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IA générative : défis, opportunités et responsabilités du DSI en 2024

IA générative
Les outils d’IA générative tels que ChatGPT vont révolutionner une grande partie du travail des RH. | Source : Getty Images

 

Par Valentine Férréol 

Le moins que l’on puisse dire c’est que, en 2023, le trending et hot topic « IAG » (pour IA Générative) a fait couler beaucoup d’encre, aussi bien par les analystes que les consultants ou les entreprises de la Tech. Avec ce début d’année 2024, la dynamique marque le pas.

Certes le sujet n’est pas nouveau mais il prend, depuis 18 mois, une dimension nouvelle qui nécessite une attention et une considération particulières. Passionnée par ces sujets depuis toujours, je les aborde aujourd’hui en tant qu’observateur de longue haleine, mais aussi en tant que décideur et acteur, de par ma fonction de DSI.

Si 3 salariés sur 10 avouent feindre être à la page face aux autres membres de l’équipe (Linkedin 2023), une étude Ifop de janvier 2024 met en exergue que 10% ont déjà pu bénéficier d’une formation là où 22% des salariés déclarent avoir fait usage d’une IAG pour leur activité professionnelle…bien souvent sans en avoir informé leur hiérarchie. Et d’un autre côté 68% s’inquiètent des impacts potentiels sur leur emploi du fait de l’automatisation et des intelligences artificielles.

Il faut reconnaître que les métiers de la communication et du marketing, en 1ère ligne, ont fait grand bruit ces derniers mois en investissant massivement sur une stratégie fondée sur l’IA comme Publicis ou comme Onclusive en annonçant des coupes d’effectifs massives en septembre 2023.

Sans chercher à nier ces impacts qui sont bien réels, il est crucial de démystifier la notion selon laquelle ces avancées technologiques feront disparaître massivement tous les emplois.

 

Equilibrage

Pour anticiper des impacts potentiels sur l’emploi, il est nécessaire de considérer 2 dimensions : la dimension quantitative, i.e. le volume d’emplois et la dimension qualitative, i.e. les compétences associées à ces emplois.

Pour ce qui concerne la dimension quantitative, rappelons-nous que les filières scientifiques et la filière numérique manquent cruellement de talents, et ce depuis de très nombreuses années. Même si les acteurs, institutionnels et fédérations professionnelles se mobilisent depuis plus de 10 ans pour attirer encore et toujours plus, former plus et mieux, les chiffres Iesf (Ingénieurs et Scientifiques de France) ou numeum (syndicat professionnel des entreprises du numérique en France) de ce début d’année 2024 le confirment une nouvelle fois : la croissance reste freinée par la pénurie de compétences.

Donc sur ces métiers, la question n’est clairement pas celle d’une destruction massive de l’emploi mais il va plutôt s’agir d’un repositionnement pour permettre un équilibrage qui sera le bienvenu.

Et pour ce qui concerne la dimension qualitative, oui ces avancées technologiques ont transformé et transformeront encore nos professions et nos manières de travailler. Oui également les cycles de ces technologies s’accélèrent.

Alors, risque ou opportunité ?

Revenons aux fondamentaux : les IA sont avant tout des algorithmes informatiques appliqués à un domaine. Pour s’en assurer la maîtrise de bout en bout, les composantes dont nous avons besoin sont les mathématiques et l’informatique, ainsi que l’expertise métier sur le domaine concerné.

Certes, en 2023, les IA génératives ont surpris par la qualité du rendu et par leur dimension généraliste qui les ont rendues accessibles à tous publics. Mais ne nous trompons pas, si leur prise en main est facile et rapide pour un usage personnel, une utilisation professionnelle et qui s’inscrive dans le cadre de l’entreprise nécessite une qualification à part entière. En tout état de cause, une utilisation professionnelle mal organisée peut s’avérer extrêmement risquée : faille de sécurité informatique, diffusion non maîtrisée d’informations confidentielles, dilution ou exposition du savoir-faire de l’entreprise à la concurrence.

L’enjeu est bien sûr de pouvoir passer de l’exploration ponctuelle à des utilisations éclairées, c’est à dire en connaissance de cause, et surtout en soutien et support de la proposition de valeur de l’entreprise.

C’est là que le DSI, son expertise et son implication dans les mécanismes de prise de décision et positionnement par rapport au cœur de métier de son entreprise entrent en jeu.

 

Variations des comportements

Selon les besoins et le contexte de l’entreprise, la qualification puis l’intégration pourront être faites soit avec un bac à sable en lean-startup permettant des cycles courts, c’est à dire par approche progressive et itérative, soit au contraire avec un principe de banc d’essai complet qui permettra alors une analyse détaillée et approfondie.

Dans tous les cas, la qualification doit être abordée selon plusieurs facettes : du point de vue de la technologie elle-même, par les équipes de la DSI, bien sûr. Mais aussi, avec des experts du domaine métier considéré, pour une analyse contextualisée des fonctionnalités pour lesquelles l’automatisme ou l’IAG va intervenir. Il est en effet indispensable d’en vérifier la justesse, afin de se prémunir contre les hallucinations, mais aussi d’évaluer la pertinence de la réponse, les variations de comportement en fonction du contexte et de ses évolutions, d’identifier les impacts directs et indirects sur les activités en amont et en aval. Ces analyses d’impact et études devront être conduites également avec le support des équipes méthodes et qualité, ainsi qu’avec les ressources humaines.

Ces technologies représentent un réel atout car elles permettent le traitement automatisé et massif de données, dans des proportions qui n’auraient pas été accessibles à un être humain. Mais il faut être conscients qu’elles exigent toujours plus d’intelligence humaine, émotionnelle, ainsi qu’une réappropriation de la connaissance, du savoir-faire lié à l’expertise du métier. Et une pensée critique pour éviter de perdre son libre arbitre ou faire des contre-sens grossiers.

Qu’on se le dise : les questions d’accès à la connaissance – le savoir – de la maîtrise de la compétence – le savoir-faire – de la pensée critique et des relations humaines – le savoir-être – vont revenir au centre.

Le sujet des soft skills est extrêmement stratégique, parce que le laboratoire social de la pandémie et l’accélération de l’utilisation de l’intelligence artificielle, ont révélé qu’à compétences techniques égales, ce sont les comportements qui font la différence.

Ainsi ne tombons ni dans un techno solutionnisme ni dans un conservatisme paralysant, l’automatisation et l’IA / IAG représentent un levier à étudier. Pour que ces technologies permettent de créer un meilleur alignement avec les besoins du marché et une réduction des cycles de fabrication, il est indispensable de les intégrer dans la stratégie de l’entreprise.

Le métier de DSI a ceci de formidable qu’il permet de jouer un rôle d’explorateur et défricheur vis à vis de son organisation pour permettre à ses métiers et son comex d’expérimenter, d’évaluer, d’apprivoiser et de piloter l’intégration des IAG dans les processus, les outils technologiques et tout cela en respectant la culture de l’entreprise.

 

Après 12 ans dans les télécom, puis 12 ans dans les services et le conseil, Valentine Ferréol est aujourd’hui Directeur des SI et du Digital. 
 
Lauréate « Femmes en Vue » Voxfemina en 2015, elle est par ailleurs engagée dans l’écosystème IT et digital depuis 15 ans, notamment en tant que présidente de l’Institut G9+ (think tank du numérique fédérant les réseaux d’alumni des grandes écoles) de 2012 à 2016.
 
 
 

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