibles, des expériences, de la fantaisie, du partage, de la parole, une terre d’exploration sans fin. Il doit aussi être un manifeste fait d’authenticité et de discernement, comme il doit convoquer le merveilleux et sa théâtralité.
Quels ont été les critères de sélection des 200 pièces de l’exposition et comment s’est opérée cette répartition entre 50 % de pièces issues de la collection de Perrier-Jouët et l’autre moitié de la collection du Musée du vin de Champagne et d’Archéologie régionale et des prêts d’autres musées et de collectionneurs privés ?
Le dialogue possible entre des œuvres esthétiques, littéraires, voire philosophiques ou sociologiques. La précision des choix se fait par rapport au chapitrage de l’exposition que j’ai voulu comme un livre, une fable, un conte. Une œuvre du XVIIe siècle mise en relation avec une œuvre de 1900 nous rappelle que rien n’est ancien, car tout est créé à un moment contemporain de l’histoire.
Parlez-moi des verres à vin exposés.
Je travaille à la recherche des plus beaux verres Art nouveau du monde, et la collection de verres Perrier-Jouët est importante. Depuis quelques années, je me concentre sur la recherche de verres à vin et à champagne. Le verre à boire permet de revisiter la science, la technologie, l’époque et la beauté des liens entre la science, le savoir-faire et l’art du vin. Comme les serviettes, les verres parlent et deviennent des objets-monde, des objets-mots, ils nous disent comment goûter le monde.
Parmi les œuvres que vous présentez, quelles sont les plus marquantes ?
Quelques-unes de mes préférées sont la collection de verres de Perrier-Jouët, Karl Koepping, la petite coupe en forme de radis de la naissance de Vénus, le couteau du Louvre et la table libellule d’Émile Gallé de la collection Perrier-Jouët. Mes coups de cœur vont aussi à tous les designers contemporains qui cherchent de nouvelles applications formelles et pratiques autour des objets et des arts de la table. Je reste sur l’idée que l’histoire nous enseigne que le créateur souhaite sublimer la nature ou la représenter et qu’aujourd’hui c’est l’homme qui collabore avec la nature. Je pense à Gavin Munro dont les créations ne sont pas dénuées de complexité, tout comme Marcin Rusak nous renvoie sans le vouloir à l’univers des Fleurs animées de Jean-Jacques Grandville du milieu du XIXe siècle.
Décrivez la longue table sinueuse de la salle de banquet, comment vous en avez eu l’idée et comment vous avez choisi les pièces exposées sur cette table.
L’idée est venue d’une réflexion commune avec les scénographes sur la dynamique du banquet, sur les principes du mouvement, du patrimoine qui se transmet, des réflexions aussi autour de l’avenir des matériaux dans l’art de la table et du repas. Ici le symbole de l’infini, car pour moi, le passé a été le présent et le futur se dessine dans le présent. C’est aussi une forme de liberté que de faire de la table un espace de réflexion sur l’avenir en associant des œuvres anciennes et contemporaines orientées vers le biodesign. C’est l’interaction nature-culture qui doit être mise au centre de cette forme dynamique. Cela m’a également été inspiré par les dîners et les bals surréalistes, mais aussi et surtout par les fascinants plans de table, que peu connaissent, de Joseph Gillier. Ils représentent des tables avec des nappes qui forment comme des jardins.
Article traduit de Forbes US – Auteure : Y-Jean Mun-Delsalle
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