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Guerre en Ukraine : Pourquoi les sanctions sur le pétrole et le gaz russes ne fonctionnent pas

Ukraine
Pourquoi les sanctions sur le gaz et le pétrole russes ne fonctionnent pas ? | Source : Getty Images

Déclenchée par la Russie le 24 février dernier, la guerre en Ukraine dure depuis environ 100 jours et les exportations de combustibles fossiles russes ont largement été pointées du doigt comme moyens de financement de la guerre et de ses atrocités.

 

L’Occident a pris plusieurs séries de sanctions pour réduire les achats de pétrole et de gaz russes. Les sanctions visant le pétrole russe sont plus importantes, car les revenus d’exportation de la Russie pour le pétrole sont supérieurs aux revenus d’exportation de la Russie pour le gaz naturel.

Les États-Unis et la Pologne ont mis fin à l’ensemble de leurs importations de pétrole russe, mais celles-ci ne représentaient pas une part importante de leur consommation d’énergie. La Lituanie, la Finlande et l’Estonie ont fortement réduit leurs importations de pétrole russe, à hauteur de plus de 50 %. Le Royaume-Uni a annoncé la fin des importations de pétrole russe d’ici fin 2022. Quant à l’Allemagne, les importations en provenance de Russie sont passées de 35 % au début de la guerre en Ukraine à 12 % actuellement. Les pays de l’Union européenne (UE) se sont mis d’accord sur un arrêt des importations d’ici fin 2022, mais des dérogations ont été accordées à certains pays comme la Hongrie et la Slovaquie.

 

Les exportations de combustibles fossiles au cours des 12 derniers mois

Un nouveau rapport du Centre for Research on Energy and Clean Air (Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur, CREA) a rassemblé les données sur les transports de combustibles fossiles provenant des pipelines et du commerce maritime. Ces données sont suffisantes pour estimer les revenus d’exportation de la Russie, pour cartographier les tendances et pour suggérer les raisons de ces tendances.

En mai 2021, les revenus d’exportation de la Russie s’élevaient à 633 millions d’euros/jour. Entre mai 2021 et mai 2022, les volumes d’exportation ont chuté de 95 millions d’euros/jour. Le prix réduit du pétrole russe, entre autres, a entraîné une baisse de 101 millions d’euros/jour. Jusqu’à présent, il semblait que les sanctions fonctionnaient.

Cependant, la hausse des prix des combustibles fossiles sur le marché mondial a annulé ces deux effets et entraîné une augmentation des revenus d’exportation de la Russie de 447 millions d’euros/jour. Les prix moyens russes sur les exportations étaient en moyenne 60 % plus élevés que l’année précédente. En mai 2022, les revenus d’exportation de la Russie ont atteint 883 millions d’euros/jour, soit une augmentation de 39 % par rapport à mai 2021, avant la guerre.

Le prix du pétrole est aujourd’hui supérieur à 120 dollars le baril, et la Russie engrange près d’un milliard d’euros/jour en revenus d’exportations de combustibles fossiles. Avec un tel revenu journalier, la Russie a de quoi financer sa guerre en Ukraine.

Le président russe Vladimir Poutine a affirmé que les embargos des pays occidentaux sur le pétrole et le gaz russes se retourneraient contre eux et entraîneraient une hausse des prix mondiaux. Cela semble s’être vérifié, même s’il est difficile de distinguer les différentes causes de l’augmentation de la demande mondiale de pétrole et de gaz.

 

Les autres conclusions du rapport

Sur les 93 milliards d’euros que la Russie a gagnés grâce aux exportations de combustibles fossiles au cours des 100 premiers jours de la guerre, environ 60 % provenaient de l’UE, ce qui explique pourquoi il est important que l’Europe cesse d’acheter du pétrole et du gaz russes. Il convient de noter que le charbon ne représente qu’une infime partie des combustibles fossiles exportés par la Russie.

La répartition de ces 93 milliards d’euros de revenus d’exportation est la suivante :

  • pétrole brut : 46 milliards d’euros ;
  • produits pétroliers : 13 milliards d’euros ;
  • gaz pipeline : 24 milliards d’euros ;
  • GNL : 5,1 milliards d’euros ;
  • charbon : 4,8 milliards d’euros.

Durant les 100 premiers jours de la guerre en Ukraine, la Chine, l’Allemagne, la France, l’Inde, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite ont tous augmenté leurs importations de pétrole en provenance de Russie. La Chine est désormais le plus grand importateur de pétrole russe, l’Allemagne ayant réduit ses importations.

L’Inde est un peu comme un caméléon. Le pays n’a rien importé en janvier 2022, mais les importations sont passées à 28 millions de barils de pétrole brut en mai 2022. L’Inde achète désormais près de 20 % des exportations de pétrole brut russe. Cette situation pose question, car des quantités importantes de produits issus des raffineries indiennes sont ensuite exportées vers les États-Unis et l’Europe, selon le CREA. Cela va donc à l’encontre des sanctions.

Un autre aspect qui semble avoir été négligé est le transport par pétrolier du pétrole brut en provenance de Russie. Cet aspect est devenu critique. Le CREA a déclaré qu’au cours de la période avril-mai, près de 70 % des transports ont été effectués par des pétroliers appartenant à des entreprises européennes, britanniques, norvégiennes et grecques, les pétroliers grecs transportant plus de 40 % du pétrole brut russe. Ce canal de transport doit être fermé.

Par ailleurs, le CREA souligne qu’au cours des deux premiers mois de la guerre, 23 grandes entreprises ont acheté des combustibles fossiles à la Russie, et que 15 de ces entreprises en achetaient encore en mai 2022. Il s’agissait notamment de grandes compagnies pétrolières, comme Exxon, Shell, Total, Repsol, Lukoil, Neste et Orlen.

Actuellement, les prix élevés de l’énergie et l’objectif de l’Occident de ne plus dépendre des combustibles fossiles russes pour le bien de l’Ukraine ont déclenché une lutte acharnée. D’une part, les sociétés pétrolières et gazières veulent augmenter la production afin de réduire le coût de l’essence. D’autre part, c’est l’occasion d’accélérer la transition énergétique et de passer aux véhicules électriques fonctionnant à l’énergie éolienne, solaire ou hydraulique. Les huit prochaines années devraient fournir une idée plus précise du camp qui l’emportera.

 

Article traduit de Forbes US – Auteur : Ian Palmer

<<< À lire également : Comment l’invasion de l’Ukraine modifie le programme énergétique de l’Europe >>>

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