C’est au cours d’un grand dîner de 50 personnes à New York, au beau milieu de sa campagne de publicité pour la promotion de son beau livre de table, The Alchemy of The Senses, que le vigneron français Jean-Charles Boisset prend la parole pour raconter quelques anecdotes sur son parcours atypique.
Après une profonde inspiration dans un grand verre en cristal, produit de sa collaboration avec Baccarat, Jean-Charles Boisset admet que ce dîner lui a fait manquer le dixième anniversaire de son mariage avec Gina Gallo, le visage de la troisième génération de la famille derrière le plus grand producteur de vin en volume au monde, E. & J. Gallo. Gina Gallo et lui avaient créé leur propre vin ensemble au cours de leurs années de fiançailles. Ils l’avaient ensuite servi lors de leur mariage en honneur aux origines californiennes de sa femme entremêlées à son héritage de Bourgogne. « Il contient 49 % de Bourgogne », explique Boisset. « Mais je dois avouer que ma femme aime avoir le dessus. Donc il est à 51 % californien. »
Il y a quelques mois, Rob McMillan, fondateur de la division vin de la Silicon Valley Bank, a décrit Boisset comme étant « l’équivalent des Ringling Brothers (jongleurs de cirques célèbres) du vin — un personnage haut en couleur qui épate la galerie. Mais c’est aussi un grand businessman, capable de faire du neuf avec du vieux. »
Sa sœur Nathalie Boisset et lui dirigent près de 30 exploitations viticoles dans le monde entier, dont une bonne partie de vignoble de Bourgogne. Le chiffre d’affaires annuel est d’environ 200 millions de dollars ; Forbes estime, de manière prudente, que la société vaut quelque 450 millions de dollars. Si la collection devait être mise aux enchères, beaucoup de biens vaudraient bien plus que leur valeur actuelle. « Les acheteurs sont à la recherche de véritables trophées » explique Michael Baynes, partenaire exécutif Vineyards-Bordeaux, de Christie’s International Real Estate. « Il y a peu de demandes. La collection Boisset se vendrait à un prix très élevé. »
Ensuite, Boisset raconte l’histoire derrière son JCB No. 81, un chardonnay de 1981 inspiré par sa découverte des vins californiens. C’était au cours d’un voyage à Sonoma avec ses grands-parents lorsqu’il avait 11 ans. Après avoir visité le vignoble Buena Vista, il se serait alors tourné vers sa sœur pour lui dire : « Un jour nous ferons du vin ensemble en Californie. » Pas loin de dix ans plus tard, les parents Boisset faisaient l’acquisition de plusieurs propriétés à travers la Bourgogne à l’aide de prêts bancaires locaux et de pure chance.
En 1991, Jean-Charles Boisset prend les rênes de l’entreprise familiale de San Francisco. À la recherche de vignobles avec une belle histoire à acquérir, Buena Vista semblait être une opportunité. Mais les propriétaires ont refusé l’offre de Jean Charles Boisset. « C’était très novateur pour l’époque, très iconoclaste d’un point de vue stratégique. Personne ne regardait la Californie comme nous », déclare-t-il.
Il fit alors l’acquisition des vignobles DeLoach à Sonoma en 2003, et passa de plus en plus en de temps en Californie.En 2009, il a acquis le domaine de 300 acres de Raymond Vineyards à Sainte-Hélène. Boisset a finalement obtenu Buena Vista en 2011, après avoir essayé au moins quatre fois. Après l’acquisition de ses propriétés, Jean-Charles Boisset procède de trois façons : tout d’abord, tous les vignobles sont convertis à l’agriculture organique. Puis il augmente le prix du vin d’environ 30 à 40 %. Et enfin, les vins sont vendus avec le reste de la collection à plus de 600 partenaires commerciaux à travers le monde. Par exemple les vins de Buena Vista, DeLoach et Raymond sont maintenant vendus dans plus de 20 pays chacun. Étant donné que la gamme de prix varie de 15 $ à 2 600 $, cela permet de filtrer les achats des distributeurs et de varier les productions.
« En Europe, venir de Bourgogne vous met sur un piédestal », explique-t-il. « Mais il y a trop de hiérarchisation dans la société, ils voient la valeur et l’histoire à travers l’héritage plutôt que ce que vous êtes réellement. Aux États-Unis, vous pouvez venir d’où vous voulez, ce qui compte, c’est vous et ce que vous faites. C’est ça que j’aime. C’est ce qui a fait de moi ce que je suis. »
Ce qui inclut son autre identité pas si secrète d’Agent 69, un personnage de James Bond qui fait ses apparitions dans des soirées extravagantes et des vidéos. Il est difficile de faire la différence entre le prodigieux vigneron et son louche alter ego. Mais loin de le dissimuler, Jean-Charles Boisset en a fait sa marque de fabrique. En collaboration avec Swarovski, JCB a lancé des productions de bijoux, dont l’une d’elles, Confession, contient des menottes. Sans oublier une bouteille de vin rouge appelé Restrained, enveloppée d’un harnais de cuir et ornée d’une bague.
Cependant les partenaires commerciaux de Jean-Charles Boisset ne s’en offusquent pas. « Il ne cache pas qui il est », a déclaré Dina Opici, dirigeante de son entreprise de vin familiale du New Jersey, qui fait affaire avec Boisset depuis 15 ans. « C’est très naturel. Il n’a pas de mauvaises intentions. »
Avec plus de 10 vignobles aux États-Unis et une augmentation du marché privé, Boisset doit faire face à de plus en plus de concurrence, l’évolution de marchés comme celui du hard seltzer (boisson alcoolisée américaine) et la légalisation du cannabis. L’année dernière, la consommation de vin aux États-Unis a baissé pour la première fois depuis 25 ans.
Mais les possibilités sont nombreuses au-delà des vignobles. L’année dernière a été particulièrement chargée : Boisset a acquis l’épicerie Oakville, vieille de près de 140 ans, et a fondé le premier musée d’histoire du vin de Napa. Il a également ouvert un centre commercial appelé JCB Village à Yountville, qui comprend une salle de dégustation, un spa de jour et une boutique qui vend des bougies et des chaussettes de marque JCB ainsi que des carafes Baccarat inspirées de la propre collection de Boisset, la plus importante au monde. Alors que le tourisme à Napa est en déclin, il a ouvert des salons en dehors de la vallée au Ritz-Carlton de San Francisco, au Wattle Creek de Ghirardelli Square et à l’hôtel Rosewood de Palo Alto.
Boisset insiste sur le fait que son empire du luxe va continuer de se développer au cours des années — et qu’il saura résister aussi bien aux charges, aux réchauffements climatiques comme à ses concurrents. « On ne développe pas une marque de luxe en cinq minutes », dit-il, « à part LVMH et Pernod, personne n’a eu un parcours comme le nôtre. C’est le train de vie américain qui m’a permis d’accéder au succès. »
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