Un an après le début de la guerre en Ukraine, des millions d’Ukrainiens ont fui leur pays. Oleksandr Ushchapovskyi, 18 ans, a trouvé refuge au Canada il y a maintenant dix mois. De Kiev à Toronto, il revient sur son périple et sur ce matin de février où sa vie a basculé.
Le 24 février 2022, Vladimir Poutine décide d’envahir l’Ukraine. C’est le début d’un conflit sans précédent en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et d’un exode massif. Si plus de huit millions de réfugiés (au 13 février 2023) en provenance d’Ukraine ont fui le pays pour se rendre en Europe, notamment en Pologne, certains ont décidé d’entamer un plus long périple et de traverser l’Atlantique. C’est le cas d’Oleksandr Ushchapovskyi, 18 ans, qui a quitté son Ukraine natale il y a maintenant près d’un an pour rejoindre son oncle et son grand-père paternels au Canada. Pour Forbes, il revient sur le début du conflit et son année d’exil.
Il venait d’entrer à la Kiev National Economic University pour étudier l’économie internationale. Depuis quelques semaines déjà, les cours se déroulaient à distance à cause du covid-19. Les rumeurs sur l’offensive russe étaient bien présentes, mais à Kiev la vie suivait son cours. Oleksandr et ses amis étaient loin de se douter qu’à leur réveil, ce jeudi 24 février 2022, rien ne serait plus jamais comme avant.
« Il était 5 heures du matin, et je me suis réveillé en entendant les voix de ma mère et de ma grand-mère. J’ai demandé à ma mère ce qu’il se passait. Elle m’a répondu que la guerre avait commencé. J’étais encore dans un demi-sommeil, tout semblait un peu flou. L’atmosphère était très angoissante. Vingt minutes plus tard, ou peut-être plus, j’ai entendu les premières explosions : d’abord notre défense aérienne, puis les bombardements russes, dont un sur un immeuble d’habitations à seulement deux kilomètres de chez moi. »
Oleksandr Ushchapovskyi : Il ne fait aucun doute que l’Ukraine ressortira plus forte de cette guerre, plus unie. Lorsque vous voyez votre président se tenir devant le Congrès américain et être applaudi, vous ne pouvez qu’être fier. Je suis fier d’être Ukrainien.
Pendant trois jours, Oleksandr et sa famille sont restés à Kiev, la peur au ventre, avant de décider de partir pour Ouzyn, une ville de l’oblast de Kiev où vivent les grands-parents maternels d’Oleksandr.
« C’était une décision difficile. J’ai une petite sœur qui avait deux ans à l’époque, et moi j’avais 17 ans. Ma mère a donc décidé que l’on devait partir pour nous mettre à l’abri. Dans les jours qui ont suivi, il devenait de plus en plus dur de faire nos courses. Les rayons des supérettes étaient quasiment vides, les prix des denrées alimentaires avaient explosé, mais on devait bien se nourrir donc on ne faisait pas tellement attention aux dépenses. La situation devenait de plus en plus difficile, alors après un peu plus d’une ou deux semaines, on a décidé de partir et de rejoindre une amie de la famille en Italie. »
Le périple d’Oleksandr démarre. Avec sa mère, sa petite sœur, sa tante et sa petite cousine, ils prennent le car pour rejoindre d’abord Ariano Irpino, puis Zungoli, un petit village en Campanie. Ils y resteront un peu plus de deux mois. « Je n’oublierai jamais l’accueil que l’on a reçu à Zungoli », confie le jeune homme, qui continue d’étudier à distance, tout en commençant les démarches pour obtenir son visa canadien et rejoindre son oncle et son grand-père paternels à Toronto.
« Aller au Canada a toujours été l’un de mes plus grands rêves, même si les circonstances qui m’ont amené à partir n’étaient pas des plus joyeuses. Mais avec la guerre, le Canada a facilité l’obtention de visa de travail et de permis d’études. Après plusieurs démarches administratives, j’ai obtenu mon visa. Ma mère m’a déposé à l’aéroport, avant de rentrer en Ukraine avec ma sœur, ma tante et ma cousine. »
Arrivé à Toronto, Oleksandr décroche un petit boulot chez Tim Hortons, une chaîne canadienne de restauration rapide, tout en poursuivant ses études. La vie en exil n’est pas tous les jours facile. Comment mener une vie « ordinaire » quand une grande partie de sa famille vit en zone de conflit ? Oleksandr est à des milliers de kilomètres de sa maison, de sa famille, de ses amis, alors que les journaux ne cessent de remonter des informations sur les exactions russes en Ukraine et que les bombardements sur les infrastructures civiles continuent. Cette situation, Oleksandr tente de la partager dans un court-métrage intitulé « Father », réalisé par Mykyta Klymenko et disponible sur YouTube. Oleksandr y incarne Yevhen, un étudiant ukrainien qui reçoit un appel téléphonique de son père en plein examen. L’appel, qui devait être une simple conversation entre un fils et son père, prend rapidement une autre tournure : les deux protagonistes réalisent peu à peu que cette conversation pourrait être leur dernière.
« Le réalisateur, Mykyta, m’a demandé de ne pas parler avec ma mère pendant la préparation du court-métrage et le tournage, afin d’entrer complètement dans le rôle. Le tournage a duré trois jours, plus deux jours de préparation. Je n’ai pas pu parler à ma mère pendant cinq jours, et ça m’a définitivement marqué. »
À l’heure actuelle, Oleksandr ne pense pas rentrer en Ukraine : la guerre a bouleversé toutes ses perspectives d’avenir. Dans un premier temps, il aimerait finir sa licence avant de postuler pour un master au Canada.
« Je veux finir mes études, après on verra. L’Ukraine est ma patrie et même si je ne me bats pas pour elle, j’essaie d’aider à mon niveau en donnant à des associations ou en participant à des projets comme le court-métrage “Father”. Et je ne suis pas le seul dans ce cas. Un de mes amis en Ukraine, Oleksandr Davydenko, est l’un des co-organisateurs du Destroyer festival [un festival de métal underground à Kiev, NDLR]. Avec les autres organisateurs, ils ont décidé de reverser tous les bénéfices du festival à l’armée ukrainienne. »
Lorsqu’on l’interroge sur l’issue de la guerre, Oleksandr répond sans hésitation :
« Il ne fait aucun doute que l’Ukraine ressortira plus forte de cette guerre, plus unie. Lorsque vous voyez votre président se tenir devant le Congrès américain et être applaudi, vous ne pouvez qu’être fier. Je suis fier d’être Ukrainien. J’espère que tous les territoires occupés seront bientôt libérés et que les gens pourront reprendre une vie normale, même s’il y aura définitivement un avant et un après. »
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