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Heetch : Arrêtez De Tuer Nos Licornes Françaises !

Le Tribunal correctionnel de Paris a lourdement condamné Heetch et ses dirigeants, avec notamment plus de 400 000 euros en réparation du préjudice moral causé aux chauffeurs de taxis.

 

Alors Heetch, c’est quoi ? C’est quelques dizaines de salariés. C’est notre modeste, mais « successful », Uber tricolore fait PAR DES JEUNES (entrepreneurs français) POUR DES JEUNES, principalement en banlieue, et uniquement entre 20h et 6h du matin. Concrètement, un jeune qui sort faire la fête et qui préfère ne pas prendre sa voiture, pour des raisons évidentes de sécurité, va utiliser Heetch en faisant appel à un autre jeune, qui, lui, souhaite gagner un peu d’argent (en moyenne 35 euros par semaine). Ce chauffeur occasionnel peut ainsi couvrir ses frais de maintenance automobile ou payer ses études en travaillant la nuit. Le prix restant à la discrétion du passager. Pour résumer, un service qui a plein de belles vertus (sécurité routière, entraide, économie du partage, écologie, désengorgement du trafic …).

Heetch, c’était un carton avec plus de 100 000 trajets réalisés la nuit par semaine. Une belle PME du XXIième siècle.

Bref, le type de start-up que personnellement j’adore, un fleuron français de la nouvelle économie numérique, si cher à nos politiques, et où je regrette de n’avoir pas investi il y a 4 ans !

C’est le type de start-up qui devrait être portée aux nues, inspirer une génération, créer des vocations et tout simplement dont la France devrait être fière. En tout cas, c’est ainsi que serait la vie de Heetch aux Etats-Unis.

Alors je rage. Pourquoi tuer Heetch ? Pourquoi cet acharnement judiciaire contre Heetch ? Lobby, ou est-on complètement à côté de la plaque ? Prépare-t-on le retour au XXième siècle ?

Heetch nous promet de continuer à se battre. Et on fait confiance aux cofondateurs pour défendre leur modèle dans les semaines et les mois qui viennent afin que les dirigeants politiques aient enfin le courage de clarifier les règles relatives à la mobilité partagée et la concurrence entre modèles traditionnel et numérique.

Or, à ce jour, nos représentants ne semblent manifestement pas pressés d’avancer dans ce sens. Début 2016, le gouvernement affichait son ambition de « Faire de la France une terre d’économie collaborative ». Depuis, il a surtout brillé par la confection d’un mille-feuille de dispositions sociales et fiscales. L’Etat claironne à tout va qu’il veut soutenir l’entrepreneuriat, voir naître des « licornes » bleu blanc rouge ? Le silence des politiques suite à la condamnation de Heetch n’en est que plus assourdissant. Il constitue un très mauvais signal pour de nombreux fondateurs, entrepreneurs, investisseurs, français comme étrangers. Et on veut voir émerger des champions nationaux ? Cherchez l’erreur…

Alors qu’en France, les autorités œuvrent depuis plus d’un an pour trouver une issue au conflit entre taxis et VTC, aux Etats-Unis, de nombreuses villes se sont rapprochées d’Uber pour expérimenter des dispositifs permettant de fluidifier le trafic urbain. A Summit, dans le New Jersey, la ville a renoncé à construire un nouveau parking géant, préférant signer un contrat avec Uber pour forfaitiser les trajets partagés de ses habitants. Par ailleurs, Uber collecte des informations sur les 450 villes dans le monde où circulent les 1,5 million de chauffeurs que revendique l’application. Autant d’informations que peuvent exploiter les décideurs publics afin d’améliorer leurs politiques publiques de transport ou d’urbanisation. Les villes de Washington, Boston, Manille et Sydney bénéficient déjà du traitement de ces données.

Même si le célèbre service de voitures avec chauffeurs souffre de certains défauts, et si je ne me retrouve pas dans les valeurs de son CEO, certains acteurs publics semblent avoir bien identifié ses atouts au service de l’intérêt général. Un argument jugé suffisant pour faire ensemble un bout de chemin, au profit de l’ensemble des citoyens.

En Europe, chez nos voisins belges, le législateur vient de définir un cadre pour l’économie du partage (hors hébergement et location de biens) qui fixe notamment un plafond  global annuel de 5000 euros auquel s’applique une « flat tax » de 10% prélevée à la source. Cette nouvelle loi clarifie le volet fiscal et social de cette nouvelle économie, permet d’éviter le « black » et de protéger les acteurs professionnels. Par ailleurs, elle devrait favoriser le développement de pratiques collaboratives existantes, mais  aussi à venir…

En France, le principe d’interdiction est-il en train de prendre le pas sur l’encouragement à la création, l’expérimentation, la compréhension des nouveaux besoins de la population ? Le cas Heetch constitue un très mauvais signal pour une raison majeure : il est symptomatique de l’incapacité des pouvoirs publics à appréhender le changement dans toute sa complexité. Par essence, l’innovation et l’entrepreneuriat dérangent, bousculent, remettent en cause l’ordre établi.  « Innovation : toujours dangereuse » écrivait Flaubert. Le rôle attendu de l’Etat face à ce « danger » est de se montrer à la hauteur. Et cela demande parfois du courage.

 

Rêver à haute voix de Licornes Françaises, c’est bien. Les aider c’est mieux. Les tuer c’est catastrophique et destructeur de tellement de valeurs et de symboles pour cette nouvelle génération qui a fait naître l’économie collaborative déjà bien en marche.

 

Par Xavier Gury

Serial Entrepreneur français et un des plus actifs Business Angels dans l’économie collaborative en France (Drivy, Costockage, Yescapa, MisterBnB, Vide Dressing,…) et aux Etat-Unis.

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