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Journalisme, erreur, et AMF

Cour de cassation
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La Cour de cassation vient de confirmer le principe selon lequel, lorsqu’une agence de presse provoque une brusque chute du cours d’un titre en diffusant, même involontairement, une information fausse ou trompeuse sur une société cotée en bourse, elle peut être sanctionnée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour abus de marché.

 

Les journalistes financiers jouent un rôle fondamental dans l’information du marché, notamment en relayant des informations financières et en publiant leurs analyses. Ils concourent ainsi au bon fonctionnement du marché mais doivent bien sûr également assurer son intégrité et la protection des investisseurs en ne diffusant pas d’informations fausses ou trompeuses sur les sociétés cotées en bourse.

Le cadre réglementaire de l’article 21 du Règlement MAR

L’article 21 du règlement (UE) n°596/2014 sur les abus de marché (le « Règlement MAR ») vise à assurer le respect de la liberté d’expression des journalistes et de la liberté de la presse eu égard au risque de manipulation de cours.

Il prévoit que l’existence d’une manipulation de marché liée à la diffusion à des fins journalistiques d’informations financières ou de recommandations, doit être appréciée en tenant compte des règles régissant la liberté de la presse et la profession de journaliste.

Si cette disposition peut s’appréhender comme un « safe harbor », elle ne s’applique pas dans deux hypothèses spécifiquement prévues par le Règlement MAR :

  • si les journalistes ou leurs proches tirent, directement ou indirectement, un avantage ou des bénéfices de cette diffusion d’information, ou
  • si la diffusion de cette information vise à induire le marché en erreur quant à l’offre, à la demande ou au cours d’instruments financiers.

Dans ces deux situations, le journaliste concerné peut être sanctionné pour manipulation de marché sans qu’il ait lieu d’apprécier les règles régissant la liberté de la presse et la profession de journaliste.

Mais la Cour de cassation est récemment venue préciser que la responsabilité d’une agence de presse peut également être mise en cause, même si celle-ci n’a tiré aucun avantage de cette diffusion et n’a pas agi dans l’intention d’induire le marché en erreur.

L’arrêt du 14 février 2024 de la Cour de cassation

Il s’agit en l’espèce de l’affaire du faux communiqué du 22 novembre 2016 transmis au bureau parisien d’une célèbre agence de presse financière américaine. Ce faux communiqué, qui se présentait comme émanant d’une multinationale française cotée, avait été rediffusé dans les minutes qui ont suivi sa réception, entraînant une baisse significative du cours de l’action. Se rendant compte qu’il ne s’agissait pas d’un communiqué authentique, l’agence de presse avait, moins de 10 minutes après, supprimé les dépêches initiales et publié des dépêches rectificatives.

Après une enquête de l’AMF n’ayant pas permis d’identifier les personnes à l’origine de ce faux communiqué, l’agence de presse avait été reconnue responsable d’une manipulation de marché relative à la diffusion d’informations qu’elle aurait dû savoir fausses ou trompeuses et susceptibles de fixer le cours du titre à un niveau anormal ou artificiel. L’arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2024 confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 16 septembre 2021, qui avait réduit de 5 millions à 3 millions d’euros la sanction pécuniaire prononcée par la Commission des sanctions de l’AMF.

Même si l’agence de presse n’avait tiré aucun avantage de cette diffusion et n’avait pas agi dans l’intention d’induire le marché en erreur, la Cour d’appel avait relevé que plusieurs éléments manifestes du faux communiqué auraient dû conduire l’agence de presse à s’interroger sur son authenticité conformément aux règles déontologiques propres aux journalistes et aux procédures internes de l’agence de presse en question. Pour la Cour de cassation, il résulte de ces constations que l’agence de presse « n’a pas agi dans le respect des règles et codes régissant sa profession » et que le manquement lui était donc imputable en application du Règlement MAR.

La Cour de cassation énonce ainsi en conclusion que : « la liberté de la presse peut, en matière financière lorsque l’activité journalistique s’adresse au public des investisseurs, être davantage restreinte pour garantir l’intégrité et la transparence des marchés financiers et la protection de ces investisseurs ».

Dorénavant, il est clairement établi que le safe harbor de l’article 21 du règlement MAR permet à un journaliste de ne pas être sanctionné pour manipulation de marché par diffusion d’information fausse ou trompeuse, si le journaliste n’en a tiré aucun avantage, n’a pas eu l’intention d’induire le marché en erreur, et a respecté les règles de sa profession.

 


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